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4. La bonne manière pour faire les gestes, c'est.de remarquer ceux qu'on fait sans y penser, en causant; puis, quand on a un morceau de prose ou de poésie à déclamer, on se demande : « Si je disais cela en cau » sant, comment ferais-je ? Comment ai-je vu faire? Dès que l'on peut parvenir à régler ainsi ses gestes, on est sûr qu'ils sont bons; parce qu'ils sont simples et naturels.

5. Dans les fables ce sont presque toujours des animaux que l'on fait parler; mais il faut faire les gestes comme si les mêmes choses étaient dites par des hommes. Ainsi quand c'est un animal méchant et sauvage qui parle, la personne qui déclame, prend la tournure et fait les gestes d'un homme méchant et fier; si au contraire c'est un animal faible et craintif, on prend le ton et les gestes d'un homme doux et timide : quand c'est un animal rusé, comme le renard, on prend l'air et les manières d'un homme fourbe et adroit; pour un animal sot et lourd comme l'âne, on imite, par la voix, le maintien et le geste, un homme stupide et ignorant.

6. On observe les mêmes règles quand on fait parler les plantes ou des objets quelconques on doit toujours supposer que ce sont des personnes véritables qui parlent, et prendre le ton et le geste convenables, comme pour les animaux.

QUESTIONS.

2. Quels défauts faut-il 3. Les gestes doi

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1. Qu'est-ce que faire des gestes? éviter dans le maintien et dans les gestes? vent-ils être toujours les mêmes? 4. Quelle est la bonne manière pour apprendre à faire des gestes simples et naturels ? 5. Comment faut-il faire les gestes quand ce sont les animaux que l'on fait parler? 6. Quand on fait parler des plantes ou un autre objet, comment fait-on les gestes ?

XII.

DE LA CONVERSATION.

1. Il y a beaucoup de rapports entre la conversation et la lecture à haute voix ou déclamation. Pour déclamer, il faut imiter souvent le ton de la conversation des personnes qui parlent bien, et réciproquement il faut observer dans la conversation les règles de la lecture à haute voix, c'est-à-dire, prononcer avec soin toutes les syllabes et bien lier les mots entr'eux. Il faut aussi, quand on raconte quelque chose en société, prendre le ton de voix convenable au sujet dont on parle.

2. Dans la conversation, comme dans la déclamation, on doit chercher à se faire comprendre facilement de ceux qui écoutent et s'efforcer de leur plaire, en s'exprimant d'une manière agréable. Ainsi il ne faut point parler trop vite ni trop lentement; il ne faut pas crier, mais il faut parler assez haut pour se faire bien entendre; on ne doit pas rester immobile comme un morceau de bois, mais il faut éviter dans les gestes les défauts indiqués ci-dessus pour la déclamation. Enfin dans la conversation comme dans la déclamation, on doit éviter également tout ce qui annoncerait dans le ton, le geste et le maintien, de l'affectation ou de la négligence.

QUESTIONS.

1. Quel rapport y a-t-il entre la conversation et la déclamation ?

2. Quels sont les défauts à éviter dans la conversation, pour le ton de voix, le maintien et les gestes?

VIE DE LA FONTAINE.

JEAN DE LA FONTAINE naquit le 8 juillet 1621, à Château-Thierry. Son père, issu d'une ancienne famille bourgeoise, y exerçait la charge de maître particulier des eaux et forêts; et sa mère, Françoise Pidoux, était fille du bailli de Coulommiers.

Son éducation ne fut ni brillante, ni secondée des soins qui font éclore les talents. Des maitres de campagne, auxquels elle fut confiée, ne lui apprirent qu'un peu de latin. C'est tout ce qu'il dut aux premières instructions de sa jeunesse. A l'âge de 19 ans, il entra chez les Pères de l'Oratoire; mais son caractère, ennemi d tout assujettissement, ne put se plier à la règle : il en sortit dixmois après.

La Fontaine ignorait encore à 22 ans ses rares talents pour la poésie. Une rencontre imprévue en fit tout à coup germer l'amour dans son âme. On lut un jour devant lui la belle ode de Malherbe sur l'assassinat de Henri IV. Cette ode lue et déclamée avec feu transporta La Fontaine, et, dès ce moment, il se reconnut poète. Un de ses parents ayant vu ses premiers essais, l'encouragea, joignit les conseils aux louanges, et lui fit lire les meilleurs auteurs anciens et modernes, français et étrangers.

Malgré la répugnance de La Fontaine pour toute espèce d'enga gement, il s'était déterminé, par complaisance pour ses parents, à épouser Marie Héricard, fille du lieutenant général de La Ferté Milon, patrie du grand Racine, dont il fut toujours l'ami. Sa femme joignait à un extérieur agréable beaucoup d'esprit : qualités qui la rendaient estimable aux yeux mêmes de son mari. Toutefois l'attrait de La Fontaine pour la capitale, et son loignement pour tout ce qui sentait la gêne, ne lui permirent pas de vivre longtemps en ménage.

La fameuse duchesse de Bouillon, nièce du cardinal Mazarin, exilée à Château-Thierry, avait connu La Fontaine. Rappelée à

Paris, elle s'y fit accompagner par notre poěte. Comme il avait un de ses parents auprès de Fouquet, la maison du surintendant lui fut ouverte, et il en obtint une pension pour laquelle il présentait à chaque quartier une quittance poétique. Après la disgrâce de son bienfaiteur, La Fontaine entra, en qualité de gentilhomme, au service de la célèbre Henriette d'Angleterre, première femme de Monsieur. La mort lui ayant enlevé cette princesse, il trouva de généreux protecteurs dans Monsieur le prince, dans le prince de Conti, le duc de Vendôme, et le duc de Bourgogne. Les duchesses de Bourbon et de Mazarin furent aussi du nombre de ses bienfaitrices; et l'ingénieuse La Sablière le retira chez elle, et se chargea de pourvoir à ses besoins.

Attaché à Paris par les agréments qu'il y trouvait, et par ses liaisons avec les plus beaux esprits de son siècle, La Fontaine allait néanmoins tous les ans, au mois de septembre, rendre visite à sa femme. A chaque voyage, il vendait une portion de son bien, sans s'inquiéter de l'avenir. Cette apathie qui coûtait tant d'efforts aux anciens philosophes, il l'avait comme naturellement, et il la portait jusqu'à l'oubli de lui-même et des objets qui le regardaient de plus près. En voici une preuve. Il avait eu en 1660 un fils qu'il garda fort peu de temps auprès de lui. M. de Harlay, depuis premier président, l'avait adopté, et s'était chargé de son éducation et de sa fortune. Il y avait déjà plusieurs années que La Fontaine l'avait perdu de vue, lorsqu'on les fit rencontrer dans une maison où l'on voulait jouir du plaisir de la surprise du père. La Fontaine en effet ne se douta point que ce fût son fils. Il l'entendit parler, et témoigna à la compagnie qu'il lui trouvait de l'esprit, et de très-bonnes dispositions. On saisit ce moment pour lui dire que c'était son fils; mais sans être plus ému: Ah ! répondit-il, j'en suis bien aise. Cette indifférence allait en lui jusqu'à l'insensibilité. Un jour, Mme de Bouillon, allant à Versailles, le rencontra le matin qui rêvait seul sous un arbre du Cours. Le soir, en revenant, elle le retrouva dans le même endroit et dans la même attitude, quoiqu'il fit très-froid, et qu'il n'eût cessé de pleuvoir toute la journée.

La Fontaine s'enthousiasmait des beaux traits qui l'avaient une fois frappé. Il y rêvait, il en parlait sans cesse. Racine le mena un jour aux Ténèbres, et s'apercevant que l'office lui paraissait long, il lui donna, pour l'occuper, un volume de la Bible qui contenait les petits prophètes. Il tomba par hasard sur la prière des Juifs dans Baruch; et ne pouvant se lasser de l'admirer, il se tourna tout à coup vers Racine: Qui était ce Baruch? lui dit-il;

savez-vous que c'était un beau génie? Pendant plusieurs jours, il fut continuellement occupé de Baruch, et lorsqu'il rencontrait dans la rue quelques personnes de sa connaissance, après les compliments ordinaires, il élevait la voix pour dire: Avez-vous lu Baruch C'était un grand génie.

Le même esprit de simplicité, de candeur et de naïveté, que nous admirons dans les Fables du bon La Fontaine, le caractérisait lui-même, et jamais auteur ne s'est mieux peint dans ses livres. Il était plein de probité et de droiture, doux, ingénu, naturel, sincère, facile, sans ambition, sans fiel, prenant tout en bonne part, et, ce qui est plus rare, estimant les auteurs de son siècle avec lesquels il était lié, et rendant hommage à leurs talents. Il parlait peu; et, toujours plongé dans quelque méditation, il avait l'air distrait et comme absorbé, ne sachant souvent ni ce qu'on disait dans une conversation, ni ce qu'il y disait lui-même, à moins qu'il ne se trouvât familièrement à table avec des personnes de sa connaissance, et qu'on y traitât de quelque sujet agréable et de son goût: alors sa contenance et les traits de sa physionomie, qui, dans toute autre occasion, n'annonçaient rien moins qu'un homme d'esprit, se paraient des grâces de son génie; ses yeux s'animaient; il disait tout ce qu'il voulait, et le disait si bien qu'il enchantait les oreilles les plus délicates. C'est à ces instants agréables, dont il ne s'est jamais aperçu lui-même, qu'il devait l'empressement qu'ont eu les personnes les plus distinguées de la cour et de la ville de jouir de sa conversation et de l'admettre à leur table. Mais d'après l'esquisse que nous avons donnée de son caractère, on pense bien qu'il ne procurait pas indifféremment partout la même satisfaction; témoin l'aventure rapportée par Vigneul de Marville.

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Trois de complot, dit-il, par le moyen d'un quatrième qui avait quelque habitude auprès de cet homme rare, nous l'attirâmes dans un petit coin de la ville, à une maison consacrée aux muses, où nous lui donnâmes un repas, pour avoir le plaisir de jouir de son entretien. Il ne se fit point prier. Il vint à point nommé, sur le midi... Point de compliment d'entrée, point de façons, nulle grimace, nulle contrainte, La Fontaine garda un profond silence; on ne s'en étonna point, parce qu'il avait autre chose à faire qu'à parler. Il mangea comme quatre et but de même. Le repas fini, on commença à souhaiter qu'il parlât, mais il s'endormit Après trois quarts d'heure de sommeil, il revint à lui. Il voulut s'excuser sur ce qui l'avait fatigue. On lui dit que cela ne demandait point d'excuse, que tout ce qu'il faisait était bien fait On s'approcha de lui; on voulut le mettre en humeur et l'obliger à laisser voir

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