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Un aimable pasteur,

CHUR.

&c.

É NONE.

Dans l'empire d'amour on tient le rang suprême,

Dès que

l'on sait charmer

Le dieu Pan et Jupiter même

N'y sont point reconnus, s'ils ne se font aimer:
Et c'est un demi-dieu que le berger qu'on aime.
UN BERGER.

Aimez sans crainte, livrez-vous
Aux innocens plaisirs d'une ardeur mutuelle.
Vous êtes nymphe et belle,

Vous aimez ; votre amour et des appas si doux
Ne sauroient trouver d'infidelle.

ÉN ONE.

Mon berger m'aimera toujours,

Il me le jure tous les jours;

J'en crois l'ardeur dont il le jure,

J'en crois ses doux transports et ses soins assidus;
Mais j'en crois peut-être encor plus
Mon cœur même qui m'en assure.

SCÈNE I I.

ÉNONE, IDALIE, CHŒUR.

I DALIE

NYMPHE, Pâris est arrivé.

ÉN ONE.

Il me cherche sans doute; ah! courons Idalie,

Dans les lieux ou tu l'as trouvé.

IDALIE

I DA LI E.

Je l'ai trouvé rêveur, plein de mélancolie,
Assis sous ces arbres voisins ;

Et ses soupirs marquoient une ame ensevelie
Dans de profonds chagrins.

ÉN ONE.

Il ne me cherche pas ! Ah! dieux, quelle nouvelle !
Il est si près d'Enone, et ne la cherche pas ?
Quel retour d'un amant! deux jours d'absence, hélas !
Ont-ils changé ce cœur si tendre et si fidelle!
I DA LI E.

Mais, sans doute, il ressent une peine cruelle.
ÉN ONE.

Ah! que ne la vient-il partager avec moi
Si nos peines ne sont communes,
Si je n'adoucis plus toutes ses infortunes
Il me manque de foi.

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Je frissonne déjà des maux que j'envisage:
Un désordre confus agite mes esprits.
Dieux ! quel est cet affreux présage?
Allons, allons chercher Pâris.

SCENE III

IDALIE, CHŒUR.

IDALIE.

Pour les cœurs délicats l'amour a trop d'alarmes, Ils en devroient toujours éviter le danger;

Mais les cœurs délicats, trop touchés de ses charmes, Sont les plus prêts à s'engager.

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Les plaisirs dont mon cœur s'est laissé transporter:
Vous promettez encor ces biens à ma tendresse ;
Non, je ne saurois vous quitter.
Mais je vois la nymphe que j'aime.

Lieux trop charmans, qu'elle vient vous prêter
D'appas pour m'arrêter !

Soyez toujours témoins de mon ardeur extrême
Non, je ne saurois vous quitter.

SCÈNE I L

PARIS, É NONE.

PARIS,

ENONE, Savez-vous quel ennui me tourmente?

On me veut arracher des lieux où je vous voi.
J'étois berger, vous receviez ma foi,

Mon bonheur passoit mon attente;

Mais je reviens de Troie, où j'ai vu, malgré moi, Que ma fortune est trop brillante.

J'ai

reçu les respects d'une cour éclatante,

Qui fait trembler tout sous sa loi.

En vous le racontant ma douleur en augmente.
Chère Énone, j'apprends que je suis fils du Roi.
É NONE.

Vous êtes fils du Roi ! quel coup pour une amante!

PARIS.

Le Roi m'a commandé de ne le quitter pas;
La Reine à chaque instant me serroit dans ses bras;
Sur moi seul leur suite nombreuse

Attachoit ses regards flatteurs et curieux:
Mais je n'ai pu souffrir, d'un sort si glorieux

La contrainte trop rigoureuse; amet,
Je me suis dérobé, j'ai volé dans ces lieux.

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Fiez-vous, belle Énone, au pouvoir de vos yeux.

ÉN ONE.

Laissez mourir Énone, elle est trop malheureuse.

Je croyois n'aimer qu'un berger,
Faut-il que vous cessiez de l'être ?

Lorsque vous sûtes m'engager,

Je descendis du rang où le ciel m'a fait naître,
Je me plus à le négliger.

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Qui jamais eût prévu que vous dussiez changer
Par le nouvel éclat où vous allez paroître ?
Je croyois n'aimer qu'un berger,
Faut-il que vous cessiez de l'être ?
PARIS.

Ah! si pour conserver de si tendres amours
Il faut être berger, je le serai toujours.
Oui, mon cœur désavoue une illustre fortune;
Je refuse à jamais sa faveur importune (1),
Qui m'accable d'un bien qui ne me peut flatter;
Je reprends la houlette

Qu'avec vous si long-temps ces bois m'ont vu porter
Je reprends la musette

Accoutumée à vous chanter;

Et touché désormais des seuls regards d'Enone
Possédé de ses seuls appas,

Mon cœur ne se souviendra pas

Qu'il soit dans l'univers ni couronne, ni trône.
É NONE.

Pourriez-vous à ce point signaler votre foi?
Vous laisseriez la cour pour vivre en ces bocages!
PARIS.

Nymphe, n'avez-vous pas de votre rang pour moi

Quitté les avantages?

J'ai du plaisir de savoir

Qu'un monarque soit mon père,

Puisqu'enfin je puis avoir

Un sacrifice à vous faire.

(1) Voilà la même faute que Racine a faite au commencement

de la première scène d'Andromaque.

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