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(C'était, je pense un jour de fête),

Notre singe en liberté

Veut faire un coup de sa tête :
Il s'en va rassembler les divers animaux
Qu'il peut rencontrer dans la ville :

Chiens, chats, poulets, dindons, pourceaux
Arrivent bientôt à la file.

Entrez, entrez, messieurs, criait notre Jacqueau;
C'est ici, c'est ici qu'un spectacle nouveau
Vous charmera gratis; oui, messieurs, à la porte
On ne prend point d'argent; je fais tout pour l'honneur
A ces mots, chaque spectateur

Va se placer, et l'on apporte
La lanterne magique on ferme les volets,
Et, par un discours fait exprès,
Jacqueau prépare l'auditoire.
Ce morceau vraiment oratoire
Fit bâiller, mais on applaudit.

Content de son succès, notre singe saisit
Un verre peint qu'il met dans sa lanterne.
Il sait comme on le gouverne,

Et crie en le poussant: Est-il rien de pareil ?
Messieurs, vous voyez le soleil,

Ses rayons et toute sa gloire.

Voici présentement la lune; et puis l'histoire
D'Adam, d'Eve et des animaux...

Voyez, messieurs, comme ils sont beaux !
Voyez la naissance du monde;

Voyez... Les spectateurs, dans une nuit profonde,
Ecarquillaient leurs yeux, et ne pouvaient rien voir;"
L'appartement, le mur, tout était noir.

Ma foi, disait un chat, de toutes les merveilles
Dont il étourdit nos oreilles

Le fait est que je ne vois rien.

Moi, disait une taupe, je vois bien quelque chose;
Mais je ne sais pour quelle cause

Je ne distingue pas très-bien.

Pendant tous ces discours le Cicéron moderne

Parlait éloquemment, et ne se lassait point.

Il n'avait oublié qu'un point,

C'était d'éclairer sa lanterne.

78. Distant Misery is seldom realized.
Un enfant, son arc à la main,
Se promenait dans un bocage.

Une colombe au blanc plumage,
Roucoulait ses amours sur un arbre voisin.
Il entend l'oiseau solitaire;
Il le voit, son arc est tendu :
La flèche part, et sur la terre
L'oiseau mourant tombe étendu.
Le vainqueur enchanté s'élance;
De joie il trépigne, il bondit,
Et, barbare par ignorance,
De loin à sa proie il sourit.

Plus près de sa victime, il allait la surprendre,
Quand il l'entendit soupirer.

Alors il vit le sang qu'il venait de répandre,
Et se mit lui-même à pleurer.

Toi, qui vas décochant les traits de la satire;
Toi, qui te fais un jeu de blesser tant de cœurs,
Approche de plus près ceux que ta main déchire,
Et le bon mot qui t'a fait rire
Te coûtera souvent des pleurs.

79. Complaints of Tyranny are not always whispered Te voilà de retour, ami renard; dis-moi, As tu bien accompli les ordres de ton roi ? As-tu bien écouté ce que dans mon empire Chacun de mes sujets peut dire ? Puis-je être assuré de leur foi?

Quels sont les sentiments que ma personne inspire? Parle; est-ce de l'amour, serait-ce de l'effroi ? -Inspirer de l'effroi ! de l'effroi! vous! non, sire;

On vous chérit on vous admire,

Vos bienfaits, vos vertus ont gagné tous les cœurs; On vous nomme des rois le plus grand, le plus juste, Voyez, dit-on, voyez comme ce tigre auguste

Sur nous aime à verser chaque jours ses faveurs !
Dans son cœur la justice éclaire

La bienfaisance et la bonté :
A son tour, la bonté modère
L'exacte et rigide équité;

parques!

Et puis avec transport: Comblez nos vœux, ô
Et prolongez son terme aux dépens de nos jours!
Je ne finirais pas, s'il fallait, grand monarque,
Vous rapporter ici tous les tendres discours,
Discours non pas d'un seul, mais de la multitude;
Discours des animaux par troupes rassemblés.
-Et ceux de qui les fils par ma griffe étranglés.... ?
-Ceux-là, je l'oubliais, chantent leur gratitude,
Et connaissent le prix de cet insigne honneur.
Pour nous, disent-ils, quel bonheur !
D'avoir fourni de la pâture...

-Ton rapport, cher ami, ne sent point l'imposture;
Il me contente; j'aime à voir
Que mes sujets font leur devoir.
J'approuve que la voix publique

En toute liberté sur mon compte s'explique ;
Mais tous ces animaux qui causent deux à deux,
Leur discours est-il aussi tendre ?

—Sans doute, roi puissant; ils font pour vous des vœux:
Mais ils sont si respectueux,

Ils se parlent si bas, qu'on ne peut les entendre.

80. Education should be adapted to Condition.

Les Athéniens bâtissaient une école ;

Sous quel archonte, il ne m'en souvient pas.
Pour terminer noblement la coupole,
On résolut d'y mettre une Pallas.
Prix proposé; deux fameux statuaires,
Pour l'obtenir se mirent sur les rangs;
Flux et reflux des enfants et des pères,
Dans l'atelier de ces deux concurrents;
Ville et faubourg, tout prend part à l'ouvrage.
Grand altercat qui gagnera des deux
L'ouvrage fait, point ne fut de partage;
Une figure enchanta tous les yeux.

On s'écriait quel air! quelle attitude!
Dans tous les traits quelle douce fierté !
A tout finir quelle sollicitude!
Dans tous les plis quelle légèreté !
Jamais depuis les beaux jours de la Grèce,
Depuis qu'on sait manier le ciseau
On n'a montre plus d'art ni de finesse,
Et l'univers n'a rien vu de si beau.
L'autre statue était un bloc informe,
Un marbre brut, sans étude et sans goût,
Habits massifs, tour de visage énorme,
Mauvais détail, plus misérable tout.
L'aréopage essaya la première,

Et sur sa base enfin on l'exhaussa:
Elle perdit sa faveur toute entière
Dès le moment qu'au dôme on la plaça :
Le beau fini n'en était plus sensible :
Traits et contours, tout échappait aux yeux :
C'est, disait-on, Minerve l'invisible,
Et qu'un nuage emporte dans les cieux.
On revint donc à l'épaisse figure;

On en sentit bientôt l'intention.

Airs, cheveux, traits, draperie et posture,
Tout fut de loin dans sa proportion.
On rejeta l'idole travaillée

D'un gout trop tendre, alors de nul effet;
On agréa la figure taillée

Dans ce goût fort que le lieu demandait.
Un poste met les gens en évidence;
Et l'un s'éclipse où l'autre brillera :
En façonnant ou la pierre ou l'enfance,
Songez toujours où l'on la placera.

81. Honesty is the best Policy. Un bûcheron perdit son gagne-pain, C'est sa cognée, et la cherchant en vain, Ce fut pitié là-dessus de l'entendre. Il n'avait pas des outils à revendre; Sur celui-ci roulait tout son avoir.

Ne sachant donc où mettre son espoir,
Sa face était de pleurs toute baignée,
O ma cognée ! ô ma pauvre cognée !
S'écriait-il, Jupiter, rends-là-moi!
Je tiendrai l'être encor un coup de toi.
Sa plainte fut de l'Olympe entendue,
Mercure vint. Elle n'est pas perdue,
Lui dit ce dieu; la connoîtras-tu bien.
Je crois l'avoir près d'ici rencontrée.
Lors une d'or à l'homme étant montrée,
Il répondit je n'y demande rien.
Une d'argent succède à la première,
Il la refuse. Enfin une de bois.
Voilà dit-il, la mienne cette fois.
Je suis content si j'ai cette dernière.
Tu les auras, dit le dieu, toutes trois,
Ta bonne foi sera récompensée.
En ce cas je les prendrai, dit-il.
L'histoire en est aussitôt dispersée,
Et boquillons de perdre leur outil,
Et de crier pour se le faire rendre.
Le roi des dieux ne sait auquel entendre.
Son fils Mercure aux criards vient encor;
A chacun d'eux il en montre une d'or.
Chacun eût cru passer pour une bête
De ne pas dire aussitôt : La voilà !
Mercure, au lieu de leur donner celle-là,
Leur en décharge un grand coup sur la tête.
Ne point mentir, être content du sien,
C'est le plus sûr; cependant on s'occupe
A dire faux pour attraper du bien.
Que sert cela. Jupiter n'est pas dupe.

82. Lost Reputation is hardly regained. Vertu, Talent et Réputation

Allaient faire ensemble un voyage, Ils étaient bons amis, et l'étroit parentage

N'altérait point leur union.

Quoique nous fassions même route

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