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Jette un cri; les petits aussitôt d'accourir,

Et de s'élancer vers la mère,

En cherchant dans son sein leur retraite ordinaire.
La poche s'ouvre, les petits

En un instant y sont blottis,

Ils disparaissent tous; la mère avec vitesse
S'enfuit emportant sa richesse.

La Péruvienne alors dit à l'enfant surpris:
Si jamais le sort t'est contraire,
Souviens-toi du sarigue, imite-le, mon fils:
L'asile le plus sûr est le sein d'une mère.

Un enfant doit confier à sa mère ses chagrins et ses inquiétudes.

FLORIAN.

FABLE XXVIII.

LE LOUP ET L'AGNEAU.

La raison du plus fort est toujours la meilleure;
Nous l'allons montrer tout à l'heure.

Un agneau se désaltérait –

- Dans le courant d'une onde pure.

Un loup survient à jeun, qui cherchait aventure
Et que la faim en ces lieux attirait.

Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage?
Dit cet animal plein de rage:

Tu seras châtié de ta témérité.

Sire, répond l'agneau, que votre majesté

Ne se mette pas en colère :
Mais plutôt qu'elle considère
Que je vas me désaltérant

Dans le courant,

Plus de vingt pas au-dessous d'elle;
Et que, par conséquent, en aucune façon,
Je ne puis troubler sa boisson.
Tu la troubles! reprit cette bête cruelle;
Et je sais que de moi tu médis l'an passé.
Comment l'aurais-je fait si je n'étais pas né?
Reprit l'agneau; je tette encore ma mère.
Si ce n'est toi, c'est donc ton frère.

-

Je n'en ai point.

C'est donc quelqu'un des tiens;

Car vous ne m'épargnez guère,

Vous, vos bergers, et vos chiens.

On me l'a dit : il faut que je me venge.
Là-dessus au fond des forêts

Le loup l'emporte et puis le mange,
Sans autre forme de procès.

Les méchants abusent de leur force pour écraser ceux qui sont

vertueux, mais faibles.

LA FONTAINE.

FABLE XXIX.

LE LOUP, LA CHÈVRE ET LE CHEVREAU.

La bique allant remplir sa trainante mamelle,
Et paître l'herbe nouvelle,

Ferma sa porte au loquet,

Non sans dire, à son biquet: 2
Gardez-vous, sur votre vie,
D'ouvrir, que l'on ne vous die,
Pour enseigne et mot du guet,
Foin du loup et de sa race!
Comme elle disait ces mots,
Le loup, de fortune, passe;
Il les recueille à propos,
Et les garde en sa mémoire.
La bique, comme on peut croire,
N'avait pas vu le glouton.

Dès qu'il la voit partie, il contrefait son ton,
Et d'une voix papelarde,*

Il demande qu'on ouvre, en disant : Foin du loup !
Et croyant entrer tout d'un coup.

Le biquet soupçonneux par la fente regarde :
Montrez-moi patte blanche, ou je n'ouvrirai point,
S'écria-t-il d'abord. Patte blanche est un point

Chez les loups, comme on sait, rarement en usage.
Celui-ci, fort surpris d'entendre ce langage,

(1) Nom qu'on donne à la chèvre. (2) Chevreau. (3) Par hasard. (4) Douce et contrefaite.

Comme il était venu s'en retourna chez soi.
Où serait le biquet s'il eût ajouté foi
Au mot du guet, que de fortune,1
Notre loup avait entendu ?

Deux sûretés valent mieux qu'une;

Et le trop en cela ne fut jamais perdu.

LA FONTAINE.

FABLE XXX.

L'ENFANT ET LA RAQUETTE.

Un enfant, joli comme un cœur,
Récitait, à trois ans, plusieurs fables par cœur,
Savait son catéchisme, et commençait à lire.
Je n'ai pas besoin de dire

Que de sa mère il était le bijou,
Et que, sans le gâter, son père en était fou.
Trop s'appliquer nuit à l'enfance,

Il lui faut de l'amusement.

La mère le sentit. On achète un volant,
On le donne au petit comme une récompense
Du devoir fait diligemment.

L'enfant, armé de sa raquette,

Ne s'occupe plus que du jeu ;
Pour son volant il est tout feu :

Dix fois par jour, en public, en cachette,
Il s'exerce; c'est là son unique recette.
De catéchisme, point; de lecture, très-peu.
Tant il fut procédé, qu'enfin la chère bonne
Va dire à la maman que le petit garçon,
Au lieu d'apprendre sa leçon,

Malgré sa remontrance, u jeu seul s'abandonne.
La mère fait venir l'enfant,

Lui reproche ses torts, et reprend le volant :
Mon fils, je veux bien qu'on s'amuse;

Mais quand de mes bontés je vois que l'on abuse,
Je sais comment il faut punir.

(1) Par hasard,

Du volant enlevé perdez le souvenir;

Croyez-vous qu'en jouant on acquiert la science?
Je ne saurais, mon fils, trop vous le répéter,
Le jeu, pour les enfants, est une récompense,
Et c'est par le travail qu'on doit la mériter.

Le petit mis en pénitence,

Prouve, les yeux en pleurs, le cœur plein de soupirs,
Que souvent nos chagrins naissent de nos plaisirs.

Quand on joue trop, le jeu cause du chagrin.

L'abbé CLÉMENT.

FABLE XXXI.

LA MORT ET LE BUCHERON.

Un pauvre bûcheron, tout couvert de ramée,'
Sous le fai du fagot aussi bien que des ans —
Gémissant et courbé, marchait à pas pesants
Et tåchait de gagner sa chaumine enfumée.
Enfin n'en pouvant plus d'efforts et de douleur,
Il met bas son fagot, il songe à son malheur.
Quel plaisir a-t-il eu depuis qu'il est au monde'
En est-il un plus pauvre en la machine ronde ? '
Point de pain quelquefois, et jamais de repos :
Sa femme, ses enfants, les soldats, les impôts,
Le créancier, et la corvée,*

Lui font d'un malheureux la peinture achevée
Il appelle la Mort. Elle vient sans tarder,
Lui demande ce qu'il faut faire.

- C'est, dit-il, afin de m'aider..

A recharger ce bois, tu ne tarderas guère

Le trépas vient tout guérir;

Mais ne bougeons d'où nous sommes :
PLUTOT SOUFFRIR QUE MOURIR,

C'est la devise des hommes.

LA FONTAINE,

(1) Branchage. (2) Fardeau. (3) La terre qui est ronde. (4) Tra

rail forcé, imposé jadis aux paysans.

FABLE XXXII.

LE CHÊNE ET L'ARBRISSEAU.

Un jeune enfant avec son père
Se promenait dans un jardin,
Et ne songeait qu'à se distraire
De l'ennui qu'il avait essuyé le matin,
Tout en feuilletant sa grammaire,
Lorsqu'ils trouvèrent en chemin
Un arbrisseau, dont la tempête
Avait courbé la tige et fait plier la tête,
En forme à peu près de berceau
A cet aspect, le sage père,
Voulant à son cher jouvenceau

Donner un avis salutaire :

Mon fils, dit-il, prenez cet arbrisseau,
Et rétablissez-le dans sa forme première.
Volontiers, papa, dit l'enfant.

Aussitôt il le prend, et sans beaucoup de peine
Il le redresse au même instant.

Fort bien, dit le Mentor, mais voyez-vous ce chêne
Que son poids vers le sol entraine?

Quoique déjà fort avancé,

Il aurait bien besoin d'être un peu redressé :
Allez lui rendre ce service.

Oh! oh! dit l'enfant en riant,
Papa, pour moi quel exercice!
Je le tenterais vainement :
Mon bras est un peu trop novice;

Je m'en serais chargé fort aisément,

Lorsque cet arbre était encor dans son enfance;
Mais de le redresser ce n'est plus la saison,

Et le bras même de Samson'

Ne vaincrait pas sa résistance.

Oui, mon fils, vous avez raison,

Reprit alors le père, et cette expérience

(1) Homme d'une force extraordinaire, dont il est parlé dans I'IIistoire sainte.

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