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Il est clair à présent, beau sire,

Que vous vivez d'emprunt tous deux. Vous, sur qui la nature avec un doux sourire Répandit les talents, l'esprit ou les attraits, Soyez plus attendris que vains de ses bienfaits; La main qui les versa peut aussi les détruire.

71. Intemperance the Prime Minister of Death. La Mort, reine du monde, assembla, certain jour, Dans les enfers, toute sa cour.

Elle vouloit choisir un bon premier ministre,
Qui rendît ses états encore plus florissants.
Pour remplir cet emploi sinistre,
Du fond du noir Tartare avancent à pas lents
La Fièvre, la Goutte et la Guerre.
C'étoient trois sujets excellents;
Tout l'enfer et toute la terre
Rendoient justice à leurs talents.

La Mort leur fit accueil. La Peste vint ensuite.
On ne pouvait nier qu'elle n'eût du mérite.
Nul n'osoit lui rien disputer ;
Lorsque d'un Médecin arriva la visite,
Et l'on ne sut alors qui devoit l'emporter.
La Mort même étoit en balance :
Mais les Vices étant venus,

Dès ce moment la Mort n'hésita plus ;
Elle choisit l'Intempérance.

72. Christianity the true Philosophy.*
Adorer un seul Dieu, dont le monde est l'ouvrage :
A la religion rendre un fidèle hommage :
Attendre un avenir, appui du malheureux :
Effroi du criminel, espoir du vertueux ;
Obéir sans réserve à ce guide infaillible,
Qui du bien et du mal est le juge inflexible :
Honorer et chérir les auteurs de ses jours,
Recevoir leurs conseils, s'y conformer toujours;

* Ces vers sont la réponse de deux jounes personnes, qui se livraient aux études, au reproche qu'on leur adressait d'. tre philosophes.

Respecter le malheur, soulager son semblable,
Consoler l'affligé, plaindre l'homme coupable;
Ne jamais prononcer sur le compte d'autrui :
Car, qui peut se flatter d'être meilleur que lui!
Du bien que l'on répand ne pas se faire gloire,
De celui qu'on reçoit conserver la mémoire ;
Au sein de la fortune être sans vanité ;
Et, pour se préparer contre l'adversité,
Fonder sur ses talents le repos de sa vie.
Telle est, si vous voulez, notre philosophie.

73. Conquerors are not Founders, but Destroyers. L'aîné de deux enfants, né grave, studieux, Lisait et méditait sans cesse ;

Le cadet, vif, léger, mais plein de gentillesse,
Sautait, riait toujours, ne se plaisait qu'aux jeux.
Un soir, selon l'usage, à côté de leur père,
Assis près d'une table où s'appuyait la mère,
L'aîné lisait Rollin: le cadet, peu soigneux

D'apprendre les hauts faits des Romains ou des Parthes,
Employait tout son art, toutes ses facultés,
A joindre, à soutenir par les quatre côtés
Un fragile château de cartes.

Il n'en respirait pas d'attention, de peur.
Tout-à-coup voici le lecteur

Qui s'interrompt: Papa, dit-il, daigne m'instruire
Pourquoi certâins guerriers sont nommés conquérants,
Et d'autres fondateurs d'empire ;

Ces deux noms sont-ils différents?

Le père méditait une réponse sage,
Lorsque son fils cadet, transporté de plaisir,
Après tant de travail, d'avoir pu parvenir
A placer son second étage,

S'écrie

Il est fini! Son frère, murmurant,

Se fâche, et d'un seul coup détruit son long ouvrage ;

Et voilà le cadet pleurant.

Mon fils, répond alors le père,
Le fondateur c'est votre frère,
Et vous êtes le conquérant.

74. The willing Slave deserves not Freedom.

Mes amis, sans doute à la foire

Vous aurez vu les chiens savants?

Un carlin, par ses tours, amusait les passants,
Et l'on pouvait à peine croire

Ce qu'en racontaient les enfants:
Pourtant, au milieu de sa gloire,
Jamais il n'avait de repos;
Le bâton roulait sur son dos;
Il faisait assez maigre chère :

De lait pas une goutte! il buvait de l'eau claire
Des histrions, ainsi que des héros,

C'est là, je crois, le régime ordinaire.

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Qui mettra fin à tant de maux ?”
Disait le Roscius, en poussant des sanglots,
Et s'adressant à son confrère,
Un ours, qui jamais ne riait.
Mais, si le patron s'approchait,
Le chien soumis faisait l'aimable ;
Il prenait un air agréable,

Et même il lui léchait la main.

Bientôt l'ours, indigné d'un manége semblable,

S'écria: "Morbleu! mon voisin,

"Pourquoi te plaindre de ton maître ?

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Pourquoi gémir de ton destin ?

"Quand on pense en esclave on mérite de l'être." Je partage l'avis de cet ours plein d'honneur Gardons la dignité sous le joug du malheur.

75. Self the Criterion of Perfection.

Une Hélène de basse-cour,

A la marche inégale, à la taille replète,
Un oie, enfin, se dit un jour :

"Je suis belle à ravir, et je serais parfaite
"Si mes grâces avaient plus de légèreté.

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'De bonne part, j'ai l'assurance

Que plus d'une oie et d'un singe effronté

"Dans le monde aujourd'hui se poussent par la danse.”

Aussitôt sont mandés, pour lui donner leçon,
Les maîtres les plus habiles.

Etourneau, martinet, alouette et pinson,
Tous petits freluquets fort sots et fort agiles.
Au milieu d'eux il fallait voir comment
Se trémoussait la grosse dame;
Tant qu'à la fin, voulant battre trop sec
Un entrechat, la pécore essoufflée
Perd l'équilibre et tombe sur le bec;
Bien honteuse et bien sifflée.

Congédiant alors tous les brillants danseurs:

"Fi! dit-elle, ces gens ne sont que des sauteurs; "La véritable danse est plus grave et plus lente." Et la voilà qui veut essayer tour-à-tour

Les talents de la basse cour;

Mais en tous points aucun ne la contente.

Le ramier vole trop,

Margot la pie est une aventurière

Qui trotte ou va le galop;

La poule fait la minaudière,

Et du jardin saute à pied la barrière
Le coq-dinde a du bon, mais il aime à percher,
Et jusques sur les toîts le paon va se nicher.
Bref, la dédaigneuse écolière

Allait chômer, lorsqu'enfin par hasard,
Elle découvrit un trésor....Ah! que dis-je ?
Une merveille, un prodige;

C'est son compère le canard.

Quels airs penchés ! quelle noblesse !
Tout ce qu'il fait par l'oie est répété
Avec la même gentillesse.

C'est un assaut de grâce et de facilité,
Où l'élève est ravie et le maître enchanté.
Sur tout cela voici mon dire:
L'amour-propre est un suborneur

Qui de nos jugements cache et produit l'erreur.
C'est soi-même en autrui qu'on cherche, qu'on admire ;
Et les sots près de qui l'on s'estime le plus

Seront toujours les bien venus.

76. To Contend for is not always to Obtain.
Un jour deux pélerins sur le sable rencontrent
Une huître que le flot y venoit d'apporter:
Ils l'avalent des yeux, du doigt ils se la montrent;
A l'égard de la dent il fallut contester.

L'un se baissoit déjà pour ramasser la proie;
L'autre le pousse, et dit: Il est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie.

Celui qui le premier a pu l'apercevoir
En sera le gobeur; l'autre le verra faire.
Si par-là l'on juge l'affaire,

Reprit son compagnon, j'ai l'œil bon.

Je ne l'ai pas mauvais aussi,

Dieu merci,

Dit l'autre, et je l'ai vue avant vous, sur ma vie.
Eh bien, vous l'avez vue; et moi je l'ai sentie.
Pendant tout ce bel incident,

Perrin Dandin arrive : ils le prennent pour juge.
Perrin, fort gravement, ouvre l'huître et la gruge,
Nos deux messieurs le regardant.

Ce repas fait, il dit d'un ton de président :

Tenez, la cour vous donne à chacun une écaille,
Sans dépens, et qu'en paix chacun chez soi s'en aille.

77. Unintelligible Language is a Lantern without a Light.
Messieurs les beaux esprits, dont la prose et les vers
Sont d'un style pompeux et toujours admirable,
Mais que l'on n'entend point, écoutez cette fable,
Et tâchez de devenir clairs.

Un homme qui montrait la lanterne magique
Avait un singe dont les tours

Attiraient chez lui grand concours :

Jacqueau (c'était son nom) sur la corde élastique
Dansait et voltigeait au mieux;

Puis faisait le saut périlleux,

Et puis sur un cordon, sans que rien le soutienne,
Le corps droit, fixe, d'aplomb,

Notre Jacqueau fait tout du long

L'exercice à la prussienne.

Un jour qu'au cabaret son maître était resté

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