FABLE XXV. LE CHAMEAU ET LE BOSSU. Au son du fifre et du tambour, Il était fraichement arrivé de Tunis,' Et mille curieux, en cercle réunis, Pour le voir de plus près lui fermaient le passage. Un magistrat aimait son maintien grave, Ne cessait d'applaudir à sa sobriété. Un bossu vint, qui dit ensuite : - Messieurs, voilà bien des propos; Mais vous ne parlez pas de son plus grand mérite; Cette gracieuse éminence; Qu'il paraît léger sous ce poids! En riant du bossu nous faisons comme lui; LE BAILLY. FABLE XXVI. LE LABOUREUR ET SES ENFANTS. Travaillez, prenez de la peine : C'est le fonds qui manque le moins Un riche laboureur, sentant sa mort prochaine, (1) Ville d'Afrique. Fit venir ses enfants, leur parla sans témoins. Un trésor est caché dedans. Je ne sais pas l'endroit: mais un peu de courage Le père mort, les fils vous retournent le champ, D'argent, point de caché. Mais le père fut sage Que le travail est un trésor. LA FONTAINE. FABLE XXVII. LA MÈRE, L'ENFANT ET LES SARIGUES.2 3 Maman, disait un jour à la plus tendre mère Il ressemble au renard. Mon fils, répondit-elle. Nulle mère pour ses enfants N'eut jamais plus d'amour, plus de soins vigilants. Et lui fit près de l'estomac Une poche profonde, une espèce de sac, Où ses petits, quand un danger les presse, Fais du bruit, tu verras ce qu'ils vont devenir. (1) Pour dès qu'on aura moissonné (2) Espèce de renard du Pérou, contrée de l'Ouest de l'Amérique-Méridionale. (3) Un enfant né au Pérou. Jette un cri; les petits aussitôt d'accourir, Et de s'élancer vers la mère, En cherchant dans son sein leur retraite ordinaire. En un instant y sont blottis, Ils disparaissent tous; la mère avec vitesse La Péruvienne alors dit à l'enfant surpris: Un enfant doit confier à sa mère ses chagrins et ses inquiétudes. FLORIAN. FABLE XXVIII. LE LOUP ET L'AGNEAU. La raison du plus fort est toujours la meilleure; Un agneau se désaltérait -Dans le courant d'une onde pure. Un loup survient à jeun, qui cherchait aventure Qui te rend si hardi de troubler mon breuvage? Tu seras châtié de ta témérité. Sire, répond l'agneau, que votre majesté A Ne se mette pas en colère : Mais plutôt qu'elle considère Dans le courant, Plus de vingt pas au-dessous d'elle; Tu la troubles! reprit cette bête cruelle ; Si ce n'est toi, c'est donc ton frère. Je n'en ai point. C'est donc quelqu'un des tiens; Car vous ne m'épargnez guère, Vous, vos bergers, et vos chiens. On me l'a dit : il faut que je me venge. Là-dessus au fond des forêts Le loup l'emporte et puis le mange, Les méchants abusent de leur force pour écraser ceux qui sont vertueux, mais faibles. LA FONTAINE. FABLE XXIX. LE LOUP, LA CHÈVRE ET LE CHEVREAU. La bique1 allant remplir sa trainante mamelle, Non sans dire, à son biquet : 2 N'avait pas vu le glouton. Dès qu'il la voit partie, il contrefait son ton, Il demande qu'on ouvre, en disant : Foin du loup! Le biquet soupçonneux par la fente regarde : (1) Nom qu'on donne à la chèvre. (2) Chevreau. (3) Par hasard. (4) Douce et contrefaite. Comme il était venu s'en retourna chez soi. Au mot du guet, que de fortune,1 Deux sûretés valent mieux qu'une; Et le trop en cela ne fut jamais perdu. LA FONTAINE. FABLE XXX. L'ENFANT ET LA RAQUETTE. Un enfant, joli comme un cœur, Que de sa mère il était le bijou, Il lui faut de l'amusement. La mère le sentit. On achète un volant, L'enfant, armé de sa raquette, Dix fois par jour, en public, en cachette, Malgré sa remontrance, u jeu seul s'abandonne. Lui reproche ses torts, et reprend le volant: Mais quand de mes bontés je vois que l'on abuse, (1) Par hasard, |