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adieu, terribles avalanches, que j'ai entendu s'écrouler avec fracas; et vous, précipices affreux, qui cent fois nous avez menacé de nous engloutir, Vous nous effrayez moins que les dangers toujours renaissant auxquels nous allons être exposé dans le tourbillon du monde.

246. Une multitude immense que la curiosité avait attiré se pressait dans l'enceinte du forum. La terreur avait glacée tous les courages, et ces Romains qui s'étaient montré si indociles au joug, et qu'on avait vu braver tant de fois la mort, courbent honteusement la tête devant la tyrannie des décemvirs. Appius et ses satellites ont reculés les bornes de leur autorité, et ils s'en sont servi ou plutôt ils en ont abusés pour substituer aux lois la violence la plus excessive. Ils se sont laissé aller à la fougue de leurs passions; ou pour mieux dire, ils se sont laissés entraîner dans tous les désordres que produisent les passions les plus déréglées. Parmi les victimes que la cruauté d'Appius a désignée se trouve Virginie, fille d'un centurion romain. Sa beauté, son innocence n'ont point fléchis le cruel décemvir; rien ne saurait faire naître dans son cœur un mouvement généreux, ni les services que le père de cette infortunée a rendu à Rome, ni les ennemis qu'il a vaincu, ni les blessures qu'il en a reçu, ni les combats où sa vaillance s'est signalé, ni enfin les récompenses honorables que lui ont valu ses exploits.

Virginie, debout et tremblante, attend dans les angoisses de la mort, le destin qui lui est

réservé. Cependant un cri de joie lui échappe : elle a reconnue la voix de son père. A peine avait-il été informé de la résolution qu'Appius avait formé de réduire sa fille à l'esclavage, qu'il avait quittée l'armée pour voler à son secours. Comment peindre l'inquiétude qui s'était emparé de ses esprits, et la force d'ame qu'il lui avait fallu pour ne point succomber à la douleur qui déchirait son cœur! Enfin il arrive, et aussitôt la foule s'est empressé de le laisser passer. A sa vue, le tyran frissonne; ses yeux sont baissé, étonné lui-même de la honte qu'il a senti rougir son front criminel; mais bientôt une apparente tranquillité a succédée à la crainte qui s'était montré un moment sur son visage. «Que veux-tu? dit-il d'un air assuré. » - ( Ma fille, répond ce père malheureux, celle que les Dieux ont fait l'unique soutien de ma vieillesse.» A ces mots il s'approche de Virginie, et leurs ames sont confondu dans les embrassements et dans les sanglots. « Licteurs, s'écrie le décemvir, que cette esclave soit livré à son maître. » Virginie, éperdue de douleur, est tombé presque inanimée sur le sein de Virginius. Ce malheureux père entraîne sa fille loin de la foule, sous prétexte de lui adresser un dernier adieu, et lui plonge dans le cœur une arme meurtrière que le hasard avait fait tomber sous sa main.

CHAPITRE XX.

EXERCICES

SUR L'EMPLOI DES ADVERBES.

(V. Gramm., p. 167 et suiv.)

I. L'on doit se consoler de vieillir, pourvu que l'on possède une ame saine dedans un corps

sain.

2. Les grands seraient inutiles dessus la terre s'ils ne s'y trouvaient des pauvres et des malheureux.

3. . . .

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Les lettres anonymes

Sont ordinairement les armes d'un méchant,
Da plus vil assassin qui frappe en se cachant
Dessous le masque épais de sa bassesse extrême.

4. La grêle n'est autre chose que de la pluie qui est cristallisé par le froid, auparavant d'arriver sur la terre.

5. Les soucis importuns voltigent comme des hibous dans la nuit, alentour des lambris dorés.

6. On ne peut être capable de vertu qu'en estimant quelque chose davantage que la vie.

7. Le titre de bon est le premier des titres; c'est celui qui honore davantage la Divinité; et l'homme reconnaissant le lui défère auparavant

tout autre.

8. Le goût est plus tôt un don de la nature qu'une acquisition de l'art.

9. La modestie suppose le mérite et le fait. plutôt remarquer.

10. Il n'est rien que l'homme donne si libéralement que les conseils.

11. L'histoire n'est pleine que de révolutions autant subites que bizarres.

12. Rien de plus aisé comme de se venger d'une offense; rien de si grand comme de la pardonner c'est la plus belle victoire qu'on peut remporter sur soi-même.

13. Un doux sommeil enchaînait mes sens, quand tout d'un coup je crus voir Vénus, qui fendait les nues dans son char conduit par deux colombes.

14. Il semble que la nature n'a placé la folie aussi près du génie, que pour nous montrer combien est fragile et périssable ce que nous estimons davantage.

15. Nous remettons presque toujours au lendemain ce que nous devrions faire de suite, et la mort nous surprend sans que nous n'ayons pu effectuer notre promesse.

16. C'est une injustice de reprocher à un homme des principes qu'il désavoue formellement à moins que sa conduite démente ouvertement son désaveu.

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17. Il faut user de tout avec modération de peur que la privation en soit trop sen

sible.

18. La joie de faire du bien est tout autrement douce, que l'est celle de le recevoir.

19. Les talents tiennent plus aux circonstances qu'on le croit, parce qu'elles déterminent leur essor.

20. Tant était grande l'habitude que j'avais d'être flatté, que je craignais que la vérité pérée le nuage qui m'entourait, et parvienne jusqu'à moi.

21. Le flatteur qui ne cherche qu'à nous plaire, n'est pas moins dangereux que ne l'est l'ennemi qui veut nous perdre.

22. On ne peut nier qu'un homme apprenne bien des choses quand il voyage, et étudie sérieusement les mœurs des peuples.

23. Les préjugés naissent, croissent insensiblement, et s'établissent, sans qu'on n'ait aperçu leurs progrès.

24. Il y a pour l'homme de bien une sorte de pudeur à baisser la vue, pour ne pas rencontrer ni les faiblesses du génie, ni les fautes de la vertu.

25. L'homme vain méprise les talents qu'il n'a pas; et s'il n'en a pas aucuns, il les méprise

tous.

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26. L'honnête homme est celui qui fait tout le bien qu'il peut, et qui ne fait pas de mal à personne.

27. Il ne faut pas être ni avare ni prodigue; il faut se renfermer dans les bornes d'une sage économie.

28. Quoique, chez les anciens, les manuscrits étaient forts rares et forts chers cela

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