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Vit aux dépens de celui qui l'écoute :
Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute ?

Le corbeau, honteux et confus,

Jura, mais un peu tard, qu'on ne l'y prendrait plus.

Il ne faut jamais écouter ceux qui vous flattent. LA FONTAINE.

FABLE V.

LA GRENOUILLE QUI VEUT SE FAIRE AUSSI GROSSE
QUE LE BŒUF.

Une grenouille vit un bœuf

Qui lui sembla de belle taille.

Elle, qui n'était pas grosse en tout comme un œuf,
Envieuse, s'étend, et s'enfle, et se travaille,

Pour égaler l'animal en grosseur;

Disant regardez bien, ma sœur,

:

Est-ce assez dites-moi; n'y suis-je point encore ?

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M'y voilà ?

La chétive pécore'

S'enfla si bien qu'elle creva.

Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages;
Tout hourgeois veut bâtir comme les grands seigneurs ;
Tout petit prince a des ambassadeurs;

Tout marquis veut avoir des pages.

On ne doit point chercher à s'élever au-dessus des gens de son LA FONTAINE.

élal.

FABLE VI.

LES DEUX MULETS.

Deux mulets cheminaient, l'un d'avoine chargé,

L'autre portant l'argent de la gabelle'

Celui-ci, glorieux d'une charge si belle,

A) Sotte, stupide.

(2) Impôt perçu sur le sel.

N'eut voulu pour beaucoup en être soulage.
Il marchait d'un pas relevé,

Et faisait sonner sa sonnette :
Quand l'ennemi se présentant,
Comme il en voulait à l'argent,
Sur le mulet du fisc1 une troupe se jette,
Le saisit au frein, et l'arrête.

Le mulet, en se défendant,

Se sent percé de coups; il gémit, il soupire :

Est-ce donc là, dit-il, ce qu'on m'avait promis
Ce mulet qui me suit du danger se retire:

Et moi, j'y tombe. et je péris!

Ami, lui dit son camarade,

Il n'est pas toujours bon d'avoir un haut emploi.
Si tu n'avais servi qu'un meunier, comme moi,
Tu ne serais pas si malade.

On court moins de dangers dans une position humble, que dans LA FONTAINE. un rang élevé.

FABLE VII

LA GUENON, LE SINGE ET LA NOIX.

Une jeune guenon cueillit

Une noix dans sa coque verte;

Elle y porte la dent, fait la grimace...

Dit-elle, ma mère mentit

Ah! certe,

Quand elle m'assura que les noix étaient bonnes.
Puis, croyez aux discours de ces vieilles personnes
Qui trompent la jeunesse ! A d'autres soit le fruit!
Elle jette la noix. Un singe la ramasse ;

Vite entre deux cailloux la casse,

L'épluche, la mange, et lui dit :

Votre mère eut raison, ma mie,

Les noix ont fort bon goût, mais il faut les ouvrir;
Souvenez-vous que, dans la vie,

Sans un peu de travail on n'a point de plaisir.

(1) Trésor public.

FLORIAN.

FABLE VIII.

LE PAON, LES DEUX OISONS ET LE PLONGEON.

Un paon faisait la roue, et les autres oiseaux
Admiraient son brillant plumage.

Deux oisons nasillards du fond d'un marécage
Ne remarquaient que ses défauts.

Regarde, disait l'un, comme sa jambe est faite,
Comme ses pieds sont plats, hideux.
Et son cri, disait l'autre, est si mélodieux,
Qu'il fait fuir jusqu'à la chouette.
Chacun riait alors du mot qu'il avait dit.

Tout à coup un plongeon sortit :

Messieurs, leur cria-t-il, vous voyez d'une lieue

Ce qui manque à ce paon : c'est bien voir, j'en conviens :
Mais votre chant, vos pieds, sont plus laids que les siens,
Et vous n'aurez jamais sa queue.

Les railleurs valent souvent moins que ceux dont ils se moquent.
FLORIAN.

FABLE IX.

LE CHEVAL ET LE TAUREAU.

Un cheval vigoureux, monté par un enfant,
Semblait s'en amuser au milieu d'une plaine,
Tantôt effleurant l'herbe à peine,

Tantôt sautant, caracolant.

Quoi! lui dit un Taureau, mugissant de colère,
Un écuyer pareil te gouverne à son gré!

Comment n'en être pas outré !

Va, fais-lui mordre la poussière.

-

Moi, répond le noble coursier,

Ce serait là vraiment un bel exploit de guerre !

Aurais-je à me glorifier

De jeter un enfant par terre?

Il n'y a point de gloire à renverser un faible ennemi. LE BAILLY

FABLE X.

LE RENARD ET LES RAISINS.

Certain renard gascon, d'autres disent normand,
Mourant presque de faim, vit au haut d'une treille
Des raisins, mùrs apparemment,

Et couverts d'une peau vermeille.

Le galant en eût fait volontiers un repas,
Mais comme il n'y pouvait atteindre :

Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats.
Fit-il pas mieux que de se plaindre ?

Souvent on fait semblant de mépriser les choses qu'on voudrait bien avoir, mais qu'on ne peut obtenir. LA FONTAINE.

FABLE XI.

L'ANE SANS OREILLES.

Un Ane, je ne sais comment,
Qui se fit volontairement

Couper ses deux longues oreilles,

Est depuis ce moment un être tout nouveau:
Il s'aime, il se pavane et se trouve si beau,
Qu'il se mire dans chaque ruisseau :

Bref, notre Ane se croit une des sept merveilles.
Eh bien! dit-il à son ami Médor,

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J'ai quitté ma sotte coiffure ;

Me voilà comme toi: peut-on me dire encor

Qu'une difformité dépare ma figure ?

Toi-même, là, sois franc, ne suis-je donc pas bien !

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Tu n'as qu'un défaut. Et lequel? C'est de braire.

Des grâces de ton corps ton chant détruit l'effet,

Et si tu peux te résoudre à te taire,

Tu seras un Ane parfait.

Quand on a peu d'esprit et peu de science, il faut du moins

savoir se taire

VERNEUIL.

FABLE XII

LA CIGALE ET LA FOURMI.

La cigale ayant chanté
Tout l'été,

Se trouva fort dépourvue'
Quand la bise fut venue :
Pas un seul petit morceau
De mouche ou de vermisseau!
Elle alla crier famine

Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle
Je vous pairai, lui dit-elle.
Avant l'out, foi d'animal,
Intérêt et principal.*

La fourmi n'est pas prêteuse,

C'est là son moindre défaut :

Que faisiez-vous au temps chaud}

Dit-elle à cette emprunteuse.

Nuit et jour à tout venant

Je chantais, ne vous déplaise.

Vous chantiez, j'en suis fort aise.

Eh bien dansez maintenant.

Quand on perd le temps dans sa jeunesse, on meurt de faim dans sa vieillesse.

LA FONTAINE.

FABLE XIII.

LE LION ET LE RAT.

Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.

(1) Manquait de nourriture. (2) Le vent du nord, pour désigner l'hiver. (3) Août. (4) Le capital et l'intérêt. (5) Sans cesse.

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