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Sa mère lui disait

mon cher fils, sois plus sage, Plus modeste surtout. Hélas! je conçois bien Les dons, les qualités qui furent ton partage; Mais feignons de n'en savoir rien, Pour qu'on les aime davantage. A tout cela notre linot

Répondait par quelque bon mot ;

La mére en gémissait dans le fond de son âme. Un vieux merle, ami de la dame,

Lui dit: Laissez aller votre fils au grand bois,
Je vous réponds qu'avant un mois

Il sera sans défauts. Vous jugez des alarmes
De la mère qui pleure et frémit du danger;
Mais le jeune linot brûlait de voyager,
Il partit donc malgré ses larmes.

A peine est-il dans la forêt,
Que notre petit personnage
Du pivert entend le ramage,
Et se moque de son fausset.

Le pivert, qui prit mal cette plaisanterie
Vient à bons coups de bec plumer le persifleur,
Le dégoûte à jamais du métier de railleur.
Il lui restait encore la vanité secrète

De se croire excellent chanteur ;
Le rossignol et la fauvette

Le guérirent de son erreur.
Bref, il retourna chez sa mère

Doux, poli, modeste et charmant.

Ainsi l'adversité fit, dans un seul moment,
Ce que tant de leçons n'avaient jamais pu faire.

51. Speak rightly or not at all.

Un jour la montre au cadran insultait,
Demandant quelle heure il était.

Je n'en sais rien, dit le greffier solaire,
Eh!
que fais-tu donc là si tu n'en sais pas plus,
J'attends, répondit-il, que le soleil m'éclaire ;
Je ne sais rien que par Phébus.

Attends-le donc; moi je n'en ai que faire,

Dit la montre; sans lui je vais toujours mon train.
Tous les huit jours un tour de main,

C'est autant qu'il m'en faut pour toute ma semaine.
Je chemine sans cesse, et ce n'est point en vain
Que mon aiguille en ce rond se promène.
Ecoute; voilà l'heure ; elle sonne à l'instant.
Une, deux, trois et quatre. Il en est tout autant,
Dit-elle. Mais, tandis que la montre décide,
Phébus, de ses ardents regards
Chassant nuages et brouillards,
Regarde le cadran, qui fidèle à son guide,
Marque trois heures et trois quarts.
Mon enfant, dit-il à l'horloge,
Va-t-en te faire remonter.

Tu te vantes sans hésiter

De répondre à qui t'interroge:

Mais qui t'en croit peut bien se mécompter. Je te conseillerais de suivre mon usage:

Si je ne vois bien clair, je dis: Je n'en sais rien. Je parle peu, mais je dis bien.

C'est le caractère du sage.

52.

Ostentatious Charity a Counterfeit Virtue.

Un renard possédait un ample magasin,

Qui regorgeait de flots de grains;

Et le tartufe adroit dans tout son voisinage
Jouissait du renom d'un dévot personnage :
Il n'aimait, disait-on, qu'à servir son prochain.
Or, pour visiter sa demeure

Vous eussiez vu cent pauvres animaux
A la file accourir des plus lointains hameaux,
Et du sire obtenir sur l'heure

Un allègement à leurs maux.

Aussi sur son éloge on ne tarissait guère.
Une brebis enfin, bête très-ménagère,
Pendant un rude hiver ayant manqué de pain,
Alla seul au renard exposer sa misère,
Et lui demanda quelque grain.

Mais le saint, cette fois, ou plutôt l'hypocrite,

Refuse à la pauvrette (elle mourait de faim)
La charité la plus petite.

Elle eut beau lui représenter,

Et gémir et se lamenter,

Néant : l'homme de bien ne voyait là personne
Qui fût
pour le prôner témoin de son aumône,
Parmi cent bienfaiteurs cités de toutes parts
Qu'on pourrait citer de renards!

53. Grasp all, lose all.

Un jeune enfant, je le tiens d'Epictète,
Moitié gourmand et moitié sot,

Mit un jour sa main dans un pot,

Où logeaient mainte figue avec mainte noisette.
Il en remplit sa main tant qu'elle en peut tenir,
Puis veut la retirer mais l'ouverture étroite

Ne la laisse point revenir.

Il n'y sait que pleurer; en plainte il se consomme,,
Il voulait tout avoir, et ne le pouvait pas.
Quelqu'un lui dit (et je le dis à l'homme):
N'en prends que la moitié, mon enfant, tu l'auras.

54. A corrupt Mind seeks corrupt Food.

Une prairie était pleine de fleurs,

De toutes qualités et de toutes couleurs ;
Mais parmi ces présents célestes,

Elle avait dans son sein quelques plantes funestes.
Le papillon sans cesse voltigeait

Dans la prairie, et son aîle légère
Toujours en mouvement, jamais ne s'arrêtait.
La prudente abeille, au contraire,

Sur les plus belles fleurs constamment se fixait.
Dans un coin la vipère habitait inconnue,
Sans jamais quitter la ciguë,

Sa plante favorite, elle s'en nourrissait,
Et cette nourriture en poison se changeait.
Cette prairie est un ouvrage.

Qui voltige, en lisant, ne s'instruira jamais.
Ce qu'un livre a de bon fixe tout homme sage :
Le libertin recherche et choisit le mauvais

55. Merit shuns Observation.
Un jeune prince avec son gouverneur
Se promenait dans un bocage,
Et s'ennuyait, suivant l'usage;
C'est le profit de la grandeur.

Un rossignol chantait sous le feuillage :
Le prince l'aperçoit, et le trouve charmant ;
Et, comme il était prince, il veut dans le moment
L'attrapper et le mettre en cage;

Mais pour le prendre il fait du bruit,
Et l'oiseau fuit.

Pourquoi donc, dit alors son altesse en colère,
Le plus aimable des oiseaux

Se tient-il dans les bois, farouche et solitaire,
Tandis que mon palais est rempli de moineaux :
C'est, lui dit le mentor, afin de vous instruire
De ce qu'un jour vous devez éprouver :
Les sots savent tous se produire ;

Le mérite se cache il faut l'aller trouver.

56.

Contention benefits neither Party.

Deux chats avaient pris un fromage,
Et tous deux à l'aubaine avaient un droit égal.
Dispute entre eux pour le partage.
Qui le fera? Nul n'est assez loyal.
Beaucoup de gourmandise et peu de conscience;
Témoin leur propre fait, le fromage volé.
Ils veulent donc qu'à l'audience
Dame justice entre eux vide le démêlé.
Un singe, maître clerc du bailli du village,
Et que pour lui-même on prenait

Quand il mettait par fois sa robe et son bonnet,
Parut à nos deux chats tout un aréopage.
Pardevant dom Bertrand le fromage est porté :
Bertrand s'assied, prend la balance,

Tousse, crache, impose silence,
Fait deux parts avec gravité,

En charge les bassins; puis cherchant l'équilibre :
Pesons, dit-il, d'un esprit libre,

D'une main circonspecte; et vive l'équité!

Cà, celle-ci déjà me paraît trop pesante.

Il en mange un morceau. L'autre pèse à son tour :
Nouveau morceau mangé par raison du plus lourd.
Un des bassins n'a plus qu'une légère pente.
Bon, nous voilà contents; donnez, disent les chats.
Si vous êtes contents justice ne l'est pas,
Leur dit Bertrand: race ignorante,
Croyez-vous donc qu'on se contente

De passer comme vous les choses au gros sas?
Et ce disant, monseigneur se tourmente
A manger toujours l'excédent :

Par équité toujours donne son coup de dent:
De scrupule en scrupule avançait le fromage.
Nos plaideurs, enfin las des frais,

Veulent le reste sans partage.

Tout beau, leur dit Bertrand; soyez hors de procès ;
Mais le reste, messieurs, m'appartient comme épice :
A nous autres aussi nous nous devons justice.
Allez en paix, et rendez grâce aux dieux,
Le bailli n'eût pas jugé mieux.

57. The Young are too confiding.

Enfermé dans un parc bien clos,
Au sein d'une verte prairie,

Un troupeau de moutons paissait l'herbe fleurie ;
Les chiens goûtaient les douceurs du repos ;
Et le berger, assis sur la fougère,
Libre de soins, de vains désirs,

Soupirait des accords sur sa flûte légère,
Pour récréer ses doux loisirs.

Soudain survient un loup, affamé de pâture.
Il s'approche du clos, et, par une ouverture,
Aperçoit le bétail paissant en sûreté.
Un mouton, jeune encor, de peu d'expérience
(Cet âge, assez souvent, se fie à l'apparence),
Voyant le loup, lui dit avec naïveté :

Dans ces lieux fortunés quel objet vous amène ?
Je broûte, comme vous, la fraîche marjolaine,

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