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* A peine quelquefois je me force à les lire,

Pour plaire à quelque ami que charme la satire :
Qui me flatte peut-eftre, & d'un air impofteur,
Rit tout haut de l'ouvrage, & tout bas de l'Auteur.
Enfin c'eft mon plaifir: je veux me fatisfaire ;
90 Je ne puis bien parler, & ne fçaurois me taire :
Et dés qu'un mot plaifant vient luire à mon esprit,
Je n'ai point de repos qu'il ne foit en écrit:
Je ne refifte point au torrent qui m'entraîne.

Mais c'eft affez parlé. Prenons un peu d'haleine. 95 Ma main pour cette fois, commence à se lasser. Finiffons. Mais demain, Muse,

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recommencer.

REMARQUES.

quelquefois, &c.] Ces Vers font de ceux-ci de la Satire IV. du Ï. imités, quant à l'idée feulement, Livre d'Horace, Vers 71.

Nulla taberna meos habeat, neque pila libellos,
Queis manus infudet vulgi, Hermogenifque Tigelli.
Non recito cuiquam, nifi amicis, idque coactus :
Non ubi vis, coramve quibuflibet.

VERS 88. Rit tout haut de l'ou urage, & tout bas de l'Auteur.] Quand M. Defpréaux lut la première Satire à l'Abbé Furetière, il s'appercut qu'à chaque trait cet Abbé fourioit amèrement, & laiffoit entrevoir une joie maligne; prévoïant que l'Auteur alloit s'attirer bien des ennemis. Voilà qui eft bon, difoitil d'un air railleur; mais cela fera du bruit. Ce trait n'échap

pa pas à nôtre Poëte; & c'est à quoi il fait allufion dans cet endroit.

CHANG. Vers 89.

Je vens me fatisfaire.] On lit dans l'Edition de 1694. dans celle de 1713. & dans toutes celles qu'on a faites depuis: Je me veux fatisfaire. On préfère ici la leçon de l'Edition de 1701. comme rendant & le Vers plus doux, & la Phrafe plus exacte.

Tome I.

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C

Ette SATIRE eft tout à fait dans le gouft de Perfe, & marque un Philofophe chagrin, & qui ne peut plus fouffrir les vices des Hommes. C'est ce que M. Defpréaux dit lui-même de cette Pièce dans une petite Note, qui fe trouve en marge des premiers Vers, dans Edition pofthume de 1713.

Notre Auteur, après avoir fait fon Apologie dans la neuviéme Satire, compofée comme celle-ci en 1667. mais la première, entreprit de traiter un fujet plus général, & qui fût au goût de tout le monde. Dans cette vue, il fit la Satire de l'Homme. C'est ainsi qu'il l'appelloit & non pas la Satire contre l'Homme. Cette Pièce fut imprimée séparément en 1668. Aucun autre Ouvrage de l'Auteur n'eut plus de cours en par

ticulier.

A l'occafion de la Profopopée de l'Afne, qui finit cette Satire, l'Abbé Boileau, Docteur de Sorbonne, confeilla de la dédier au fieur Morel, aufft Docteur de Sorbonne, que l'on furnommoit la Mãchoire d'Afne, parce qu'il avoit la mâchoire fort grande & fort avancée. Ce Docteur étoit ennemi des Janféniftes, contre lesquels il a composé divers Ouvrages, mais tous affés mauvais. Il en fut païé par Santeul, qui lui fit des Vers Latins, dans lefquels il affecta de le loüer, de ce que par fes DifCours & par fes Ecrits, il avoit confondu les Difciples de Tanfénius, de même que Samfon avoit défait les Philiftins avec une mâchoire d'âne.

Claude Morel étoit de Châlons en Champagne d'une famille de Robe, Il mourut à Paris le 30. d'Avril 1679. Doien de la Faculté de Théologie, & Chanoine Théologal de l'Eglife de Paris. Il avoit refufé l'Evêché de Lombez.

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f A aveline Jous

SATIRE VIII.

A MONSIEUR M***.

DOCTEUR DE SORBONN E.

DE
E tous les animaux qui s'élevent dans l'air,
Qui marchent fur la terre, ou nagent dans la mer
De Paris au Perou, du Japon jusqu'à Rome,
Le plus fot animal, à mon avis, c'est l'Homme,
Quoi ? dira-t-on d'abord, un ver, une fourmi,
Un infecte rampant qui ne vit qu'à demi,

Un taureau qui rumine, une chevre qui broute,
Ontl'efprit mieux tourné que n'a l'Homme? Oui fans doute.

REMARQUES.

IMIT. Vers 1. De tous les animaux, &c.] HOMERE, Iliade, L. XVII. a exageré la misère de l'Homme par une femblable

comparaifon : De tous les animaux qui refpirent, & qui rampent fur la terre, il n'y en a point de plus malheureux que l'Homme.

Ce difcours te furprend, Docteur, je l'aperçoy.

to L'Homme de la Nature eft le Chef & le Roy.
Bois, prez, champs, animaux, tout eft pour fon usage,
Et lui feul a, dis-tu, la raison en partage.

Il est vrai, de tout temps la Raison fut fon lot :
Mais de-là je conclus que l'Homme eft le plus fot.
Ces propos, diras-tu, font bons dans la fatire,
Pour égayer d'abord un Lecteur qui veut rire:
Mais il faut les prouver. En forme. J'y confens.
Répons-moi donc, Docteur, & mets toi fur les bancs.
Qu'eft ce que la Sageffé? Une égalité d'ame,

20 Que rien ne peut troubler, qu'aucun defir n'enflâme ;
Qui marche en fes confeils à pas plus mesurez,
Qu'un Doyen au Palais ne monte les degrez.
Or cette égalité, dont fe forme le Sage,

Qui jamais moins que l'Homme en a connu l'usage ?
25 La fourmi tous les ans traversant les guerets,
Groffit fes magafins des trefors de Cerés ;
Et dés que l'Aquilon, ramenant la froidure,
Vient de fes noirs frimats attrifter la Nature,

REMARQUES.

VERS 17. Mais il faut les prouver. En forme. J'y confens.] Ces derniers mots, Jy confens, font du Poëte. Le refte eft du Docteur. En forme: ce mot, détaché de ce qui précède, eft un trait qui caractérise bien le Perfonnage, & marque mieux le

Dialogue, que fi l'Auteur avoit mis tout de fuite: Mais il faut les prouver en forme. Cela feroit froid.

IMIT. Vers 25. La fourmi tous les ans traverfant les guerets, &c.] Horace, Liv. I. Satire I. vers 33.

Parvula (nam exemplo eft) magni Formica laboris
Ore trabit quodcumque poteft, atque addit acervo
Quem fruit, haud ignara, ac non incauta futuri,
Qua fimul, inverfum contriftat Aquarius annum 2
Non ufquam prorepit, & illis utitur ante
Quafitis Sapiens.

Cet animal tapi dans fon obfcurité

30 Jouït l'hyver des biens conquis durant l'efté :
Mais on ne la voit point d'une humeur inconstante,
Pareffe fe au printems, en hyver diligente,
Affronter en plein champ les fureurs de Janvier
Ou demeurer oifive au retour du Belier.

35 Mais l'Homme fans arreft, dans fa course insensée,
Voltige inceffamment de pensée en pensée,

Son cœur toûjours flottant entre mille embarras,
Ne fçait ni ce qu'il veut, ni ce qu'il ne veut pas.
Ce qu'un jour il abhorre, en l'autre il le fouhaite.
40 Moi j'irois époufer une Femme coquete ?
J'inois par ma conftance aux affronts endurci,
Me mettre au rang des Saints qu'a celebrez Buffi ?

REMA R Q U E S.

VERS 34. - Au retour du Belier.] C'est-à-dire, du Printemps.

IMIT. Vers 35. Mais l'Homme fans arrest, &c.] Horace, Liv. 1. Epitre I. vers 97.

Quid mea cùm pugnat fententia fecum ?
Quod petiit,fpernit: repetit, quod nuper omifit;
Efluat, & vita difconvenit ordine toto.

VERS 42.
Des Saints qu'a
celebrex Buffi?] Bussi, dans fon
Hiftoire Galante, raconte beau-
coup de galanteries trés-crimi-
nelles des Dames mariées de la
Cour. DES P.

Le Comte de Buff-Rabutin avoit fait un petit Livre, relié proprement en manière d'Heures, où au lieu des Images que l'on met dans les Livres de Prières, êtoient les portraits en mignature de quelques Hommes de la Cour, dont les Femmes êtoient foupçonnées de galanteries. Et, ce que dans la fuite il a lui-mê

me condamné, il avoit mis au bas de chaque portrait, un petit difcours en forme d'Oraifon ou de Prière, accommodée au fujet. Madame de Scuderi, veuve de George de Scuderi, Auteur du Poëme d'Alaric, laquelle mourut à Paris au commencement de 1711. voulut animer M. le Comte de Buff contre M. Defpréaux. C'eft à ce deffein qu'elle lui écrivit le 4. Août 1674. une Lettre, dans laquelle elle lui dit :

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Aimez-vous, Monfieur, que ,, Defpréaux ait nommé votre nom dans une de fes Satires à

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