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Er non les froids remords d'un Efclave craintif,
Où crut voir Abely quelque Amour negatif.

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Mais quoy ? J'entens déja plus d'un fier Scolastique,
Qui me voyant ici fur ce ton dogmatique,
165 En vers audacieux traiter ces poincts sacrés,
Curieux, me demande, où j'ay pris mes degrés :
Et fi, pour m'éclairer fur ces fombres matieres,
Deux cens Auteurs extraits m'ont presté leurs lumieres.
Non. Mais pour decider, que l'Homme, qu'un Chreftien
170 Eft obligé d'aimer l'unique Auteur du bien,

Le Dieu qui le nourrit, le Dieu qui le fit naiftre,
Qui nous vint par fa mort donner un fecond estre,
Faut-il avoir receu le bonnet Doctoral,
Avoir extrait Gamache, Ifambert, & Du Val?

REMARQUES.

VERS 162. Où crut voir Abety, &c.] Miférable Deffenfeur de la fauffe Attrition. DES P. Edit. de 1701. Auteur de la Moelle Théologique, qui foutient la fauffe Attrition par les raifons réfutées dans cette Epifire. DESP. Edit, de 1713.

L'Attrition, dit-il, qui n'a pour motif qu'une crainte fervile eft bonne & honnête. Il dit qu'elle naît de l'amour propre bien réglé: Oritur quidem ex amore fui; Jed bene ordinato. Et quoiqu'elle n'enferme pas en foi un parfait Amour de Dieu, néanmoins elle ne l'exclut pas, & ne lui eft pas contraire. Medulla Théol, de Sacram. pænit. c. <. Sect. 10. n. 5. M. l'Abbé Boilean, Docteur de Sorbonne, Frère de notre Auteur, a réfuté Abelli, dans un Livre intitulé: De la Contrition Tome I.

néceffaire pour obtenir la rémission des péchés dans le Sacrement de Pé nitence, BROSS.

LOUIS ABELLI, Parifien, êtoit Docteur en Théologie, mais non de la Faculté de Paris. Il fuccéda à M. de Perefixe, lorfqu'il fut fait Archevêque de Paris, dans l'Evêché de Rhodez, qu'il quitta pour venir finir fes jours à Paris dans la Maifon de faint Lazare où il mourut le 4. d'Octobre 1691. âgé de 88. aus. Il a fait plufieurs Ouvrages, qui font aujourd'hui très-méprifes.

VERS 174.1 -Gamache, Ifambert, & Du Val.] PHILIPPE Gamache, Nicolas Isambert, André Duval, trois célèbres Docteurs de Sorbonne, & Profefleurs en Théologie, dont les Ouvrages font imprimés. Ils vivoient dans le XVII. Siécle. BROSS,

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Π

175 Dieu dans fon Livre faint, fans chercher d'autre Ouvrage
Ne l'a-t-il pas écrit lui-mesme à chaque page ?
De vains Docteurs encore, ô prodige honteux !
Oferont nous en faire un problême douteux !
Viendront traiter d'erreur digne de l'anathême,
180 L'indifpenfable Loy d'aimer Dieu pour lui-mefme;
Et par un dogme faux dans nos jours enfanté,
Des devoirs du Chreftien rayer la Charité !
Si j'allois confulter chez Eux le moins severe,
Et luy difois : Un fils doit-il aimer son Pere?
185 Ah! peut-on en douter, diroit-il brufquement.
Et quand je leur demande en ce mesme moment:
L'Homme ouvrage d'un Dieu feul bon, & seul aimable,
Doit-il aimer ce Dieu fon Pere veritable?

Leur plus rigide Auteur n'ofe le décider,

190 Et craint en l'affirmant de se trop hazarder.

Je ne m'en puis deffendre; il faut que je t'efcrive
La Figure bizarre, & pourtant assez vive,
Que je fçûs l'autre jour employer dans son lieu,
Et qui déconcerta ces Ennemis de Dieu.

REMARQUES.

VERS 189. Leur plus rigide Auteur, &c.] M. Burluguay, Docteur de Sorbonne, & Curé des Troux près de Port-Roïal des Champs, n'ofa un jour répon dre précisément à M. Defpréaux, qui lui demandoit, fi l'on êtoit obligé d'aimer Dieu, & n'héfita point,quand on lui demanda en fuite, fi un Fils devoit aimer fon Père. La peine, que ce Docteur eut à répondre, ne venoit point de fon ignorance, mais de la

crainte de s'embarrasler. Il a
fait le Bréviaire de Sens, qui paffe
pour le plus beau du Roïaume.
BROSS.

Ce que M. Broffette dit là de
M. Burluguay ne reffen ble guère
au caractère de ce Docteur, qui
faifoit profeffion de la Morale
la plus auftère M. Proffette m'a
bien l'air d'avoir confondu fon
nom avec quelqu'autre.

VERS 191. Je ne m'en puis deffendre; &c.] Nôtre Auteur avoit

195 Au fujet d'un efcrit, qu'on nous venoit de lire,
Un d'entre-Eux m'infulta, fur ce que j'ofai dire,
Qu'il faut, pour eftre abfous d'un crime confeffé
Avoir pour Dieu du moins un Amour commencé.
Ce Dogme, me dit-il, eft un pur Calvinifie.
200 O Ciel! me voilà donc dans l'erreur, dans le fchifme,
Et partant reprouvé. Mais, poursuivis-je alors,
Quand Dieu viendra juger les Vivans, & les Morts,

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Et des humbles Agneaux, objet de fa tendreffe,

Separera des Boucs la troupe pechereffe,

205 A tous il nous dira, fevere, ou gracieux,

Ce qui nous fit impurs ou juftes à fes yeux. Selon vous donc, à moi reprouvé, bouc infame, Va brusler dira-t-il, en l'eternelle flamme, Malheureux, qui foûtins, que l'Homme deût m'aimer; 210 Et qui fur ce fujet, trop prompt à declamer, Pretendis, qu'il falloit, pour fleschir ma justice, Que le Pecheur touché de l'horreur de fon vice De quelque ardeur pour moi fentift les mouvemens, Et gardaft le premier de mes commandemens. 215 Dieu, fi je vous en croy, me tiendra ce langage. Mais à vous tendre Agneau, fon plus cher heritage, Orthodoxe Ennemi d'un Dogme fi blasmé,

Venez, Vous dira-t-il, Venez mon Bien-aimé : Vous, qui dans les detours de vos raisons subtiles 220 Embarraffant les mots d'un des plus faints Conciles,

REMARQUES.

eu effectivement avec un Théo-
logien, la converfation qui eft de
Crite dans les Vers fuiv. BROSS.

VERS 220.— d'un des plus faints Conciles. ] Le Concile de Trente. DES P.

Avés delivré l'Homme, ô l'utile Docteur !
De l'importun fardeau d'aimer fon Createur.
Entrés au Ciel, Venés, comblé de mes louanges,
Du befoin d'aimer Dieu defabuser les Anges.

225 A de tels mots, fi Dieu pouvoit les prononcer,

.

Pour moi je refpondrois, je croy, fans l'offenfer:
O'que, pour vous mon cœur moins dur,& moins farouche,
Seigneur, n'a-t-il, helas! parlé comme ma bouche !
Ce feroit ma response à ce Dieu fulminant.

230 Mais vous de fes douceurs objet fort furprenant,
Je ne fçais pas comment ferme en vostre Doctrine,
Des ironiques mots de fa bouche divine

235

Vous pourriés fans rougeur, & fans confusion,
Soûtenir l'amertume, & la dérifion.

L'audace du Docteur, par ce difcours frappée,
Demcura fans replique à ma Profopopće.
Il fortit tout à coup, & murmurant tout bas
Quelques termes d'aigreur que je n'entendis pas,
S'en alla chés Binsfeld, ou chez Bafile Ponce,
240 Sur l'heure à mes raisons chercher une response.

REMARQUES.

VERS 139. S'en alla chés Binf-
feld, on chez Bafile Ponce.] Deux
Deffenfeurs de la faufle Attrition.
Le premier eftoit Chanoine de
Treves, & l'autre eftoit de l'Or
dre de S. Auguftin. DESP.

Pierre Binsfeld êtoit de Lu-
xembourg. Il fit fes études à
Rome, & y prit le Bonnet de
Docteur en Théologie. Il fut en

fuite Chanoine de Treves, &t Grand-Vicaire de l'ArchevêqueElecteur.

Bafile Ponce de Leon, Religieux de l'Ordre de S. Augustin, êtoit d'une Famille illuftre de Grenade. Il enfeigna la Théologie & le Droit Canon avec réputation dans l'Univerfité d'Alcala. II mourut à Salamanque en 1619:

Fin du Tome I.

433

*PIECES concernant la X. SATIRE.

L'APOLOGIE DES FEMMES,

Par M. PERRAULT de l'Académie Françoife.

PREFACE.

CETTE Apologie n'est point une réponse en forme à la Satyre contre les Femmes & contre le Mariage puifqu'elle a efté compofée & lûë mefme en plufieurs endroits avant que la Satyre fuft imprimée. C'est feulement une piece de Poëfie qui défend ce que la Saty re attaque, pour donner au Public la fatisfaction de voir fur cette matiere & le pour & le contre. Je fçai que le parti que j'ai pris, quoique le plus jufte &

REMARQUES.

* On voit par la fin de la Page précèdente qu'elle devoit terminer ce Volume. Lorfque je comtois fuivre l'Ordre de l'Edition de M. Broffette; les Pièces, que je donne ici, devoient fe trouver dans le III. Tome: & depuis, quand j'ai cru que je ferois mieux de me conformer à l'Edition de i701, je les avois deftinées à finir le IV. Volume, parce que la Lettre de M. Arnauld à M. Perrault & la Répoufe de M. Defpréaux à M. Ar.. nauld, font à la fin de l'Edition de 1701. Mais comme le IV. Tome eft plus fourni que les autres, il m'a fallu prendre le parti de ramener ici ces Pièces; & je n'en fuis pas trop fâché. Puifqu'elles appartiennent à la X, Satire, il fera beaucoup plus Tome I

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commode pour le Lecteur de les avoir dans le même Volume,que de les aller chercher dans un autre.

M. Perrault fit imprimer fon Apologie des Femmes en 1694 quelque tems après que la X. Satire cut paru. Cette Pièce fut enfuite inférée par l'Auteur dans un Recueil in-12. de quelques uns de fes Ouvrages, qu'il donna la même année.

Comme la Lettre de M. Arnauld répond à ce que la Préface de l'Apologie des Femmes contient contre M. Defpréaux, il m'a pa ru qu'il êtoit a propos de mettre ici cette Préface; & je donne par occafion l'Ouvrage même parce qu'il mérite d'être lu quoique les Vers en foient quel quefois un peu trop négligés, * Ee

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