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65. A Smatterer is not a Scholar.

Une oie était un jour sur le bord d'un étang ;
On la voyait se pavanant,
Fort satisfaite d'elle-même,
Dans une eau claire se mirer
Et complaisamment s'admirer....
Que de bienfaits l'être suprême
A daigné répandre sur moi,
Disait-elle de bonne foi!

Est-il un animal plus heureux dans le monde ?
Le ciel m'a faite et pour l'air et pour l'onde,
la terre en même temps.
O Jupiter! que je te dois d'encens!

Et pour

Comment te rendre un digne hommage,
Et reconnaître tes présents?

Si je ne puis marcher, je me jette à la nage,
Et parcours, à mon gré l'un et l'autre rivage :
Si je suis lasse de nager,

Je m'élance, et dans l'air on me voit voltiger.
Les autres animaux n'ont pas cet avantage...
Et l'oison de se rengorger.

Un serpent écoutait avec humeur la belle ;
Et le rusé se traînant auprès d'elle:
Il ne faut
pas, lui dit-il en sifflant,

Tant vous glorifier, commère.

Quand on n'a pas plus de talent,

C'est être sage de se taire.

Encor, si vous nagiez comme fait le poisson; Si vous voliez ainsi que le faucon,

Et si, comme le cerf, on vous voyait, ma chère, Légèrement courir dans les forêts;

De ces dons précieux vous pourriez être fière, Et moi, tout le premier, je vous applaudirais.... Mais aux reproches l'on s'expose

Quand on se vante sottement :

Savoir un peu de tout, et rien parfaitement,
C'est à mon avis, peu de chose.

66. Labor is Wealth.

Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine,
Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins,
Gardez-vous, leur dit-il, de vendre l'héritage
Que nous ont laissé nos parents:

Un trésor est caché dedans.

Je ne sais pas l'endroit mais un peu de courage
Vous le fera trouver; vous en viendrez à bout.
Remuez votre champ dès qu'on aura fait l'oût :
Creusez, fouillez, bêchez, ne laissez nulle place
Où la main ne passe et repasse.

Le père mort, les fils vous retournent le champ,
Deça, delà, partout; si bien qu'au bout de l'an
Il en rapporta davantage.

D'argent, point de caché. Mais le père fut sage
De leur montrer, avant sa mort,
Que le travail est un trésor.

67. The sick Wolf is a Lamb.

Un loup malade, et gardant sa tanière,
Détestait les forfaits de sa dent meurtrière,
Et le cœur bien contrit, renonçait à pécher.
Un autre loup voisin, son ami, son confrère,
Pour de nouveaux exploits accourut le chercher.
Le malade dévôt se met à lui prêcher
La morale la plus austère.

Troublerons nous, dit-il, sans cesse le repos
Et des bergers et des troupeaux ?

Sur leurs malheurs, hélas ! mon âme est attendrie ;
Grâce au ciel je deviens aussi doux, aussi bon
Qu'un mouton,

Et je vais l'être enfin le reste de ma vie.

Oui, si les dieux encor m'accordent quelques jours,
Je veux les employer à courir au secours
De tous les troupeaux du village.
Crois-moi, devenons bonnes gens:

Quel plaisir d'être aimé de tout le voisinage!
On vit très-bien de racines, de glands;
N'es-tu pas effrayé, dégoûté du carnage

Les végétaux sont sains et plus appétissants.

Son voisin l'écoute, l'admire,

Mais craint que l'orateur ne soit dans le délire.

Il gémit, plaint son sort,

Fait ses adieux; et se retire.

Q

Trois jours après, tremblant qu'il ne fût mort,
Il veut revoir le pauvre sire.

Sans médecins on guérit promptement :

Il le trouve convalescent,

Et mangeant

Un jeune et tendre agneau; puis aperçoit sa mère
Qui, dans un coin de la tanière,

Se débattait encore et pleurait son enfant.
Oh! oh! dit-il alors, flairant la bonne chère,
Tu devenais mouton, disais-tu l'autre jour;
Tu prenais sa douceur, ses goûts, son caractère,
Et tu voulais désormais tour à tour
Protéger les troupeaux, ainsi que la bergère.
Ton pathétique et beau sermon
Avait sur mon esprit fait telle impression,
Que j'allais me réduire enfin à la salade.
-Quoi! tu serais si sot... On ne vit pas
Tiens, partageons, cher camarade :
J'étais mouton lorsque j'étais malade ;
Mais je suis loup quand je me porte bien.

68.

de rien.

The Bird of Passage needs but a slight Nest.

Au retour du printemps, la volage hirondelle,
A coup de bec et sans truelle

(Prodige que l'on voit trop indifféremment),
Avec une adresse infinie

Se bâtissait un logement

Chez un bourgeois dont la manie
Etait aussi le bâtiment.

De cet oiseau, dit-il, j'admire l'industrie :
Mais à quoi bon bâtir aussi solidement

Quand on n'est point dans sa patrie,
Et que l'on est sujet au déménagement ?
Pauvre animal, hélas ! tu prends bien de la peine

Pour rester ici quelque mois !

As-tu donc oublié que la saison prochaine
T'obligera d'aller en des pays moins froids?
Tu laisseras alors ta demeure déserte :
Tu devrais camper, rien de plus.
-Moi-même à mon tour je t'admire,
Dit l'hirondelle au bâtisseur :
Dans ce vaste édifice où ton orgueil se mire,
Je vois déjà ton successeur
Qui, subissant la loi suprême,
Le laissera bientôt lui-même

A quelque nouveau possesseur.

Si je suis folle, ami, tu n'es guère plus sage,
Puisque tu bâtis sans songer

Que l'homme est sur la terre un oiseau de passage,
Qui doit être toujours prêt à déménager.

69. Precocity is ill Maturity.

Un beau petit pommier, délices de son maître,
Fut l'objet de ses plus doux soins.
A la culture il croyait, se connaître,
Arrosait, labourait, prévenait ses besoins,
Et dans la serre chaude, à l'abri des gelées,
Bien conservé le tenait tout l'hiver.

D'autres arbres fruitiers, plantés dans ses allées,
Souffraient les injures de l'air.

A peine on leur donnait quelque soin par usage,
Mais la pluie et la grêle et le soleil ardent
Les traitaient à leur gré comme arbres en plein vent.
Qu'arriva-t-il pour récompense

Le petit favori donna ses fruits d'avance,
Mais sans goût et sans consistance ;
La précoce fertilité

Produisit l'insipidité :

Les autres bonneme t attendirent l'automne,
Et les faveurs du ciel et l'ordre de Pomone;
Leurs fruits tardifs enfin, par le soleil nourris,
Dans leur temps parurent exquis.

Aux citoyens aisés, ceci, je crois, s'applique ;

L'éducation domestique

Est celle du gentil pommier,

Et le plein vent est le franc écolier.

70. All are equally fair in the Dark.
Après une averse d'été

Le paon aperçut dans la nue
L'arc d'Iris plein de majesté,

De l'humide horizon embrassant l'étendue,
Et se courbant vers chaque extrémité.
Le paon d'abord en conçoit quelque envie ;
Mais le bel arc s'efface, et mon sot l'injurie.
Sa parure, dit-il, qui nous éblouit tant,

N'est qu'une apparence qui trompe ;
Rien n'est à lui de ce faste éclatant,
Et c'est du soleil seul qu'il emprunte sa pompe.
Tout fier alors de ces vives couleurs,

De sa robe émaillée il déroule les fleurs,
Et se croit sûr de la victoire.

Des oiseaux l'entouraient (il en est de flatteurs);
Ils lui donnent le prix, et lui vantent sa gloire.
Mais tandis qu'ils parlaient, qu'ils mentaient de leur mieux,
Et qu'on écoutait leur ramage,
Tout-à-coup un épais nuage

Vint voiler le flambeau des cieux :
La nuit et son noir attelage

N'eût pas rendu les airs plus ténébreux :
C'était une éclipse, je gage;

C'en est une, si je le veux.

On ne voit plus le paon, ni son plumage ;
Et nos oiseaux malicieux

Changent aussitôt de langage.

Où donc es-tu, volatile orgueilleux ?
Réponds que devient ton empire
Et ton babil présomptueux ?

Dès

que le dieu du jour nous a caché ses feux, Les astres de ta queue ont cessé de nous luire. N'insulte plus Iris et son arc radieux ;

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