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ADRAST E.

Pan, ou si c'est toi qu'il faut que l'on implore, » Phœbus, ou toi plutôt que l'un et l'autre adore, » Amour donne à mes vers cet air doux, naturel, » Et je vais de mes dons enrichir ton autel.

HYLA S.

» Il t'en peut coûter moins, et Ligdamis lui-même N'offre rien aux autels de l'amour, mais il aime ; » Il aime, et fait ces vers que tu trouves charmans.

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ADRAS TE.

» Ce charme ne suit pas tous les vers des amans. Ligdamis même en fit au retour de Climène,

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Qui cèdent à ceux-ci, quoiqu'ils cèdent à peine. » Peut-être on chante mieux un départ qu'un retour » Peut-être un air content ne sied pas à l'amour.

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Oui, sans doute.

Tu peux donc me payer ceux que j'ai dits.

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MA bergère revient, c'est demain que ces lieux

S'embellissent par sa présence;

J'irai, j'irai m'offrir le premier à ses yeux.

Ah! Ciel, si de quelque distance

Elle me reconnoît à mon impatience,

Que mon sort sera glorieux!

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Oui, je serai le seul dont la joie éclatante,
Par d'assez vifs transports, marquera ce beau jour ;
J'aurai seul une ardeur digne de son retour:
Elle ne pourra plus paroître indifférente,
Je lui prépare trop d'amour.

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Que dis-je cette ardeur est-elle donc nouvelle :
N'ai-je encor rien senti d'aussi vif en aimant ?
Quand j'étois une heure un moment
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Un moment seul, éloigné de la belle,
Pour me retrouver auprès d'elle,
N'avois-je pas le même empressement ?

Vous n'aurez que mes soins, mes transports ordinaires ;
Mais maintenant, Climène, ils devroient vous charmer :
Vos yeux depuis long-temps n'ont vu d'amans sincères,
Et pourroient-ils jamais s'en désaccoutumer?

Ceux qu'à la ville ils viennent d'enflammer;
Par leurs foibles ardeurs, par leurs amours légères
Auroient bien dû vous apprendre à m'aimer.
La ville est pleine de contrainte,

De faux sermens et de vœux indiscrets.
Que ne l'avez-vous vue exprès,

Pour savoir de quel prix est cet amour sans feinte
Qui se trouve dans nos forêts;

De quel prix sont nos bois pour s'y parler sans crainte
Et ma voix pour chanter une amoureuse plainte,
Et mon cœur pour sentir vos traits?

Revenez plus bergère encore

Que vous n'étiez en nous quittant;

Songez qu'il est au monde un cœur qui vous adore.

Une belle au milieu des soupirs qu'elle entend,

Au milieu d'une cour dont sa fierté s'honore

N'en peut pas toujours dire autant.

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HY LAS.

ADRASTE, j'avouerai que ma surprise est grande; Que contre de tels chants Climène se défende.

ADRA STE.

Et pourquoi le crois-tu? Les vers par leurs attraits

» Ont soumis les lions, entraîné les forêts;

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Après cela, je crois, le moins qu'ils puissent faire, » C'est d'adoucir le cœur d'une jeune bergère.

» L'amour les a fait naître, et les vers à leur tour
Ne manquèrent jamais à bien servir l'amour.
HYLA S.

Mais Climène, dit-on, est fière, inexorable.
ADRAS TE.

» Mais, berger, Ligdamis est amoureux, aimable.

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HYLA S.

N'a-t-on jamais poussé des soupirs superflus?

ADRAST E.

» Et bien je te dirai quelque chose de plus. Nous étions l'autre jour sous l'orme de Silène, » Une assez grosse troupe, où se trouva Climène ; On loua Ligdamis, chacun en dit du bien; » Prens bien garde, berger, seule elle n'en dit rien: Mais dès les premiers mots jettés à l'aventure, » Elle se détourna rajustant sa coëffure, » Ou je ne voyois rien qui fut à rajuster, » Et feignit cependant de ne pas écouter.

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» Je remporte une grande victoire,

» Une belle est sensible, et tu veux bien le croire.

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LA STATUE DE L'AMOUR.

VII. ÉG LOGUE.

DANS le fond d'un bocage impénétrable au jour
Est un petit temple rustique,

» Où le Dieu des bergers reçoit un culte antique ;
» Ce dieu n'est point Pan, c'est l'Amour.
» D'un simple bois on y voit sa figure;
» Elle n'a point ces traits hardis et délicats

Qu'auroit sous son ciseau fait naître Phidias: » On reconnoît pourtant le roi de la nature; » L'ouvrier champêtre étoit plein

» De ce dieu qu'exprimoit sa main.

» L'autel suffit à peine aux festons, aux guirlandes,

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Qu'y portent d'innocens mortels;

» Il est de plus riches autels,

"Mais ils sont moins chargés d'offrandes. Là parut un berger, qui d'un secret souci

» Portoit dans l'ame une profonde atteinte :
» Profanes cœurs, n'écoutez point sa plainte 3
» Au dieu d'amour il s'exprimoit ainsi.

Tor, qu'avec nos bergers Jupiter même adore,
Amour, tu le veux donc, tu veux que j'aime encore !
Tu n'avois fait sur moi qu'un essai de tes coups,
Le dernier de tes traits est le plus fort de tous.
Je ne murmure point de ton ordre suprême,
On doit avec excès aimer celle que j'aime ;
Et de si foibles vœux s'offroient à tant d'appas,
Ou même si mon coeur ne les adoroit pas,

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S'il leur manquoit un cœur si tendre et si fidelle,
On te reprocheroit d'être injuste envers elle.

Mais quand je me soumets au devoir de l'aimer,
Pourquoi ne suis-je pas plus propre à l'enflammer?
Je ne suis qu'un berger, elle égale Diane ;
Mes vœux sont trop hardis, sa beauté les condamne :
J'espère quelquefois en mes soins assidus ;
Mais je la vois paroître, et je n'espère plus.
A force d'être aimable, elle devient terrible;
Dieux! pour oser l'aimer qu'il faut être sensible!
Cependant elle daigne écouter ces chansons,
Où je ne fais, amour, que te prêter des sons;
Où ce que tu répands de tendresse et de flamme,
Satisfait quelquefois aux transports de mon ame.
Mais c'est-là ce qui fait mon plus cruel tourment
Ma musette est pour elle un simple amusement;
Elle écoute un berger de qui la voix l'attire,
Et ne s'apperçoit pas de l'amant qui soupire :
Sans songer au sujet, elle goûte mes chants;
Ils ne la touchent point, et lui semblent touchants.
Je n'ai que mon amour, mais enfin je présume
Qu'il doit être flatteur pour celle qui l'allume :
Vif et soumis, plus fort que son propre
intérêt,

Il lui fait bien sentir tout le prix dont elle est.
Aussi n'a-t-elle pas, grand Dieu, je t'en rends grace,
De toute sa fierté terrassé mon audace.

J'aimois, et j'ai parlé ? mes hommages, mes soins,
Paroissent plaire assez mais quoi je lui plais moins.
Ce n'est qu'à mon amour qu'il est permis de plaire
Sûre de son repos, elle en est moins sévère ;
Sa tranquille bonté regarde sans danger
Un trouble qu'elle cause et ne peut partager.
On fléchit les rigueurs, on désarme la haine;

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