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La mère des amours à peine renaissante,
Commençoit à jetter sa lumière perçante,

Dont tous les autres feux n'ont point le doux brillant ;
Eraste entre en courroux contre le jour trop lent.
Iris lui vouloit bien parler dans un bocage,
Quand le soir renverroit les troupeaux au village;
Et pour cet entretien Eraste est éveillé

Avant que
sur les monts le soleil ait brillé.
Quelques momens après il appelle Tityre:
Depuis que le berger pour son Iris soupire,
Tityre a pris le soin des troupeaux du berger;
Ils alloient tous périr sans ce maître étranger.
Eraste ose lui faire un injuste reproche :
Vous dormez, lui dit-il, lorsque le jour approche;
Les troupeaux devroient être aux plaines d'alentour,
Partez. En le hâtant, il croit hâter le jour.

Le jour est loin encore aux yeux d'Eraste même ;
Il ne découvre rien: quelle lenteur extreme!
Quel siècle jusqu'au soir ! il mesure des yeux
Le tour que le soleil doit faire dans les cieux;
Il faut que sur ces monts ce grand astre renaisse,
S'élève lentement, et lentement s'abaisse,

Et se perde à la fin derrière ces grands bois;

Il mesure ce tour, et frémit mille fois.

Le jour si souhaité, le jour enfin arrive:
Mais son inquiétude en est encor plus vive;
Ses desirs, ses transports, ses divers mouvemens,
Lui font de tout ce jour sentir tous les momens.
Souvent pour modérer cette ardeur empressée,
Il voudroit éloigner Iris de sa pensée;
Tantôt de ses troupeaux tâchant à s'occuper,
Tantôt dans ses vergers s'amusant à couper
D'un arbre trop chargé l'inutile branchage,

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Tantôt de jones tissus commençant quelqu'ouvrage,
En vain ; toujours Iris, toujours cet heureux soir,
L'agitent malgré lui par un trop doux espoir.

Il vaut mieux qu'à l'amour tout son cœur s'abandonne
Il prend ce doux hautbois qui sans cesse résonne

De l'excès de sa flamme et des beautés d'Iris ;

Il chante ou le teint vif, ou les yeux qui l'ont pris ;
Il repasse des airs qu'il a faits pour la belle;
Imprudence d'amant! Il se remplit trop d'elle,

Le jour en est plus long, il en souffre: mais quoi!
Peut-il en l'attendant se faire un autre emploi ?
A peine le soleil commençoit à descendre,
Au bocage déjà le berger va se rendre ;
Il se flatte qu'Iris, conduite par l'amour,
Y pourra bien venir avant la fin du jour ;
Et quelquefois il craint que trop indifférente,
Iris, la même Iris ne trompe son attente.
Elle vient à la fin, il n'étoit point trop tard :
Son air marque à demi qu'elle vient par hasard;
Elle vient, mille amours arrivent avec elle
Qui de ce rendez-vous apprenant la nouvelle
D'un desir curieux avoient été touchés.

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Les uns près des amans sous un buisson cachés,
Prêtent à leurs discours une oreille attentive;
D'autres à qui de loin la voix à peine arrive,
Sur des arbres touffus montés de toutes parts,
Pour savoir ce qu'on dit, observent les regards.
Dans le bocage alors Eraste et la bergère
Respirèrent cet air qu'on respire à Cythère,
Et par les doux transports dont ils furent atteints,
Sentirent les amours dont ces lieux étoient pleins.
Combien en se voyant, Dieux! combien ils s'aimèrent!
Ils s'aimoient encor plus quand ils se séparèrent ;

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royoit avoir trop dit, et le berger trop peu.

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» C'est lui qui de Climène adore les appas.

» Lui-même.

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ADRAST E.

HY LAS.

Quel berger! il est du caractère » Dont un amant m'eût plû, si j'eusse été bergère; » Il ne connoît nul art en aimant, que d'aimer; » Son cœur ne fut jamais trop prompt à s'enflammer.

» Il aime, mais forcé par les yeux d'une belle ;

» Et son amour devient un éloge pour elle. "Le bonheur d'être aimé n'est pour lui qu'un bonheur ; » Il en sent le plaisir, et renonce à l'honneur.

> Il n'en prend point le droit d'augmenter son audace, » Les faveurs qu'on lui fait sont toujours une graces ADRAS TE.

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>> As-tu vu de ses vers?

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>> Je les sais presque tous.

» O ciel! qu'il en chantoit de tendres et de doux,

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Quand Climène à la ville alloit faire un voyage ! » Je n'en sais point de lui que j'aime davantage.

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ADRAST E.

Moi, je ne les sais point, j'étois alors absent.

Que tu me trouverois un cœur reconnoissant,

Si tu prenois la peine, Hylas, de me les dire!
HYLA S.

» Je t'obéis, écoute un amant qui soupire

VOUS

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ous allez donc quitter, pour la première fois, De ces hameaux la demeure tranquille ?

Soyez quelques momens attentive à ma voix.
Climène, vous partez, vous allez à la ville;
Climène, il vous sera peut-être difficile

De retrouver du plaisir dans nos bois.

Là, d'illustres amans vous rendront leurs hommages ;
Leur rang, ou leur adresse à vous faire la cour,
Tout vous éblouira dans ce nouveau séjour.
Que deviendrai-je, hélas! au fond de nos bocages,
Moi qui n'ai pour tous avantages

Qu'une musette et mon amour ?

Ils vous mettront sans doute au-dessus de leurs belles,
vous prodigueront un encens dangereux :
Leurs éloges sont doux, mais souvent infidelles;
Cependant vous viendrez à mépriser pour eux

Ces louanges si naturelles

Que vous donnoient mes regards amoureux.

Tout ce qu'ils vous diront, je vous l'ai dit, Climène Mais ils vous le diront d'un air plus assuré

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Avec un art flatteur des bergers ignoré :

Moi, je ne vous l'ai dit qu'en trouble, qu'avec pein, D'une voix craintive, incertaine ;

Je l'ai dit, et j'ai soupiré.

N'allez pas quitter, pour leur plaire,
Les manières qu'on prend dans nos petits hameaux
Rapportez-moi cette rougeur sincère,
Ce timide embarras, enfin tous ces défauts
D'une jeune et simple bergère;
Rapportez-moi jusqu'à cet air sévère

Que vous avez pour moi comme pour mes rivaux.
Vous verrez à la ville un exemple contraire ;
Mais de votre rigueur je ne veux vous défaire,
Que par la pitié de mes maux.

J'ai vu la même ville où vous allez paroître,
Pour la belle Climène, elle a vu mes langueurs ;
Parmi tous les plaisirs qui flattoient tant de cœurs
J'y regrettois notre séjour champêtre,
Et votre vue, et même vos rigueurs.

Non, je n'ai garde de prétendre

Que tout vous y semble ennuyeux i
Mais de quelque côté que vous tourniez les yeux;
Dites, et ne craignez jamais de vous méprendre ;
Et dites, s'il se peut, d'une manière tendre :
C'est ici que l'on aima mieux

S'occuper de moi, que de prendre

Tous les plaisirs de ces beaux lieux !

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