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PALEM O N.

Daphné ne cherche point le crystal des fontaines,
Le soin de sa beauté ne l'inquiète pas.

Soupirs que j'ai poussés, doux tourmens, tendres peines
Vous seuls vous instruisez Daphné de ses appaș.
ARCAS.

Souviens-toi de quel air Philis entre en la danse,
D'un éclat tout nouveau ses yeux sont allumés :
Il brille sur son front une aimable assurance;
Elle sait que les cœurs vont tous être charmés.
PALEM ON.

Daphné danse encor mieux, et n'en est pas si sûre :
Soudain elle rougit, sa rougeur lui sied bien :
De louanges en vain elle entend un murmure;
Tous les cœurs sont charmés, seule elle n'en sait rien.
ARCAS.

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Aux soupirs d'Alcidon Philis étoit sensible;

Mais quel est mon bonheur, de voir que chaque jour
Je détruis auprès d'elle un rival si terrible!
J'y perdrois, si Philis n'avoit point eu d'amour.

PALEM O N.

Je n'ai point le plaisir de rendre méprisable
Un rival pour qui seul on avoit eu des yeux :
Daphné n'aima jamais, elle en est plus aimable;
Je puis même espérer qu'elle en aimera mieux.
ARCAS.

Alcidon l'autre jour au milieu d'une foule,
Prit la main de Philis qu'il serroit tendrement :
Soudain, sans qu'il me vît, près d'elle je me coule ;
Elle me donna l'autre et sourit finement.

PALEM O N.

En ma faveur Daphné ne s'est point déclarée,
J'espère cependant avoir un jour sa foi;

Non pas que j'en jurasse encor par Cythérée :
Mon cœur me le promet, c'est mon cœur que j'en croi,

ARCA S.

Ma Philis fait des vers d'un tendre caractère ;

Elle en fera pour moi,

je l'ai trop mérité :

C'est toujours le berger qui chante la bergère;
Quel plaisir que lui-même en soit aussi chanté ?

PALEM O N.

De la voix de Daphné que le doux son me touche !!
Je ne puis plus souffrir les hôtes de ces bois :
On sent aller au cœur ce qui sort de sa bouche.
O Dieu! et j'entendrois, j'aime, de cette voix!

ARCAS.

Tu dois bien t'offenser, Philis; on te compare,
Philis, c'est à Daphné; quel étrange rapport;
Se peut-il jusques-là que Palemon s'égare?
Moi qui prens ton parti, ne t'ai-je point fait tort?

PALEM O N.

Daphné, quoiqu'en ces lieux nulle autre ne l'égale,
Ne viendroit pas plutôt à savoir nos débats,
Qu'elle voudroit céder le prix à sa rivale;
Mais Timante, je crois, ne le permettroit pas.

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Punis de Palemon l'insupportable audace;
A t'aimer sans espoir fais qu'il soit condamné :
Philis, je te connois des regards pleins de grace,
Qui détruiroient soudain l'empire de Daphné.

PALEM O N.

Daphné, n'entreprends pas une telle vengeance;
Laisse Arcas comme il est, et mes vœux sont remplis.
Sa Philis lui fera sentir son inconstance ;

Tes rigueurs vaudroient mieux que l'amour de Philis.
TIMAN TE.

Bergers, c'en est assez, je vois que votre zèle
Pousseroit trop loin la querelle ;

Vous ne parleriez bientôt plus

Du mérite de l'une et de l'autre bergère ;
Vous perdriez le temps en discours superflus;
Conclusion trop ordinaire.

Ecoutez-moi, bergers; voici mon jugement.
Philis est la plus agréable.

Ah! Timante !

PALEM O N.

TIMAN T E.

Ecoutez, bergers, tranquillement.

Mais je crois Daphné plus aimable.

ARCAS.

Et c'est ainsi...

TIMANT E.

Bergers, je me sers de mes droits;

Et mon autorité doit être ici suivie.

Il vaudroit mieux aimer Philis pour quelques mois,
Et Daphné pour toute sa vie.

Vous, Arcas, préparez quelque chant pour Daphné.
Mais comme elle n'a pas aussi tout l'avantage,
Je veux que de la main du berger qu'elle engage
A Philis sa rivale un bouquet soit donné.

L'air

L'air sera tendre et doux, les fleurs seront nouvelles ;
Les fleurs valent leur prix, mais elles valent moins
Qu'un air qui veut du temps, de la peine et des soins:
Ce partage convient assez juste aux deux belles.

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A MONSIEUR.

LE berger (1) qui jadis hérita le hautbois
Du grand (2) pasteur de Syracuse,

» Et dont même aujourd'hui la muse
» De l'aimable Mantoue enorgueillit les bois,
» Vouloit des forêts la demeure sauvage,
» D'un consul quelquefois fut un digne séjour.

J'entreprends un plus grand ouvrage,

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que

» Moi qui voudrois rendre dignes d'un sage,
» Des forêts ou règne l'amour.

» Pourquoi non cependant? Ces sages de la Grèce,
Ces Thalés, ces Bias, grands et superbes noms,

כג

L'emportent-ils pour la sagesse

» Sur nos Tyrsis et nos Damons?

J'en doute. Dans nos champs la vertu toute pure

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Agit sans dessein d'éclater;

Tout l'art de la raison ne sauroit imiter

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» Un bien imaginaire aux dépens l'un vrai bien :
» Mais pour la sagesse parfaite,

Il leur manque des mots, un sévère maintien
» Et pa malheur ils ont une hoalette.

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» Encore un grand défaut, ils sont toujours amans; » De je ne sais quels feux qui leur semblent charmans, » Leur ame est sans cesse re.nplie.

Mais quoi! tous les humains sont foux par quelque endroit. » Ft l'amour n'est-il pas la plus sage folie

» Dont on puisse payer le tribut que l'on doit ? » Vous donc que la sagesse admet dans ses mystères ; » Qui, simple spectateur des passions vulgaires,

» De leurs ressorts en nous considérez le jeu,

כן

» Prenez des yeux qui ne soient point austères » Pour un berger qui vous ressemble peu. Ne riez pas de voir sa raison égarée

» Par tant d'états divers passer en un seul jour. amant est chose sacrée •

כל

Un

» Et qui par un vrai sage est toujours révérée ; Le sage tant qu'il vit est en prise à l'amour.

LES

Es oiseaux qui du jour annoncent la naissance,
Laissoient encor les champs dans un profond silence,
Lorsqu'Eraste s'éveille, et croit qu'a son réveil
Déjà Thetis s'apprête à rendre le soleil.h
Il court de sa cabane ouvrir une fenêtre a
Il regarde le ciel; mais il ne voit paroître
Ni les vives couleurs que l'aurore produit,
Ni ce douteux éclat qui se joint à la nuit.

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