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'AVERTISSEMENT

SUR

LA XII. SATIRE. QUELQUE heureux fuccés qu'ayent

eu mes Ouvrages, j'avois réfolu (2) depuis leur derniere Edition de ne plus rien donner au Public, & quoiqu'à mes heures perduës, (3) il y a environ cinq ans, j'euffe encore fait contre l'Equivoque une Satire, que tous ceux à qui je l'ay communiquée, ne jugeoient pas inferieure à mes autres écrits, bien loin de la publier, je la tenois foigneufement cachée, & je ne croyois pas que, moy vivant,,

REMARQUES.

(1) Cet Avertisement eft intitulé par M. Broffette & par tous les Editeurs qui l'ont fuivi: DISCOURS de l'Auteur, pour fervir d'Apologie à la Satire fuivante. On a cru bien faire en lui donnant un titre pareil à celui que l'Auteur a donné lui-même à l'Avertisement qui précède la Satire X.

(2) Depuis leur derniere Edi. tion. En 1701.

(3) Il y a environ cinq ans.] Cet Avertiffement fut compofé en

1710. l'Auteur faifant alors une nouvelle Edition de fes Ouvrages dans laquelle il vouloit inférer la Satire contre l'Equivoque. Mais quelques-uns de fes ennemis obtinrent un ordre du Roi, pour empêcher que cette Pièce ne parût; & M. Delpréaux ne voulut plus que l'on continuât l'Edition commencée. Un pareil ordre fut auffi caufe que cette Satire ne fut point mife dans l'Edition pofthume de 1713. Du MONTEIL.

elle deuft jamais voir le jour. Ainfi donc auffi foigneux deformais de me faire oublier, que j'avois efté autrefois curieux de faire parler de moi, je joüilfois, à mes infirmitez prés, d'une affez grande tranquillité, lorfque tout d'un coup j'ay appris qu'on debitoit dans le monde fous mon nom quantité de méchans ecrits, (4) & entre autres une Piece en Vers contre les Jefuites, également odieuse & infipide, où l'on me faifoit en mon propre nom dire à toute leur Societé les injures les plus atroces & les plus groffieres. J'avoue que cela m'a donné un tres grand chagrin. Car bien que tous gens fenfez ayent connu fans peine que la Piece n'eftoit point de moy, & qu'il n'y ait eu que de tres-petits efprits qui ayent prefumé que j'en pouvois eftre l'Auteur, la verité eft pourtant que je n'ay pas regardé comme un mediocre affront de me voir foupçonné, mefme par des Ridicules, d'avoir fait un ouvrage fi ridicule.

les

,

J'ai donc cherché les moyens les plus propres pour me laver de cette infamie: & tout bien confideré, je n'ay point trouvé de meilleur expedient, que de faire imprimer ma Sa

REMARQUES.

(4) Et entre autres une Piece en Vers. L'Ouvrage, dont il s'agit ici, êtoit une Epitre d'environ Coixante Vers. M. Despréaux fur

très-mortifié d'apprendre qu'on l'en croïoit l'Auteur. Voici dans quels termes il en marqua fa pensée à un Jéfuite du Collégo

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tire contre l'E QUIVOQUE; parce qu'en la lifant, les moins éclairez mefme de ces petits efprits ouvriroient peut-eftre les yeux, & verroient manifeftement le peu de rapport qu'il y a de mon stile, mefme en l'âge où je fuis au ftile bas & rampant de l'Auteur de ce pitoyable écrit. Ajoutez à cela, que je pouvois mettre à la tefte de ma Satire, en la donnant au Public, un Avertiffement en maniere de Preface, où je me juftifierois pleinement, & tirerois tout le monde d'erreur. C'est ce que je fais aujourd'huy, & j'efpere que le peu que je viens de dire, produira l'effet que je me fuis propofé. Il ne me refte donc plus maintenant qu'à parler de la Satire pour laquelle eft fait ce Difcours.

Je l'ai compofée par le caprice du monde le plus bizarre, & par une efpece de depit & de colere poëtique, s'il faut ainfi dire, qui me faifit à l'occafion de ce que je vais raconter. Je me promenois dans mon jardin à Auteuil, & rêvois en marchant à un Poëme que je voulois faire contre les mauvais Critiques de noftre fiecle. J'en avois mefme déja compofé quelques vers, dont j'eftois affez content,

REMARQUES.

de Louis le Grand. Je déclare qu'il ne s'eft iamais rien fait de plus mauvais, ni de plus fortement injurieux que cette groffière boutade

de quelque Cuiftre de Collège de l'Univerfité; & que fi je l'avois faite je me mettrois moi-même bien au-deffous des Coras, des Pek

Mais voulant continuer je m'aperceus qu'il y avoit dans ces vers une équivoque de langue; & m'eftant fur le champ mis en devoir de la corriger, je n'en pus jamais venir à bout. Cela m'irrita de telle maniere, qu'au lieu de m'appliquer davantage à reformer cette équivoque, & de pourfuivre mon Poëme contre les faux Critiques, la folle pensée me vint de faire contre l'Equivoque mefme, une Satire, qui puft me vanger de tous les chagrins qu'elle m'a caufez depuis que je me mefle d'écrire. Je vis bien que je ne rencontrerois pas de mediocres difficultez à mettre en vers un fujet fi fec. Et mefme il s'en préfenta d'abord une qui m'arrefta tout court. Ce fut de fçavoir duquel des deux genres, masculin ou feminin, je ferois le mot d'Equivoque, beaucoup d'habiles Ecrivains, ainfi que le remarque Vaugelas, le faifant mafculin. Je me déterminai pourtant affez vifte au feminin, comme au plus ufité des deux. Et bien loin que cela empef chât l'exécution de mon projet, je creus que ce ne feroit pas une méchante plaifanterie de commencer ma Satire par cette difficulté mesme. C'eft ainfi que je m'engageai dans la compofition de cet ouvrage. Je croyois d'abord

REMARQUES.

letiers, & des Cotins. Il ajoûtoit dans une autre Lettre au même : Je ne perdrai jamais la mémoire du

fervice confidérable que vous m'avez rendu en contribuant fi bien à détromper les hommes de l'horrible af

faire tout au plus cinquante ou foixante vers mais enfuite les penfées me venant en foule & les chofes que j'avois à reprocher à l'Equivoque, fe multipliant à mes yeux, j'ai pouffé ces vers jufqu'à prés de trois cens cinquante.

C'eft au Public maintenant à voir si j'ay bien ou mal reüffi. Je n'emploierai point ici, non plus que dans les Prefaces de mes autres écrits, mon adresse & ma rhetorique à le prevenir en ma faveur. Tout ce que je lui puis dire, c'eft que j'ay travaillé cette piece avec le mefme foin que toutes mes autres Poëfies. Une chofe pourtant dont il eft bon que les Jefuites foient avertis, c'est qu'en attaquant l'Equivoque, je n'ay pas pris ce mot dans toute l'étroite rigueur de fa fignification grammati cale; le mot d' le mot d'Equivoque, en ce fens-là, ne voulant dire qu'une ambiguité de paroles, mais que je l'ai pris, comme le prend ordinairement le commun des hommes, pour toutes fortes d'ambiguitez de fens, de pensées, d'expreffions, & enfin pour tous ces abus & toutes ces méprifes de l'efprit humain qui font qu'il prend fouvent une chofe pour une autre. Et c'eft dans ce fens que j'ay dit que l'Idolatrie avoit pris naiffance de l'Equivoque; les

REMARQUES.

front que l'on me vouloit faire, en m'attribuant le plus plat, & le plus monflruenx libelle qui ait jamais êté

fait. Ces Lettres font entre les mains de l'Auteur de ces Remar ques. BROSSETTE,

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