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Les Heros chez Quinaut parlent bien autrement,
Et jufqu'à Je vous hais, tout s'y dit tendrement.
On dit qu'on l'a drapé dans certaine fatire,

190 Qu'un jeune Homme...Ah!je fçai ce que vous voulez dire,
A répondu noftre Hofte. Un Auteur fans defaut,
La Raifon dit Virgile, & la Rime Quinaut.
Juftement. A mon gré, la piece eft affez plate:
Et puis blâmer Quinaut.... Avez-vous vû l'Aftrate?
195 C'est là ce qu'on appelle un ouvrage achevé.
Sur tout l'Anneau Royal me femble bien trouvé.

REMARQUES.

public en 1665. Quand il l'eut
faite, l'Abbé de Bernay chés
quiil demeuroit, fouhaita qu'elle
fût répréfentée par les Comédiens
de l'Hôtel de Bourgogne, & M,
Racine voulut que ce fût par la
Troupe de Moliere. Comme ils
êtoient en grande conteftation
là-deflus M. Defpréaux inter-
vint, & décida par une plaifan-
terie, difant, qu'il n'y avoit plus
de bons Acteurs à l'Hôtel de Bour-
gogne ; qu'à la vérité il y avoit en-
core le plus babile Moucheur de
chandelles qui fut au monde, & que
cela pourroit bien contribuer au fuc-
cès d'une Piece. Cette plaifanterie
feule fit revenir l'Abbé de Bernay,
qui êtoit d'ailleurs très-obftiné;
& la Pièce fut donnée à la Trou-
pe de Moliere.

hais tout s'y dit tendrement. ] Dans les Tragédies de Quinaut, tous les fentimens font tournés à la tendrefle, jufques dans les endroits où l'on ne devroit exprimer que de la haine ou de la douleur : c'eft pourquoi on l'avoit furnommé le doucereux Qui. naut. M. Despréaux avoit vu jouer Stratonice, Tragedie de ce Poëte, où Floridor faifoit le rôle d'Antiochus , qui eft l'Amant; & la Baron faifoit celui de Stratonice, qui eft la Maîtreffe. Antiochus difoit bien tendrement à Stratonice: Vous me haissez donc ? A quoi Stratonice répondoit auffi d'un air fort paffionné: J'y mets toute ma gloire. Enfin, après avoir tourné en plufieurs façons les mots de baine & de hair, la Scéne VERS 188. Et jufqu'à Je vous finifloit par ces deux Vers. Adieu, croiés toujours que ma haine eft extrême, Prince, & fi je vous hais, haiffés-moi de même. C'eft particulièrement cet endroit que M. Despréaux a eu en vuë. A&t. II. Scene 6. & 7.

VERS 189. On dit qu'on l'a drapé dans certaine Satire. ] Dans la Satire précédente; & c'eft cette raifon qui a déterminé l'Auteur

placer ces deux Satires dans

fon Livre, immédiatement l'une après l'autre, quoiqu'elles n'aïent pas êté compofées dans le même ordre. Après la feconde Satire l'Auteur avoit fait la quatrième, & le Difcours au Roi, avant la Satire troifiéme.

VERS 194. & 196.

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-Avez.

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Et chaque acte en fa piece eft une piece entiere?
Je ne puis plus fouffrir ce que les autres font.
200 Il eft vrai que Quinaut eft un Efprit profond:
A repris certain Fat, qu'à fa mine difcrete
Et fon maintien jaloux j'ai reconnu Poëte :
Mais il en eft pourtant, qui le pourroient valoir.
Ma foy, ce n'est pas vous qui nous le ferez voir,
205 A dit mon Campagnard avec une voix claire,
Er déja tout bouillant de vin & de colere.

REMARQUES.

...

vous vû l'Aftrate? Sur tout
l'Anneau Royal. ] ASTRA TE,
Roi de Tyr, Tragédie de Qui-
naut, fut répréfentée au com-
mencement de l'année 1665.
L'Auteur du Journal des Savans,
faifant (dans le Journal du 23.
de Mars 1665.) l'éloge de l'A
trate, dit que cette Pièce a de la
tendreffe par tout,
& de cette
tendreffe délicate qui cft toute
particulière à M. Quinaut. L'An-
neau Roïal fait le fujet de la Scéne
III. & IV. de l'Acte troifiéme.
Elife héritière du Roïaume de
Tyr, donne à Agénor fon parent,
un Anneau, qui êtoit la mar-
que de la dignité Roïale, pour
le remettre à Afrate, qui eft ai-
mé de la Reine, & qu'elle veut
faire Roi en l'époufant. Mais
Agénor, qui avoit êté nommé par
le Père de la Reine pour être
fon Epoux, ne veut point fe def
faifir de l'Anneau Roïal: & com-
me il veut fe fervir de l'autorité
fouveraine , que cet Anneau
lui donne, pour faire arrêter fon
Rival, il eft lui-même mis en
prifon par ordre de la Reine.

VERS 198. Et chaque acte en
Ja piece eft une piece entiere.] Une

des premières regles du Théatre, eft qu'il ne faut qu'une Action pour le fujet d'une Pièce Dramatique ; & cette Action doit être non feulement complette, mais continuée jusqu'à la fin, fans aucune interruption. Or nôtre Auteur prétend que dans l' Aftrate, l'Action théatrale eft interrompue à la fin de chaque A&te: ce qui fait autant d'Actions, qu'il y a d'Actes dans la Pièce. Cette critique eft très fine. J'ai relu l'Aftrate m'a dit M. Defpréaux. J'ai êté étonné que je n'en aïe pas dit davantage dans ma Satire; car , il n'y a rien de plus ridicule. & il femble que tout y ait êté fait exprès en dépit du bon fens. A la fin, on dit à Afra,, te, que fa Maîtrefle eft em,, poifonnée : cela fe dit devant

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elle; & il répond pour toute chofe, Madame. Cela n'eft-il », pas bien touchaut? Nous di,,fions autrefois qu'il valoit bien mieux mettre Tredame.,,BROS

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SETTE.

VERS 201. A repris certain Fat, &c.] Cet endroit ne defigne perfonne en particulier.

Peut-eftre, a dit l'Auteur pafliffant de couroux :

Mais vous, pour en parler vous y connoiffez-vous ?
Mieux que vous mille fois, dit le Noble en furie,
210 Vous? Mon Dieu, mêlés-vous de boire, je vous prie,
A l'Auteur fur le champ aigrement reparti.

Je fuis donc un Sot? Moi? vous en avez menti :
Reprend le campagnard, & fans plus de langage,
Lui jette, pour deffi, son affiette au visage.
215 L'autre esquive le coup, & l'affiette volant
S'en va fraper le mur, & revient en roulant.
A cet affront, l'Auteur fe levant de la table,
Lance à mon Campagnard un regard effroyable:
Et chacun vainement fe ruant entre-deux,

220 Nos braves s'accrochant se prennent aux cheveux,
Auffi-toft fous leurs pieds les tables renversées
Font voir un long débris de bouteilles caffées :
En vain à lever tout les Valets font fort

225

promts,
Et les ruiffeaux de vin coulent aux environs.
Enfin, pour arrefter cette lutte barbare,
De nouveau l'on s'efforce, on crie, on les separe ;
Et leur premier ardeur paffant en un moment,
On a parlé de paix & d'accommodement.

Mais, tandis qu'à l'envi tout le monde y conspire, 230 J'ai gagné doucement la porte fans rien dire,

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Avec un bon ferment, que fi pour l'avenir,

En pareille cohuë on me peut retenir,

Je confens de bon cœur, pour punir ma folie, Que tous les vins pour moi deviennent vins de Brie, 235 Qu'à Paris le gibier manque tous les hyvers Et qu'à peine au mois d'Aouft l'on mange des pois verts.

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deviennent vins

de Brie. ] Les vins, que l'on recueille dans la Province de Brie, font fi mauvais, qu'ils font paffés en proverbe. Il eft dit dans une Chanfon:

Tout vin eft vin de Brie,
Quand on boit avec un Fat,

L

A quatriéme Satire fut faite en 1664. immédiatement après la feconde Satire, & avant le Difcours au Roi. L'Auteur en prit le fujet d'une Converfation, qu'il eut avec l'Abbé Le Vayer & Molière, dans laquelle ils établirent par divers exemples, que tous les hommes font fous, & que chacun croit être fage tout feul. C'est un fujet,que Molière vouloit traiter pour le Théatre, & qu'il trouvoit que Defmarêts avoit manqué dans fa Comédie des Visionnaires.

L'Abbé Le Vayer, ami particulier de M. Despréaux & de Molière, étoit Fils unique de M. De la Mothe Le Vayer, Confeiller d'Etat, Précepteur de MONSIEUR Philippe de France, Frère unique du Roi. En 1656. il publia une Traduction de Florus, qu'il dit avoir êté faite par ce jeune Prince, & il l'accompagna d'un Commentaire favant & curieux. On le croit Auteur du Roman de Tarfis & Zélie, qui eft fort bien écrit. Il mourut au mois de Septembre 1664. âgé d'environ trente-cinq ans.

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