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Et le mettent au point d'envier ton emploi. Reconnois donc, Antoine, & conclus avec moy, 105 Que la Pauvreté masle, active, & vigilante,

Eft parmi les travaux moins laffe, & plus contente,
Que la Richeffe oifive au sein des voluptés.

Je te vais fur cela prouver deux Verités.
L'une, que le travail aux Hommes neceffaire
110 Fait leur felicité, plûtoft que leur mifere;
Et l'autre, qu'il n'eft point de Coupable en repos.
C'est ce qu'il faut icy montrer en peu de mots.

Suy moy

donc. Mais je voy, fur ce debut de prône, Que ta bouche déja s'ouvre large d'une aune, 115 Et que les yeux fermez tu baisses le menton. Ma foi, le plus feûr eft de finir ce fermon. Auffi-bien j'appercoy ces Melons qui t'attendent, Et ces Fleurs qui là-bas entre elles fe demandent; S'il est feste au village; & pour quel Saint nouveau 120 On les laiffe aujourd'hui fi long-temps manquer d'eau.

REMARQUES.

L'Auteur aïant récité fa Pièce à
M. Dagueffeau, Avocat Général,
qui l'êtoit allé voir à Auteuil,
ce Magiftrat condamna ce Vers.
Il trouvoit la Métaphore, qu'il
contient, trop hardie & trop vio.
lente. M. Defpréaux lui répon
dit, que fi ce Vers n'êtoit pas
bon, il falloit brûler toute la
Pièce. BROSS.

--Qu'en Dieu feul
VERS 114. Que ta bouche, &c.]
L'Auteur faifoit remarquer cette

Il ne falloit pas brûler toute la Pièce, mais changer ce Vers, dont en effet les Métaphores font fi outrées, qu'on ne les pafferoit pas même à Balzac ni à Brébanf.

CHANG. Vers 111.qu'il n'eft point de Coupable en repos. ] Première manière avant l'impreffion :

on trouve fon repos.
peinture naïve d'un Homme qui
s'endort,

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"O:cr (c'eft M. BROSSETTE, qui parle dans fa REMARQUE PRELIMINAIRE fur l'EPÎTRE XII.) à quelle occafion cette Epître a été faite. L'Auteur luimême s'en explique ainfi dans une Lettre, qu'il m'écrivit au mois de Novembre 1709. "Long-temps avant ,, la compofition de cette Pièce, j'eftois fameux par les fréquentes difputes que j'avois foûtenuës en plufieurs endroits, pour la défenfe du vrai Amour de Dieu, contre beaucoup de mauvais Théologiens. Deforte ,, que me trouvant de loifir un Carême, je ne crus pas » pouvoir mieux employer ce loifir, qu'à exprimer par écrit les bonnes pensées que j'avois là-deffus.,, C'étoit le Carême de l'année 1695.

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رو

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M. Bayle, dans fon Dictionnaire, à l'article Antoine Arnauld, rapporte un fait que l'on a oui réciter à M. Defpréaux. Il dit, que M. Arnauld aïant fait l'Apologie de la Satire X. contre les Femmes, quelques-uns de fes Amis trouvèrent mauvais que ce grave Docteur, âgé de quatre-vingt-quatre ans, eut entrepris la défenfe d'un Ouvrage, où il n'êtoit question, diJoient-ils, que de Femmes, de Vers, & de Romans. Ils regardoient la Poëfie comme un amusement frivole, qui n'avoit pas dû arrêter un moment ce profond Génie. M. Defpréaux compofa l'Epître fur l'Amour de Dieu, pour montrer à ces Cenfeurs fauffement délicats, que la Poëfie, dont ils avoient fi mauvaife opinion, peut traiter les fujets les plus relevés.

La fonction que je fais ici de Commentateur, ne demande pas que je m'érige en Théologien, pour appuier ou pour combattre les propofitions de mon Auteur. Laiffant donc tout ce qui concerne le Dogme, je me bornerai au peu de Remarques hiftoriques qu'il y a occafion de faire par rapport à cette Epître,

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EPISTRE XII.

SUR L'AMOUR DE DIEU,

A M. L'ABBÉ RENAUDOT.

DOCTE Abbé, tu dis vrai, l'Homme au crime attaché Enyain, fans aimer Dieu, croit fortir du peché.

REMARQUES.

VERS 1. Docte Abbé, &c.] On ne doutera pas que cette épithète ne foit due à M. Eufebe Renaudot, Prieur de Froflay en Bretagne, & de faint Chriftophe de Châteaufort près de Verfailles. 11 êtoit né à Paris le 10. de Juillet 1646. & y mourut le 1. de Septembre 1720. âgé de 74. ans. Il êtoit de l'Académie Françoife, de celle des Inferiptions BellesLettres, & des Académies des Humorilles de Rome, & de la Crufca de Florence. Les preuves de fa profonde érudition fe voient

principalement dans les deux volumes, qu'il a publiés pour fervir d'addition à l'Ouvrage de M. Arnauld, touchant la Perpétuité de la Foi. Il y a de lui beaucoup d'autres Ouvrages imprimés, & un plus grand nombre encore, qui font reftés manufcrits, & qui feroient connoître de plus en plus, quelle êtoit l'étendue de fon érudition. Il a êté regardé comme un des premiers Hommes de fon fiécle pour la connoiffance des Langues, & fur tout des Langues

Toutefois n'en déplaise aux transports frenetiques Du fougueux Moine auteur des troubles Germaniques, 5 Des tourmens de l'Enfer la falutaire Peur

N'eft pas toûjours l'effet d'une noire vapeur,
Qui de remords fans fruict agitant le Coupable,

Aux yeux de Dieu le rende encor plus haïssable.
Cette utile frayeur propre

à

nous penetrer,

10 Vient fouvent de la Grace en nous prefte d'entrer, Qui veut dans noftre cœur se rendre la plus forte, Et pour fe faire ouvrir déja frappe à la porte.

REMARQUES.

êtoit lié d'une très étroite amitié avec M. Defpréaux, à la gloire duquel il s'interefloit particulièrement.

VERS 4. Du fougueux Moine, &c.] Luther. DES P.

Orientales, dont il avoit fait fa tems en Florence, & qui voulut principale Etude, dans le def- être en commerce de Lettres fein d'acquérir des connoiffan- avec lui. Ce qui a duré jufqu'à ces utiles à l'Eglife. Il pofledoit la mort de cet Homme illuftre. à fonds dix fept Langues & les I parloit, la plufpart, avec facilité. C'êtoit d'ailleurs un Homme de beaucoup d'efprit & d'une converfation très-agréable. L'étude n'en avoit pas fait un Savant inutile à la Société hors de fon Cabinet. La Cour l'a fouvent emploïé dans des affaires de confiance, & l'on a toûjours êté content de fes fervices. Il fit le voïage de Rome en 1700, avec M. le Cardinal de Noailles, dont il fut Conclavifte. Le nouveau Pape Clement XI. le combla de marques d'eftime & d'amitié, le força de refter à Rome fept à huit mois après le départ de M. de Noailles ; & prefque tous les jours, pendant ce tems, il avoit avec lui des Conférences qui duroient quelquefois des deux & trois heures. L'Abbé Renaudot ne fut pas moins bien accueilli du Grand Duc de Tofcane, qui le fit refter affés long

Luther êtoit Allemand. Il condamnoit toute Pénitence faite par un motif de crainte, parce que la crainte, felon lui, ne pouvoit faire que des hypocrites. Il difoit encore que la peur des peines de l'Enfer eft criminelle, & qu'elle offenfe la bonté de Dieu. Voïés fon fecond Sermon fur la Pénitence & fa Difpute de Leipzig contre Eckius.

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VERS 10. Vient fouvent de la Grace en nous prefle d'entrer. ] CONCILE de Trente, Seffion XIV. Can. 4. Verùm etiam donum Dei effe, & Spiritus San&ti impulfum, non adhuc quidem inhabitantis, fed tantùm moventis, quo pœnitens adju tus, viam fibi ad juflitiam parat.

Si le Pécheur pouffé de ce fainct mouvement,
Reconnoiffant fon crime, afpire au Sacrement,
IS Souvent Dieu tout à coup d'un vrai zele l'enflâme.
Le Saint Efprit revient habiter dans fon ame,

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Y convertit enfin les tenebres en jour,

Et la Crainte fervile en filial Amour.

C'eft ainfi que fouvent la Sageffe fuprême
20 Pour chaffer le Démon fe fert du Démon mefme.
Mais lorsqu'en fa malice un Pécheur obstiné
Des horreurs de l'Enfer v ement eftonné,
Loin d'aimer humble Fils fon veritable Pere,
Craint & regarde Dieu comme un Tyran severe,
25 Au bien qu'il nous promet ne trouve aucun appas,
Et fouhaite en fon cœur, que ce Dieu ne foit pas ;
Envain la peur fur lui remportant la victoire
Aux pié d'un Preftre il court décharger fa memoire,
Vil Efclave toûjours fous le joug du peché

30 Au Démon qu'il redoute il demeure attaché.
L'Amour effentiel à noftre penitence

Doit eftre l'heureux fruit de noftre

repentance.

Non quoique l'Ignorance enfeigne fur ce poinct,
Dieu ne fait jamais grace à qui ne l'aime point.
35 A le chercher la Peur nous difpofe & nous aide :
Mais il ne vient jamais, que l'Amour ne fuccede.
Ceffés de m'opposer vos difcours impofteurs,
Confeffeurs infenfez, ignorans Seducteurs,

REMARQUES.

VERS 26. Et fouhaite en fon cœur, que ce Dieu ne foit pas. ] PSEAUME XIII. verfet 1. Dixit infipiens in

corde fuo, non eft Deus.

VERS 3. Ale chercher la Pear nous difpofe & nous aide. ] CON

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