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Amour est un étrange maître.
Heureux qui peut ne le connoître
Que par recit, lui ni fes coups!
Quand on en parle devant vous,
Si la verité vous offenfe,

La Fable au moins fe peut fouffrir.
Celle-ci prend bien l'affeurance
De venir à vos piés s'offrir,
Par zele & par reconnoiffance.

Du tems que les bêtes parloient
Les Lions entre autres vouloient
Etre admis dans nôtre alliance.
Pourquoy non? puifque leur engeance
Valoit la nôtre en ce tems-là,
Ayant courage, intelligence,
Et belle hure outre cela.
Voici comment il en alla.
Un Lion de haut parentage
En paffant par un certain pré,
Rencontra Bergere à fon gré.
Il la demande en mariage.
Le pere auroit fort souhaité.
Quelque gendre un peu moins terrible
La donner lui fembloit bien dur;
La refufer n'étoit pas fûr.
Même un refus eut fait poffible,
Qu'on eut veu quelque beau matin.
Un mariage clandeftin.

Car outre qu'en toute maniere
La belle étoit pour les gens fiers;
Fille fe coëffe volontiers
D'amoureux a longue criniere.
Le Pere donc ouvertement
N'ofant renvoyer nôtre amant,

Luy

Lui dit: Ma fille eft delicate;
Vos griffes la pourront bleffer
Quand vous voudrez la careffer.
Permettez donc qu'à chaque pate
On vous les rogne: & pour les dents,
Qu'on vous les lime en même-tems.
Vos baisers en feront moins rudes,
Et pour vous plus delicieux;
Car ma fille y répondra mieux
Etant fans ces inquietudes.
Le Lion confent à cela
Tant fon ame étoit aveuglée.
Sans dents ni griffes le voila
Comme place démantelée.
On lâcha fur luy quelques chiens,
Il fit fort peu de refiftence

Amour, amour, quand tu nous tiens,
On peut bien dire, Adieu prudence.

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H.Oausé

I I.

Le Berger & la Mer.
Drapport d'un troupeau dont il vivoit fans foins

Se contenta long-tems un voifin d'Amphitrite.
Si fa fortune étoit petite,

Elle étoit feure tout au moins.

A la fin les trefors déchargez fur la plage
Le tenterent fi bien qu'il vendit fon troupeau,
Trafiqua de l'argent, le mit entier fur l'eau,
Cét argent perit par naufrage.

Son maître fut reduit à garder les Brebis;
Non plus Berger en chef comme il étoit jadis,
Quand fes propres Moutons paiffoient fur le rivage;

Celuy

Celuy qui s'étoit veu Coridon ou Tircis

Fut Pierrot & rien davantage

Au bout de quelque-tems il fit quelques profits;
Racheta des bêtes à laine;

Et comme un jour les vents retenant leur haleine
Laiffoient paifiblement aborder les vaiffeaux;
Vous voulez de l'argent, 8 Mefdames les Eaux,
Dit-il, adreffez-vous, jé vous prie, à quelque-autre;
Ma foi vous n'aurez pas le nôtre.

Ceci n'eft pas un conte à plaifir inventé.
Je me fers de la verité

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Pour montrer par experience,

Qu'un fou quand il eft affeuré

Vaut mieux que cinq en efperance:
Qu'il fe faut contenter de fa condition;
Qu'aux confeils de la Mer & de l'Ambition

Nous devons fermer les oreilles.

Pour un qui s'en loüera, dix mille s'en plaindront.
La Mer promet monts & merveilles ;
Fiez-vous-y, les vents & les voleurs viendront.

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La Mouche & la Fourmi.

LA Molche & la Fourmi contestoient de leur prix.

O Jupiter! dit la premiere,
Faut-il que l'amour propre aveugle les efprits
D'une fi terrible maniere,

Qu'un vil & rampant animal

A la fille de l'air ofe fe dire égal?

Je hante les Palais : je m'affiez à ta table:
Si l'on t'immole un boeuf, j'en goûte devant toi:
Pendant que celle-ci chetive & miferable,

Vit trois jours d'un fétu qu'elle a traîné chez foi
Mais ma mignonne, dites-moi,

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