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Se compromet avec ton ânerie :
Retourne manger tes chardons ;
Tu n'es fait que pour les affronts,
Ame basse et sans énergie!

Je reconnais les propos d'un faquin,
Dit l'âne: mais, voyons, quelle sera ta fin?
Je sais supporter ma misère ;

Travailler et souffrir fut toujours mon destin :
Dans mon état, qui peut me devenir contraire ?
On peut te plaindre avec plus de raison :

Attends ton arrière-saison;

N'étant plus bon à rien, quel sera ton salaire ?
L'homme ingrat te réformera,
Quelque manant t'achètera,

Qui te fera trotter de la bonne manière ;
Tu serviras dans les plus vils emplois ;
Tout le jour au fumier, puis à la chénevière,
Meurtri de coups, et souvent aux abois,
Appelant la mort mille fois.

Plus malheureux par la pensée,
En comparant ta fortune passée
Tu peux envier le destin
De ce pauvre âne du moulin.

28. True Benevolence an Impulse. Un pauvre âne égaré demandait instamment, Et d'une manière civile,

1

Au cheval qui le soir regagnait son asile,
Un abri sous son toît pour la nuit seulement.
Vous entendez, dit-il, gronder l'affreux orage;
Je ne puis par ce temps connaître mon chemin :
L'aube du jour dissipant tout nuage,

Je partirai dès le matin,

Et rejoindrai maître et moulin.

Mais mon logis n'a pas un grand espace, Répartit le coursier, ce n'est qu'en me gênant, Et vous-même en vous fatiguant Que vous pourrez y trouver place. D'ailleurs, du seigneur de ces lieux

Je redoute pour vous des traitements fâcheux:
Il voit tout, il sait tout, comment vous satisfaire ?
Vous n'aurez ni paille, ni grain,

Je n'ai que le pur nécessaire :

Quelle douleur pour moi si vous mourriez de faim ! Une vache près d'eux allait son petit train, Ecoutait le coursier, devinait sa pensée.

Viens, dit-elle au baudet, viens, mon ami; suis-moi :
Je vais partager avec toi

Mon reste de pâture et ma courte litière :
Gène dans son palais, repos dans mon réduit.
L'indifférent raisonne, délibère,

Le bon cœur tout d'un coup agit.

29. Nature a Stranger at Court.

Un singe, très-expert dans le métier d'Apelle,
Peignait les animaux, et sa touche fidèle
Sur la toile reproduisait

Ses originaux trait pour trait.

Le fier coursier reconnaissait

Son œil rempli de feu, sa mouvante crinière,
Son libre élan, son allure guerrière ;
L'ours, qui, dans les forêts, passe pour un docteur,
Retrouvait son air lourd, sa grave pesanteur;
L'âne son beau poil gris, ses superbes oreilles.
Il avait réussi, dit-on,

Même à peindre un caméléon !

On mettait ce tableau dans le rang des merveilles ; Or, il arriva qu'un beau jour

Sire lion manda notre artiste à la cour.

Du roi des animaux il peint la face horrible,
Et la gueule sanglante, et la griffe terrible.

Quoi! c'est là mon portrait, dit le sire en courroux :
Je me croyais pourtant un air affable et doux ;
On me l'a dit cent fois. Est-ce là ma figure ?
Sire, dit un renard, ce singe fait injure

A votre majesté. Retourne dans tes bois,
Barbouilleur insolent; lorsque l'on peint les rois,

Il faut savoir au moins déguiser leur figure;

Ce n'est pas à la cour qu'on peint d'après nature.

30. Forgiveness the highest Virtue.

Un honnête et vertueux père

Voulut de ses trois fils sonder le caractère.
Cette bague, dit-il, je l'ai vu mainte fois,
Vous a tentés; elle est à celui de vous trois
Qui dans sa vie a fait l'action la plus belle.
Cà, j'écoute, parlez, et ne redoutez rien :

Dans ce combat où mon cœur vous appelle,
Votre juge, mes fils, sera l'amour du bien.
L'aîné commence ainsi : J'eus toute la fortune
D'un étranger, je l'eus toute chez moi ;
Il n'en existait preuve aucune :

J'ai rendu ce dépôt ; est-ce avoir de la foi ?
Qui n'en a point devrait mourir de honte :
La probité n'est qu'un devoir;

Il est mal de s'en prévaloir.

Passons. Le second fils raconte

Qu'un enfant avec un roseau

Jouant au bord d'un lac, était tombé dans l'eau.
Il se noyait, je cours, et l'en retire.

Plus d'un témoin peut vous le dire.

-Vous me les produiriez, répond le père, en vain ; Est-ce être généreux? Non, ce n'est qu'être humain. Ma bague me resterait-elle ?

J'en aurais, je vous jure, une peine mortelle.
J'ai la douleur d'avoir un ennemi,

Récite le dernier ; je le vois endormi

Sur le penchant d'un précipice ;

Le moindre mouvement eût fini ses destins ;
Tout mon corps frissonne, je crains

Qu'en s'éveillant il ne périsse;

Je m'appproche sans bruit, le soulève avec soin,
Et fus assez heureux pour le poser plus loin.
Ah! s'écria le père en pleurant de tendresse,
La bague est bien à toi c'est là de la noblesse !

31. Echo not a Free Agent.
Un médisant accusait les échos;
Un médisant! je le mènage:
Le ciel, disait-il dans sa rage,
Puisse-t-il les punir de leurs mauvais propos
Que d'ennemis je dois à leur langue indiscrette !
Tout, jusqu'à mes moindres discours,
Devient article de gazette.

M'échappe-t-il un mot, il se trouve toujours
Un chien d'écho qui le répète.

!

Ami, répart l'écho, faut-il s'en prendre à nous ?
Je répète; il est vrai; mais pourquoi parlez-vous ?

32. Thunder not amenable to Kings.

Un monarque d'Asie (on sait que ces climats
Ont été le berceau du pouvoir despotique),
Se promenant un jour dans la place publique,
Vit sa statue à terre, et brisée en éclats.
Saisi d'une crainte imprévue ;

Le despote ombrageux pâlit à cette vue.
Il resta quelques temps immobile et muet ;
Puis, se livrant à sa colère :

Quel est l'audacieux ? quel est le téméraire
Coupable d'un pareil forfait ?

Qu'il périsse aussitôt !-Tyran, c'est le tonnerre,
Lui dit un sage à haute voix ;

Tremble à ton tour! les Dieux, plus d'une fois, En lançant la foudre sur terre,

De leur juste vengeance ont averti les Rois.

33. Every Man is the most important Man.
La foudre grondait dans les airs,

Les vents entrechoquaient les nues
Où serpentait la lueur des éclairs;

Les champs étaient noyés et les moissons perdues.
Pendant ce tumulte effrayant,

Dans leur habitacle aquatique,

Des grenouilles tremblaient je le crois aisément. Plus de danse, plus de musique ;

Une morne terreur avait glacé l'étang,
Et consterné la république.

C'est notre faute, assurément,

Dit, à-peu-près, dans son rauque langage,
La doyenne du marécage.

Calmons du ciel le courroux éclatant :
Nous seules allumons ses carreaux redoutables.
Quand Jupin tonne il est constant
Que les grenouilles sont coupables.

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Lorsque le ciel, prodigue en ses présents,
Combla de biens tant d'êtres différents,
Ouvrages merveilleux de son pouvoir suprême,
De Jupiter l'homme reçut, dit-on,
Un livre écrit par Minerve elle-même,
Ayant pour titre : La Raison.

Ce livre, ouvert aux yeux de tous les âges,
Les devait tous conduire à la vertu ;
Mais d'aucun d'eux il ne fut entendu,
Quoiqu'il contînt les leçons les plus sages.
L'enfance y vit des mots et rien de plus ;
La jeunesse beaucoup d'abus ;
L'âge suivant des regrets superflus,
Et la viellesse en déchira les pages.

35, Self Reproach the worst Reproach
D'ou viens-tu ? disait Claude à Pierre;
Sais-tu bien que Guillaume est d'hier trépassé ?
-Si je le sais ? Je viens de pleurer sur sa bière.
Ah! tel bon cœur devrait être enchassé :
Ce fermier, sans enfants, en mourant m'a laissé
De l'argent pour donner aux plus vieux du village.
J'ai pensé vite à Blaise, à ses maux, à son âge ;
Il a reçu par moi cent écus aujourd'hui.

-Et pourquoi donc préférer Blaise ?

Cet argent te mettait pour long-temps à ton aise;
N'est-tu pas pauvre, enfin, presqu'aussi vieux que lui ?
-Oh non! répond l'excellent Pierre ;

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