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Echo parlant quand bruit on mène,
Dessus rivière ou sur étang,

Qui beauté eut trop plus qu'humaine.

Mais où sont les neiges d'antan (de l'année dernière, a

Où est la très-sage Hélois,

Pour qui fut blessé et puis moine

Pierre Abélard, à Saint-Denis:

Pour son amour eut cet essoine (malheur).
Semblablement où est la reine

Qui commanda que Buridan
Fût jeté, en un sac, en Seine?
Mais où sont les neiges d'antan?
La reine Blanche comme un lys,
Qui chantait à voix de Sirène;
Berthe aux grands pieds, Biétrix, Allis,
Eremburges qui tint le Maine,
Et Jeanne, la bonne Lorraine;

Où sont-ils, Vierge souveraine?

Mais où sont les neiges d'antan?

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C'est en s'égarant dans les souvenirs familiers de sa jeur qu'il a trouvé par hasard les grandes et poétiques idées brièveté de la vie, de la fragilité de notre nature. Le poëte s'y arrête complaisamment, tout émerveillé de s couverte, et nous l'exprime avec l'émotion la plus v C'est ainsi qu'il sait, chose rare chez les poëtes inti s'élever du personnel au général, de ses misères à celle l'homme. On s'intéresse à lui d'autant plus que sa des n'est qu'une branche de la destinée commune. Nul ] n'avait encore tracé d'une main plus hardie le néant vie mortelle.

De pauvreté me gourmentant (plaignant)
Souventefois me dit le cœur :

Homme ne te doulouse tant,
Et ne démaine tel douleur,

Si tu n'as tant que Jacques Cœur :
Mieux vaut vivre, sous gros bureaux,

Pauvre, qu'avoir été seigneur,

Et pourir sous riches tombeaux.

Mon père est mort, Dieu en ait l'âme,

Quand est du corps, il gît sous lame (tombe).
J'entends que ma mère mourra;

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Et le sait bien, la pauvre femme;
Et son fils pas ne demourra.

Je connais que pauvres et riches,
Sages et fous, prêtres et lais,
Noble et vilain, larges et chiches,
Petits et grands, et beaux et laids,
Dames à rebrassés collets,
De quelconque condition,
Portants atours et bourrelets,
Mort saisit sans exception.
Et meure Pâris et Hélène,
Quiconque meurt, meurt à douleur.
Celui qui perd vent et haleine,
Son fiel se crève sur son cœur :
Puis sent Dieu sait quelle sueur!
Et n'est de ses maux qui l'allége;
Car enfants n'a, frère, ni sœur,
Qui lors voulût être son plége (caution).
La mort le fait frémir, pâlir,
Le nez courber, les veines tendre,
Le col enfler, la chair mollir,
Jointes et nerfs croître et étendre.
Corps féminin, qui tant es tendre,
Poli, suave, gracieux,

Te faudra-t-il ces maux attendre?
Oui, ou tout vif aller aux cieux.

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i ne pressent-on pas Bossuet, n'entrevoit-on pas «< ces bres lieux, ces demeures souterraines où dorment les nds de la terre, » ne devine-t-on pas déjà « cette chair change bientôt de nature, ce corps qui prend un autre 4, » qui ne garde pas même longtemps celui du cadavre devient un je ne sais quoi qui n'a plus de nom dans aute langue? » Le voilà ce corps féminin, si poli, si suave, gracieux, le voilà tel que nous l'ont fait le plus grand de orateurs et le plus vieux de nos poëtes populaires. Plus c'est avec le grand poëte Shakspere et la scène terrible fossoyeurs que Villon se rencontre, aux charniers des

ocents.

Quand je considère ces têtes
Entassées en ces charniers,
Tous furent maîtres des requêtes,
Ou tous de la chambre aux deniers,

Ou tous furent porte-paniers (porte-faix).
Autant puis l'un que l'autre dire :
Car d'évêques ou lanterniers
Je n'y connais rien à redire.
Et icelles qui s'inclinaient
Unes contre autres en leurs vies;
Desquelles les unes régnaient,
Des autres craintes et servies;
Là les vois, toutes assouvies
Ensemble en un temps pêle-mêle.
Seigneuries leur sont ravies :
Clerc ni maître ne s'y appelle.

Que manquait-il à cette poésie populaire du xv siècle déployait si hardiment ses voiles entre le monde de Bos et celui de Shakspere? La même chose précisément manquait à l'esprit du peuple. Une élévation morale fréquente, sinon plus haute, l'habitude des grands of et des affaires importantes: la richesse et la dignite peuple, longtemps couvé sous les ailes de l'Église, se s rait d'elle enfin pour vivre de sa propre vie. Mais qu'il faible et grossier encore! L'incapacité des Valois, leurs v les fléaux de la guerre, l'invasion des conquérants ang le laissèrent longtemps aux prises avec les besoins mate et moraux de la vie. Dégradé par l'esclavage et la mi il ne pouvait lever vers le ciel un mâle et libre vis Mais voici qu'une révélation nouvelle va luire sur le fro l'affranchi. La noble et sainte antiquité, sortie peu à peu cloîtres et des manuscrits, grandie en Italie sous Da Pétrarque et Boccace, multipliée par le divin bienfai l'imprimerie, va mettre ce peuple appauvri en possession toutes les richesses des anciens âges. L'humanité, à l'Évangile a enseigné de nouvelles vertus, va rentrer en session de l'héritage du paganisme, et réunir dans un lit tous les flots épars de la tradition.

Le XIVe siècle est une grande et triste époque : l'Eu s'ébranle et se divise alors comme à la chute de l'emp Au xive et au XVe siècle un grand empire aussi s'écroule moyen âge avait réalisé jusqu'à un certain point l'ambitie mais admirable pensée de ses pontifes, celle d'une vaste

iété spirituelle. Cette nouvelle monarchie succédant à l'emire romain, mais plus vaste que lui, plus pure par son rincipe, puisqu'elle reposait sur la conviction et non sur la rce, cette inmense patrie qu'avait créée l'Église, et qui ossédait une langue, des mœurs, une administration, une érarchie et avant tout une foi commune, cette puissante ganisation allait s'anéantir. Chaque peuple reprenait sa vie rsonnelle et indépendante. Déjà l'Italie s'est détachée de mitation et du langage des troubadours, elle s'est affirmée le-même par la voix puissante de Dante. L'Espagne trouve ez elle son héros, et sa poésie grandit à l'ombre majeseuse du Cid. L'Angleterre cesse enfin avec Chaucer de rler la langue de ses conquérants, et les guerres des Valois inchent durement les deux nationalités. L'Allemagne va entôt avoir son pape, sa bible et sa chaire. Tout se dissout, ut s'isole. Mais cette fin d'un monde n'est que l'aurore d'un onde nouveau. L'unité du moyen âge se brise, mais pour refaire un jour sur une base plus large. La société nouIle aura pour tâche d'admettre dans son sein et de pacifier as les contrastes de pensée et de race. Le monde doit marer par les voies de la liberté vers l'unité moderne, celle de vérité reconnue et acclamée par la raison.

TROISIÈME PÉRIODE.

LA RENAISSANCE.

CHAPITRE XXII.

LA RENAISSANCE AU XVI SIÈCLE.

DIFFICULTÉ QUE PRÉSENTAIT EN FRANCE LE PROBLÈME DE LA REN INFLUENCE DE L'ITALIE. ÉTUDE DE L'ANTIQUITÉ; INV

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SANCE.
TION DE L'IMPRIMERIE; COLLÈGE DE FRANCE,

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Difficulté que présentait en France le problème de la Renaissance.

La Renaissance du xvr siècle ne fut pas, comme on po rait le croire, une reproduction servile de l'antiquité, m bien une fusion harmonieuse des éléments de la civilisat chrétienne avec les traditions du goût et du savoir antiqu L'Italie fut le confluent où les deux courants se joignire Dante, Pétrarque, Boccace, ces conquérants infatigables richesses du passé, semblèrent ne se proposer dans le œuvres en langue vulgaire que de transformer les ru matériaux de notre moyen âge. Ils imprimèrent le caract de la beauté, l'un aux pieuses légendes de nos trouvèr l'autre aux chants de nos troubadours, le troisième s'e para de nos fabliaux qu'il revêtit de sa prose brillante périodique. L'Arioste conserva, dans son Roland furieux, matière chevaleresque de nos chansons épiques. Il ado le plan irrégulier, l'allure indépendante et capricieuse chantres populaires de l'Italie; mais la poésie antique comme le sang généreux qui circule dans ce corps tout m derne. Elle s'y manifeste par la perfection du style et p l'emprunt continuel des expressions et des images clas ques. Le Tasse arriva au même but par une route tout o

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