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Mais c'eft un jeune Fou, qui fe croit tout permis,
Et qui pour un bon mot va perdre vingt Amis.
Il ne pardonne pas aux vers de la Pucelle,

Et croit regler le monde au gré de fa cervelle.
125 Jamais dans le Barreau trouva-t-il rien de bon ?
Peut-on fi bien prêcher qu'il ne dorme au Sermon ?
Mais lui, qui fait ici le Regent du Parnasse,
N'eft qu'un gueux revêtu des dépouilles d'Horace.

REMARQUES.

C'eft ce que La Frefnaie Vauquelin a paraphrafé de cette forte dans la première Satire de fon

quatrième Livre, en ajoûtant de nouvelles idées celles de fon original.

-Gardez-vous, car ce toreau-la porte

Du foin de Jus la corne, il frape en mainte forte :
Fuyez-le de bien loin, quand à hurter s'eft mis
Il ne pardonne pas à fes meilleurs amis:
Il porte fur la croupe une claire fonnette,

Qui dit aux approchans, il frape, qu'on s'en guette.
Perfonne il ne refpecte, un Prince il fraperoit,
Et les plus grands Seigneurs jamais n'épargneroit,
Pourveu que tout le monde à fon plaifir il tire:
Et qu'il faffe en riant auffi les autres rire: &c.
Les deux mêmes Vers d'Horace
ont êté depuis heureufement
imités par Regnier, Son Imita-
tion eft fort fupérieure à celle de

La Frefnaie Vauquelin, & peut
être M. Defpréaux dans la fien-
ne n'a-t'il fait qu'égaler Regnier,
dont voici les Vers, Satire XII.
Fuyez ce Médifant;
Facheule eft fon humeur, fon parler eft cuifant.
Quoi, Monfieur, n'est-ce pas cet homme à la Satire,
Qui perdroit fon ami plusloft qu'un mot pour rire ?
VERS 125. Jamais dans le Bar-
reau &c.] Nôtre Auteur pof-
fédoit dans un grand degré de
perfection, le talent de contre-
faire toutes fortes de gens. Il
favoit fi bien prendre le ton de
voix, l'air, le gefte, & tou-
tes les manières des perfonnes
qu'il vouloit copier, qu'on s'i
maginoit les voir & les enten-
dre. Etant jeune Avocat, il n'al-

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loit au Palais que pour obferver les manières de plaider des autres Avocats & pour les contrefaire quand il êtoit avec fes amis. Il en faifoit autant à l'égard des Prédicateurs & des Comédiens.

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VERS 128. N'est qu'un gueux revéu des dépouilles d'Horace, &c. 1 Saint Pavin reprochoit à l'Au teur, qu'il n'êtoit riche que des

Avant lui Juvenal avoit dit en Latin,

130 Qu'on eft affis à l'aise aux Sermons de Cotin.
L'un & l'autre avant lui s'eftoient plaints de la rime,
Et c'eft auffi fur eux qu'il rejette fon crime :

Il cherche à se couvrir de ces noms glorieux.

J'ai peu lû ces Auteurs: mais tout n'iroit que mieux,
135 Quand de ces Médifans l'engeance toute entiere
Iroit la tefte en bas rimer dans la riviere.

Voilà comme on vous traitte : & le Monde effrayé
Vous regarde déja comme un homme noyé.
En vain quelque Rieur › prenant votre défense,
14o Veut faire au moins de grace adoucir la sentence.
Rien n'apaise un Lecteur toûjours tremblant d'effroi,
Qui voit peindre en autrui ce qu'il remarque en foi.
Vous ferez-vous toûjours des affaires nouvelles ?
Et faudra-t-il fans ceffe effuyer des querelles?

REMARQUES.

dépouilles d'Horace, de Juvenal
& de Regnier. DESP.

L'Abbé Cotin appuïoit forte-
ment ce reproche, foit dans la
Satire qu'il fit contre M. Def-
préaux, foit dans fa Critique dé-
fintereffée fur les Satires du tems.
Mais nôtre Auteur le rend dou-
blement ridicule, en lui faifant
dire, que Juvenal avoit dit en La
tin, Qu'on eft affis à l'aife aux Ser-
mons de Cotin. Ce tour eft très- in-
génieux. Voïés la Sat. I. vers
178. & Sat. III. vers 60.

VERS 136. Iroit la telle en bas rimer dans la riviere. ] L'auftère vertu, dont M. le Duc de Montanzier faifoit profeffion, lui fit regarder les Satires de l'Auteur,

comme des médifances affreufes, qu'on ne devoit pas autori. fer. De forte qu'un jour il dit dans un mouvement de colère qu'il faudroit envoïer Boileau & tous les Satiriques rimer dans la rivière. Cependant on fçait que ce Duc, qui s'êtoit mêlé de Poefies dans fa jeunefle, avoit luimême compofé des Satires, qui paffoient pour vives & piquantes. Ménage, en lui dédiant fes Poëfies, en fait le fujet d'une partie des louanges, qu'il lui donne dans l'Epitre dédic, Teftes dit-il, vivida illa atque acres Satire que nobile & generofum illud tuum quodam modo pra fe ferunt....Tefles mi ra rotunditatis Epigrammata, &c.

145 N'entendrai-je qu'Auteurs fe plaindre & murmurer? Jufqu'à quand vos fureurs doivent-elles durer ?

Répondez, mon Esprit, ce n'eft plus raillerie :
Dites...... Mais, direz-vous, Pourquoi cette furie?
Quoi ? pour un maigre Auteur que je glôze en passant,
Eft-c
150 t-ce un crime après tout, & fi noir & fi grand ?

Et qui voyant un Fat s'aplaudir d'un Ouvrage,
Où la droite Raifon trébuche à chaque page,
Ne s'écrie auffi-toft: L'impertinent Auteur!
L'ennuyeux Ecrivain ! le maudit Traducteur !
155 A quoi bon mettre au jour tous ces difcours frivoles,
Et ces riens enfermez dans de grandes paroles?

Eft-ce donc là médire, ou parler franchement?
Non, non,
la Médifance y va plus doucement.
Si l'on vient à chercher pour quel fecret mystere
160 Alidor à fes frais bâtit un monastere :

REMARQUES.

IMIT. Vers 159. Si l'on vient à chercher pour quel fecret myftere,

&c.] Horace
IV. vers 93.

Mentio fi qua

Livre I. Satire

De Capitolini furtis injecta Petilli
Te coram fuerit; defendas, ut tuus eft mos,
Me Capitolinus convictore ufus amicoque
A puero eft: causâque med permulta rogatus
Fecit, & incolumis lator quod vivit in urbe,
Sed tamen admiror, quo pa&to judicium illud
Fugerit, hic nigra fuccus loliginis, hac eft
Ærugo mera.

VERS 160. Alidor à fes frais
båtit un monaftere. ] Ce Vers & les
quatre fuivans défignent deux
perfonnes. La première eft un
riche Partifan, qui fe retira à
Rome pour le mettre à couvert
des recherches que le Roi fit
faire contre les gens d'Affaires
par la Chambre de Juftice, éta-

blie à Paris en 1661. L'Abbé Furetière avoit fait une Epigramme contre ce Partifan fous le même nom d'Alidor.

Nicolas Raulin, Chancelier de Bourgogne, décrié par fes concuffions, avoit fondé un Hôpital: furquoi Louis XI. dit ce bon mot; que Raulin aïaut fait

165

Alidor, dit un Fourbe, il eft de mes Amis.
Je l'ai connu Laquais avant qu'il fuft Commis.
C'est un Homme d'honneur, de pieté profonde,

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Et qui veut rendre à Dieu, ce qu'il a pris au monde, Voilà jouer d'adresse & médire avec art; Et c'eft avec refpect enfoncer le poignard. Un Esprit né fans fard, fans baffe complaifance, Fuit ce ton radouci que prend la Médisance. Mais de blâmer des vers ou durs, ou languiffans; 170 De choquer un Auteur, qui choque le bon fens : De railler d'un Plaisant, qui ne fçait pas nous plaire ; C'est ce que tout Lecteur eut toûjours droit de faire. Tous les jours à la Cour un Sot de qualité

Peut juger de travers avec impunité:

175 A Malherbe, à Racan, préferer Théophile
Et le clinquant du Taffe, à tout l'or de Virgile.

REMARQUES.

une infinité de pauvres, il étoit bien
jufte qu'il les logedt.

Ce n'êtoit pas à celui-là que
nôtre Auteur en vouloit; mais
à quelqu'un qui a fait faire aux
Portes de Paris un Bâtiment
très-connu.

VERS 165.
& medire avec
art.] SCALIGER difoit: Eft ars
etiam maledicendi. SCALIGERANA
II. p. 10.

VERS 173. un Sot de qua-
lité, &c.] Un homme de qua-
lité fit un jour ce beau jugement
en ma préfence, DES P.

Comme cet homme de qualité foutenoit fon fentiment avec beaucoup de hauteur, M. Defpréaux ne voulant point l'offenfer par la réponse, fe contenta

de lui dire: Vous avez bien que j'ai raison: Or, dites-vous à vousmême ce que vous me diriez, fi vous êtiés à ma place.

VERS 176. Et le clinquant du Taffe, &c.] Poëte Italien trèscélèbre qui a vécu dans le XVI. fiécle. Plufieurs Auteurs, & particulièrement des Italiens, n'ont point fait de difficulté de mettre le Taffe en parallèle avec Virgile: Balzac même a dit, que la Jérufalem délivrée êtoit l'Ouvrage le plus riche & le plus achevé que l'on eût encore vû depuis le fiécle d'Augufte; & qu'en ce geure d'écrire, Virgile cft caufe que le Taffe n'eft pas le premier: & le Taffe, que Virgile n'eft pas le feul.

Un Clerc, pour quinze fous, fans craindre le hola Peut aller au Parterre attaquer Attila :

REMARQUES.

Le Marquis Orf,qui a entrepris de défendre le Taffe & les autres Ecrivains de fon Pais contre les reproches, que le P. Bouhours leur fait, effaie autfi de juftifier le Taffe au fujet du Jugement, que M. Defpréaux en a fait, en oppofant fon clinquant à l'or de VIRGILE, Ed appunto non è un ferio giudizio, dit-il, ma una Scherzevole licenza poëtica fu quella ch' egli usò contra IL TASSO. Ce n'eft pas un jugement ferieux, mais une plaifanterie, une li,, cence poetique,,. Ce même Auteur ajoûte, Dial. VI. page 506. que cette plaifanterie de M. Defpréaux contre le Taffe, n'a êté dite que d'après le Cavalier Salviati, à qui il eft échappé d'écrire dans fon Infarinato fecondo page 385. que la Jerufalem délivrée n'eft précisement que du clinquant ou de l'oripeau, en comparaifon d'un autre Poëme

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Italien qu'il nomme : Che la
Gierufalemme liberata pareagli ap-
punto un' orpello allato all' Oro dell'
AVARCHIDE. Ce Poëme eft de
Luigi Alamanni.

:

L'Ouvrage du Marquis Orfi a pour titre Confiderazioni fopra un famofo Libro Francefe, intitolato, la Manière, &c. Cioè, la Maniera di ben penfare ne componimenti. Ce Livre a été imprimé à Boulogne en 1703.

VERS 177. Un Clerc, pour quinze fous, fans craindre le hola, &c.] M. Dejpréaux êtant en 1666. à la première répréfentation d'Agefilas, qui eft une des dernières Tragédies du grand Corneille. fentit que cette Pièce êtoit bien au-deffous de celles qui l'avoient précédée, & que l'Auteur commençoit à baifler. Sur cela il fir l'Epigramme fuivante, qui eft peut-être la plus courte des Epigrammes Françoifes J'ai vu l'Agefilas, Hélas!

L'année fuivante, Corneille donna la Tragédie d'Attila où la décadence de fon génie fe

faifoit encore mieux fentir. M.
Defpréaux doubla ainfi la même
Epigramme.
Aprés l'Agefilas,
Hélas!
Mais après l'Attila
Hola.

C'est à cela que nôtre Auteur a fait allufion dans ces Vers, que M. Corneille prenoit pour un éloge, quoiqu'ils puiflènt être interprétés d'une manière bien différente; mais l'Auteur y avoit mis à deffein un peu d'ambiguité.

Une Note de l'Edition de Paris 1740. ajoute que quoi qu'Attila foit fort inférieur aux belles Tragédies de Corneille, on y reconnoît pourtant l'Auteur d'Heraclius & de Nicoméde. Voïés la Défenfe de Corneille par le P Fournemine,

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