FABLE XXI. LE CHAMEAU ET LES BATONS FLOTTANTS. Le premier qui vit un chameau Quand ce vient à la continue." Et puisque nous voici tombés sur ce sujet : Qui voyant sur les eaux de loin certain objet, Que c'était un puissant navire ; Et puis nacelle, et puis ballot, J'en sais beaucoup de par le monde A qui ceci conviendrait bien : De loin, c'est quelque chose; et de près, ce n'est rien. LA FONTAINE FABLE XXII. L'ENFANT ET LE MIROIR. Un enfant élevé dans un pauvre village, D'abord il aima son image; Et puis par un travers bien digne d'un enfant, Et même d'un être plus grand, Il veut outrager ce qu'il aime, (1) L'habitude. (2) Quand nous le voyons continuellement. Lui fait une grimace, et le miroir la rend. Il lui montre un poing menaçant; Il se voit menacé de même. Notre marmot fâché s'en vient, en frémissant, Il se fait mal aux mains. Sa colère en augmente; Le voilà devant ce miroir, Criant, pleurant, frappant la glace. Oui. Regarde à présent: tu souris, il sourit ; Tu tends vers lui les bras, il te les tend de même ; Tu n'es plus en colère, il ne se fâche plus : De la société tu vois ici l'emblême ; Le bien, le mal, nous sont rendus. FLORIAN. FABLE XXIII. LE LABOUREUR ET SON FILS. Un laboureur avait acquis Quelques arpents d'une terre stérile : Otez en, dit-il à son fils, Les ronces, les chardons, et toute herbe inutile: Je n'en viendrai jamais à bout; L'aridité règne partout. Il me faudrait un siècle et même davantage. Il ne fait pas le moindre effort; Le lendemain son père lui demande S'il a bien travaillé. Non, la tâche est trop grande; Je n'ai pas commencé. Le sage laboureur Lui dit avec douceur : Vous comprenez mal ma pensée; Pourquoi m'attribuer une idée insensée ? Il ne s'agit que de ce petit coin. L'ouvrage n'est pas long, ne vous rebutez point. Son fils, plein d'ardeur et de joie, Sans perdre un seul moment, prend la bêche et s'emploie Le jour suivant tâche nouvelle ; Ainsi de suite: il redouble son zèle; Tout le mauvais est arraché : Ce terrain si stérile est bientôt défriché. девним Ne commencez un long duvrage Qu'après en avoir fait sagement le partage. En divisant un long travail, on en vient toujours à bout. BARBE. FABLE XXIV. LA BREBIS ET LE CHIEN. La brebis et le chien, de tous les temps amis, Moi qui tous les ans les habille, Qui leur donne du lait et qui fume leurs champs, Leurs confrères les loups dévorent ce qui reste. Travailler pour eux seuls, et mourir par leurs mains, Il est vrai, dit le chien: mais crois-tu plus heureux Va, ma sœur, il vaut encore mieux Souffrir le mal que de le faire. FLORIAN. FABLE XXV. LE CHAMEAU ET LE BOSSU. Au son du fifre et du tambour, Il était fraichement arrivé de Tunis,1 Pour le voir de plus près lui fermaient le passage. Un magistrat aimait son maintien grave, Ne cessait d'applaudir à sa sobriété. Un bossu vint, qui dit ensuite : Messieurs, voilà bien des propos ; Mais vous ne parlez pas de son plus grand mérite; Cette gracieuse éminence ; Qu'il paraît léger sous ce poids! Et de noblesse et d'élégance! En riant du bossu nous faisons comme lui; LE BAILLY. FABLE XXVI. LE LABOUREUR ET SES ENFANTS. Travaillez, prenez de la peine : C'est le fonds qui manque le moins Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine, (1) Ville d'Afrique. Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins. Un trésor est caché dedans. Je ne sais pas l'endroit : mais un peu de courage Le père mort, les fils vous retournent le champ, D'argent, point de caché. Mais le père fut sage Que le travail est un trésor. LA FONTAINE. FABLE XXVII. LA MÈRE, L'ENFANT ET LES SARIGUES.2 Maman, disait un jour à la plus tendre mère Il ressemble au renard. Mon fils, répondit-elle. Nulle mère pour ses enfants N'eut jamais plus d'amour, plus de soins vigilants. Et lui fit près de l'estomac Une poche profonde, une espèce de sac, Où ses petits, quand un danger les presse, Fais du bruit, tu verras ce qu'ils vont devenir. (1) Pour dès qu'on aura moissonné (2) Espèce de renard du Pérou, contrée de l'Ouest de l'Amérique-Méridionale. (3) Un enfant né au Pérou. |