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Quoique ennoblie, elle conservait toujours la candeur naïve et les mœurs pastorales de sa première condition. Disant que sa mission était terminée, elle demanda à se retirer; mais solicitée avec de vives instances, elle ne put résister aux vœux du roi et de toute l'armée qui la redemandait. Elle continua de faire la guerre, mais ayant à lutter contre la force ennemie et contre la trahison de la part des Français eux-memes, elle fut prise au siége de Compiègne, dans une sortie, par Lyonnel, bâtard du duc de Vendôme, qui la vendit au comte de Ligni, Jean de Luxembourg, son général. Celui-ci la vendit aux Anglais pour la somme de dix mille livres comptant, et cinq cents livres de pension annuelle.

HER TREATMENT AND TRIAL.

LES Anglais ne traitèrent pas Jeanne d'Arc comme une guerrière que la fortune avait une fois trahie, mais dont le courage et les exploits devaient exciter l'admiration; ils la firent condamner au feu comme sorcière, et les circonstances de son procès ainsi que celles de son exécution les couvrent d'une tache ineffaçable. Jeanne 'y montra ce qu'elle avait toujours été, grande et intrépide.

Interrogée si, dès son enfance, elle avait désiré de combattre les Bourguignons et leurs alliés, elle dit : J'ai toujours souhaité que mon roi recouvrât ses états. Changiez-vous souvent de bannière ? lui demanda-t-on ; les faisiez-vous bénir? par quels motifs y avez-vous fait broder les noms de Jésus et de Marie? étiez-vous persuadée que cette bannière portait bonheur, et l'avezvous fait croire aux troupes Françaises ?

Je ne renouvelais mon étendard que lorsqu'il était brisé, répondit-elle; jamais je ne l'ai fait bénir avec des cérémonies particulières. C'est des ecclésiastiques que J'ai appris à faire usage, non-seulement pour mon étendard, mais encore pour les lettres que j'écrivais, des noms du Sauveur du monde et de sa mère.

A l'égard de la fortune qu'on prétend que j'attribuais à cette bannière, je disais pour toute assurance aux soldats: Entrez hardiment au milieu des Anglais; et j'y entrais moi-même

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Pourquoi, dans la cérémonie du couronnement de Charles, avez-vous tenu la-dite bannière levée près de la personne de ce prince ?-Il était bien juste qu'ayant partagé les travaux et les dangers, elle partageât l'honneur. Avez-vous vu des fées ? qu'en pensez-vous.-Je n'en ai point vu; j'en ai entendu parler; mais je n'y ajoute point foi."

HER CONDEMNATION.

On lui proposa, au nom de la religion, de signer une formule d'abjuration qui contenait simplement une promesse de ne plus porter les armes, de laisser croître ses cheveux et de quitter l'habit de l'homme; et quand elle eut accepté, on substitua une autre formule, par laquelle elle se reconnaissait dissolue, hérétique, schismatique, idolâtre, séditieuse, invocatrice des démons, sorcière, etc., etc.

Dès qu'elle eut signé cette cédule par surprise, l'évêque de Beauvais, vendu aux Anglais, prononça le jugement qui la condamnait, pour réparation de ses fautes, à passer le reste de ses jours dans une prison perpétuelle, au pain de douleur et à l'eau d'angoisse, suivant le style de l'inquisition. Cependant on ne s'en tint pas encore là.

Elle avait repris l'habit de femme; mais pendant la nuit, on lui enleva cet habit pour mettre à la place un habit d'homme. Forcée de se lever, elle prit les seuls vêtemens qu'elle eût à sa portée, et la pudeur la détermina à s'en couvrir un instant. On dressa un procès-verbal de cette contravention à son abjuration, et on la condamna en conséquence à être brûlée.

HER EXECUTION.

Sa

Ce fut le 30 Mai que son exécution se fit à Rouen. Elle sortit de prison escortée d'une garde de cent vingt hommes. Elle était revêtue d'un habit de femme. tête était chargée d'une mitre sur laquelle était écrit hérétique, relapse, apostate, idolâtre. Deux religieux dominicains l'accompagnaient Elle s'écriait sur la route : ''Ah' Rouen, Rouen, seras-tu ma dernière demeure!"

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Arrivée au bûcher sur lequel elle devait périr, elle se mit à genoux, pria Dieu dévotement, et se disposa saintement à son sacrifice. Menez-la, "dirent aux bourreaux les juges. Ils obéirent. En face du bûcher était un tableau sur lequel on lisait cette inscription: "Jeanne, qui s'est fait nommer la Pucelle, menteresse, pernicieuse, abuseresse des peuples, devineresse, superstitieuse, blasphemeresse de Dieu, présomptueuse, malcréante de la foi de Jésus-Christ, meuredresse, idolâtre, cruelle, dissolue, invocatrice du diable, apostate, schismatique et hérétique.'

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Par un raffinement de barbarie bien difficile à concevoir, on dressa au-dessus de son bûcher, un échafaud de plâtre excessivement élevé. En effet, les flammes n'atteignant la victime que par intervalles inégaux, elle souffrit d'épouvantables tourmens, au milieu des quels elle répétait tour-à-tour "O mon père ! O mon Jésus! O mon roi !" Et ce fut en prononçant ces mots que la jeune martyre de la patrie expira dans sa dix-neuvième année.

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XCI. Literary Vanity insatiable.

DENYS, le Tyran, avoit quelquefois la manie de faire des vers & même celle de les croire excellens; mais peu content de ses propres suffrages, il poussa la tyrannie jusqu'à extorquer des applaudissemens de tous ceux auxquels il lisoit ses poëmes. Un essaim d'insipides flatteurs & de poëtes faméliques se faisoit un devoir de le confirmer dans la haute idée qu'il avoit de ses productions.

Philoxéne, poëte d'une grande réputation & qui excelloit surtout dans le genre dithyrambique, fut le seul qui ne se laissa point entraîner à ce torrent de louanges & de flatteries. Denys l'ayant regalé un jour d'une pièce de vers de sa façon, & l'ayant pressé de lui en dire son sentiment, Philoxéne lui parla avec une entiere franchise, & lui en fit remarquer tous les défauts.

Le Tyran, qui n'étoit pas accoûtumé à ce langage, en fut très blessé, & attribuant une telle audace à la jalousie, ordonna qu'on le conduisit aux carrières : cette peine répondoit à celle de nos galères. Toute la cour affligée &

allarmée s'intéressa pour le généreux prisonnier, & obtint sa délivrance. Il fut élargi le lendemain, & rentra dans les bonnes grâces du prince.

Dans le repas que Denys donna ce jour-là aux mêmes convives, qui fut comme le sçeau de la réconciliation, & dans lequel la joye & la gaieté régnèrent plus que jamais, après qu'on eut fait bonne chere & longuement, le prince ne manqua pas de faire entrer parmi les propos de table ses vers, qui en faisoient le sujet le plus ordinaire.

Il choisit surtout certains morceaux, qu'il avoit travaillés avec grand soin, qu'il regardoit comme ses chefsd'œuvres, & qu'il ne pouvoit lire sans une sensible complaisance & sans une vraie satisfaction de lui-même ; mais pour mettre le comble à sa joie, il avoit besoin du suffrage & de l'approbation de Philoxéne, dont il faisoit d'autant plus de cas, qu'il n'avoit pas coûtume de les prodiguer comme les autres.

Ce qui s'étoit passé la veille étoit une bonne leçon pour ce poëte. Denys lui demanda donc ce qu'il pensoit des vers qu'il venoit de lire. Philoxéne ne se déconcerta point, & sans lui répondre un mot, se tournant vers ses gardes, qui étoient autour de la table, il dit d'un ton sérieux mêlé de gaieté: Qu'on me remène aux carrières ! Le prince ne put s'empêcher de rire de ce qui dans une autre occasion l'auroit offensé vivement.

XCII. Literary Vanity is always blind.

J'AVAIS été, dans l'après-dînée, chercher mes hardes et mon cheval à l'hôtellerie où j'étais logé; après quoi j'étais revenu souper à l'archevêché, où l'on m'avait préparé une chambre fort propre et un lit de duvet. Le jour suivant, monseigneur me fit appeler de bon matin: c'était pour me donner une homélie à transcrire. Mais il me recommanda de la copier avec toute l'exactitude possible.

Je n'y manquai pas je n'oubliai ni accent, ni point, ni virgule. Aussi la joie qu'il en témoigna fut mêlée de surprise. Père éternel! s'écria-t-il avec transport, lorsqu'il eut parcouru des yeux tous les feuillets de ma copie, vit-on jamais rien de si correct? Vous êtes trop bon co

piste, pour n'être pas grammairien. Parlez-moi confidemment, mon ami: n'avez-vous rien trouvé, en écrivant, qui vous ait choqué? quelque négligence dans le style, ou quelque terme impropre ?

Oh! monseigneur, lui répondis-je d'un air modeste, je ne suis point assez éclairé pour faire des observations critiques; et quand je le serais, je suis persuadé que les cuvrages de votre grandeur échapperaient à ma censure. Le prélat sourit de ma réponse. Il ne répliqua point; mais il me laissa voir, au travers de toute sa piété, qu'il n'était pas auteur impunément.

J'achevai de gagner ses bonnes grâces par cette flatterie. Un soir il répéta devant moi avec enthousiasme, dans son cabinet, une homélie qu'il devait prononcer le lendemain dans la cathédrale. Il ne se contenta pas de me demander ce que j'en pensais en général, il m'obligea de lui dire quels endroits m'avaient le plus frappé. J'eus le bonheur de lui citer ceux qu'il estimait davantage, ses morceaux favoris.

Par-là, je passai dans son esprit pour un homme qui avait une connaissance délicate des vraies beautés d'un cuvrage. Voilà, s'écria-t-il, ce qu'on appelle avoir du goût et du sentiment! Va, mon ami, tu n'as pas, je t'assure, l'oreille Béotienne. En un mot, il fut si content de moi, qu'il me dit avec vivacité: Sois, Gil Blas, sois désormais sans inquiétude sur ton sort; je me charge de t'en faire un des plus agréables. Je t'aime; et pour te

le prouver, je te fais mon confident.

Je n'eus pas sitôt entendu ces paroles, que je tombai aux pieds de sa grandeur tout pénétré de reconnaissance. J'embrassai de bon cœur ses jambes cagneuses, et je me regardai comme un homme qui était en train de s'enrichir. Oui, mon enfant, reprit l'archevêque, dont mon action avait interrompu le discours, je veux te rendre dépositaire de mes plus secrètes pensées. Ecoute avec attention ce que je vais te dire.

:

Je me plais à prêcher. Le Seigneur bénit mes homélies elles touchent les pécheurs, les font rentrer en euxmêmes, et recourir à la pénitence. Ces conversions, qui sont fréquentes, devraient toutes seules m'exciter au trav

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