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ail. Néanmoins, je t'avouerai ma faiblesse, je me propose encore un autre prix, un prix que la délicatesse de ma vertu me reproche inutilement : c'est l'estime que le monde a pour les écrits fins et limés. L'honneur de pas

ser pour un parfait orateur a des charmes pour moi. On trouve mes ouvrages également forts et délicats; mais je voudrais bien éviter le défaut des bons auteurs qui écrivent trop long-temps, et me sauver avec toute ma réputation.

Ainsi, mon cher Gil Blas, continua le prélat, j'exige une chose de ton zèle: quand tu t'apercevras que ma plume sentira la vieillesse, lorsque tu me verras baisser, ne manque pas de m'en avertir. Je ne me fie point à moi là-dessus: mon amour-propre pourrait me séduire. Cette remarque demande un esprit désintéressé : je fais choix du tien, que je connais bon je m'en rapporterai à ton jugement.

Graces au ciel, lui dis-je, monseigneur, vous êtes encore fort éloigné de ce temps-là. De plus, un esprit de la trempe de celui de votre grandeur se conservera beaucoup mieux qu'un autre, ou, pour parler plus juste, vous serez toujours le même. Je vous regarde comme un autre cardinal Ximenès, dont le génie supérieur, au lieu de s'affaiblir par les années, semblait en recevoir de nouvelles forces.

Point de flatterie, interrompit-il, mon ami. Je sais que je puis tomber tout d'un coup. A mon âge, on commence à sentir les infirmités, et les infirmités du corps altèrent l'esprit. Je te le répète, Gil Blas; dès que tu jugeras que ma tête s'affaiblira, donne-m'en aussitôt avis. Ne crains pas d'être franc et sincère: je recevrai cet avertissement comme une marque d'affection pour moi.

D'ailleurs, il y va de ton intérêt. Si, par malheur pour toi, il me revenait qu'on dît dans la ville que mes discours n'ont plus leur force ordinaire, et que je devrais me reposer, je te le déclare tout net, tu perdrais avec mon amitié la fortune que je t'ai promise. Tel serait le fruit de ta sotte discrétion. Le patron cessa de parler en cet endroit, pour entendre ma réponse, qui fut une

promesse de faire ce qu'il souhaitait. Depuis ce momentlà, il n'eut plus rien de caché pour moi je devins son favori.

Deux mois après, dans le temps de ma plus grande faveur, nous eûmes une chaude alarme au palais épiscopal: l'archevêque tomba en apoplexie. On le secourut si promptement, et on lui donna de si bons remèdes, que quelques jours après il n'y paraissait plus. Mais son esprit en reçut une rude atteinte. Je le remarquai bien dès le premier discours qu'il composa.

Je ne trouvai pas toutefois la différence qu'il y avait de celui-là aux autres assez sensible, pour conclure que l'orateur commençait à baisser. J'attendis encore une homélie pour mieux savoir à quoi m'en tenir.

Oh! pour

celle-là, elle fut décisive. Je ne fus pas le seul qui y pris garde. La plupart des auditeurs, quand il la prononça, comme s'ils eussent été aussi gagés pour l'examiner, se disaient tout bas les uns aux autres: Voilà un sermon qui sent l'apoplexie.

Allons, monsieur l'arbitre des homélies, me dis-je alors à moi-même, préparez-vous à faire votre office. Vous voyez que monseigneur tombe; vous devez l'en avertir, non seulement comme dépositaire de ses pensées, mais encore de peur que quelqu'un de ses amis ne soit assez franc pour vous prévenir. En ce cas-là, vous savez ce qu'il en arriverait; vous seriez biffé de son testament.

Après ces réflexions, j'en faisais d'autres toutes contraires. L'avertissement dont il s'agissait me paraissait délicat à donner: je jugeais qu'un auteur entêté de ses ouvrages pourrait le recevoir mal; mais, rejetant cette pensée, je me représentais qu'il était impossible qu'il le prît en mauvaise part, après l'avoir exigé de moi d'une manière si pressante. Ajoutons à cela, que je comptais bien de lui parler avec adresse, et de lui faire avaler la pilule tout doucement. Enfin, trouvant que je risquais davantage à garder le silence qu'à le rompre, je me déterminai à parler.

Je n'étais plus embarrassé que d'une chose; je ne savais de quelle façon entamer la parole. Heureusement, l'orateur lui même me tira de cet embarras, en me

demandant ce qu'on disait de lui dans le monde, et si l'on était satisfait de son dernier discours. Je répondis qu'on admirait toujours ses homélies, mais qu'il me semblait que la dernière n'avait pas si bien que les autres affecté l'auditoire.

Comment donc ! mon ami, répliqua-t-il avec étonnement, aurait-elle trouvé quelque Aristarque *? Non, monseigneur, lui repartis-je, non. Ce ne sont pas des ouvrages tels que les vôtres que l'on ose critiquer: il n'y a personne qui n'en soit charmé. Néanmoins, puisque vous m'avez recommandé d'être franc et sincère, je prendrai la liberté de vous dire que votre dernier discours ne me paraît pas tout-à-fait de la force des précédents. Ne pensez-vous pas cela comme moi ?

Ces paroles firent pâlir mon maître, qui me dit avec un sourire forcé Monsieur Gil Blas, cette pièce n'est donc pas de votre goût? Je ne dis pas cela, monseigneur, interrompis-je tout déconcerté. Je la trouve excellente, quoiqu'un peu au dessous de vos autres ouvrages. Je vous entends, répliqua-t-il. Je vous parais baisser, n'est-ce pas ? Tranchez le mot, vous croyez qu'il est temps que je songe à la retraite ?

Je n'aurais pas été assez hardi, lui dis-je, pour vous parler si librement, si votre grandeur ne me l'eût ordonné. Je ne fais donc que lui obéir, et je la supplie très humblement de ne me point savoir mauvais gré de ma hardiesse. A Dieu ne plaise, interrompit-il avec précipitation, à Dieu ne plaise que je vous la reproche ! Il faudrait que je fusse bien injuste. Je ne trouve point du tout mauvais que vous me disiez votre sentiment; c'est votre sentiment seul que je trouve mauvais. J'ai été furieusement la dupe de votre intelligence bornée.

Quoique démonté, je voulus chercher quelque modification pour rajuster les choses; mais le moyen d'apaiser un auteur irrité, et de plus un auteur accoutumé à s'entendre louer ? N'en parlons plus, dit-il, mon enfant Vous êtes encore trop jeune pour démêler le vrai du faux Apprenez que je n'ai jamais composé de meilleure homélie que celle qui n'a pas votre approbation. Mon esprit,

* Grand critique du temps de Ptolomée Philadelphe,

grâces au ciel, n'a rien encore perdu de sa vigueur. Désormais, je choisirai mieux mes confidents; j'en veux de plus capables que vous de décider. Allez, poursuivitil, en me poussant par les épaules hors de son cabinet, allez dire a mon trésorier qu'il vous compte cent ducats, et que le ciel vous conduise avec cette somme. Adieu, monsieur Gil Blas; je vous souhaite toutes sortes de prospérités, avec un peu plus de goût.

END OF PART FIRST.

FRENCH FIRST CLASS BOOK.

PART SECOND.

THE PROSE COMEDIES OF MOLIERE ABRIDGED.

I. LE MÉDECIN MALGRE LUI.

SCENE FIRST.

One Good Turn deserves another.

MARTINE, Wife of Sganarelle.
VALERE & LUCAS, Servants of Geronte.
SGANARELLE, a Wood Cutter.

Mart. (alone.) VA, quelque mine que je fasse, je n'oublierai pas mon ressentiment, et je brûle en moimême de trouver les moyens de te punir des coups que tu m'as donnés.

Enter Valère & Lucas.

Val. (to Lucas, not seeing Martine.) Que veux-tu, mon pauvre Lucas ? Il faut bien obéir à notre maître ; et puis nous avons intérêt l'un et l'autre à la santé de sa fille, notre maîtresse ; et sans doute son mariage, différé par sa maladie, nous vaudra quelque récompense.

Mart. (thinking herself alone.) Ne puis-je point trouver quelque invention pour me venger ?

Lucas, (à Valère.) Mais quelle fantaisie s'est-il bouté là dans la tête, puisque les médecins y ont tous perdu leur latin ?

Val. (à Lucas.) On trouve quelquefois, à force de chercher, ce qu'on ne trouve pas d'abord; et souvent en de simples lieux.....

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