Vient lui dire: - Il est temps enfin de vous connaitre : Ne sont point du tout vos parents. C'est d'un chardonneret que le sort vous fit naître. Le bec... - Oui, dit l'oiseau, j'ai ce qu'il vous plaira : Mais je n'ai point une âme ingrate, Et mon cœur toujours chérira Ceux qui soignèrent mon enfance. Si mon plumage ne leur ressemble pas bien, Ont une grande ressemblance. Vous prétendez prouver que je ne leur suis rien, Un bienfaiteur est plus qu'un père. Il faut aimer ses bienfaiteurs comme on aime un père. FLORIAN. FABLE XIV. LE CHAT ET LE MIROIR. Philosophes hardis, qui passez votre vie Ce trait du plus sage des chats. Ce chat aperçut un miroir; Il y saute, regarde, et d'abord pense voir Notre chat veut le joindre, il se trouve arrêté. Ne trouve rien, revient, et le chat se présento. Tandis qu'il fait le tour, ne sorte ; Une patte par-ci, l'autre par-là; de sorte Alors, croyant bien le tenir, Doucement vers la glace il incline la tête, Sa griffe qu'il tient toute prête : Mais il perd l'équilibre, il tombe et n'a rien pris. Sans chercher plus longtemps ce qu'il ne peut comprendre, Que m'importe, dit-il, de percer ce mystère? Après un long travail, n'entend ni ne saisit, Ne nous est jamais nécessaire. Il ne faut pas perdre le temps à chercher l'explication des mystères que notre intelligence ne peut comprendre. FLORIAN. FABLE XV. LA CARPE ET LES CARPILLONS. - Prenez garde, mes fils, côtoyez moins le bord, Craignez la ligne meurtrière, Ou l'épervier plus dangereux encor. A de jeunes poissons qui l'écoutaient à peine. Ah! ah! criaient les carpillons, Qu'en dis-tu, carpe radoteuse? Nous voilà citoyens de la mer orageuse! Nous sommes les maîtres du monde, Ne croyez pas cela, répond la vieille mère, Bah! disent les poissons, tu répètes toujours Adieu, nous allons voir notre nouveau domaine. Sortent tous du lit de la Seine, Et s'en vont dans les eaux qui couvrent le pays. Pourquoi quittaient-ils la rivière ? - Pourquoi? Je le sais trop, hélas ! C'est que... c'est que..... je ne finirais pas. Quand on ne suit pas les conseils de ses parents et de ses maîtres, on se prépare une fin malheureuse. FLORIAN. FABLE XVI. LE CALIFE. Autrefois dans Bagdad' le calife Almamon Et les trésors du luxe et ceux de la nature : (1) Bagdad est le nom d'une ville d'Asie. (2) Les chefs du peuple arabe se nomment califes. Roulant leurs ondes bondissantes A côté des lits de brocard. Près de ce beau palais, juste devant l'entrée, D'un grand travail, sans dette et sans soucis pénibles, Coulait des jours doux et paisibles, J'ai déjà dit que sa retraite Masquait le devant du palais. Le visir veut d'abord, sans forme de procès, Mais le calife veut que d'abord on l'achète. Je n'ai besoin de rien avec mon atelier: Et, quant à ma maison, je ne puis m'en défaire, Le calife, s'il veut, peut me chasser d'ici, Mais, s'il le fait, il me verra Venir, chaque matin, sur la dernière pierre Je connais Almamon, son cœur en gémira. Du visir, qui voulait punir ce téméraire Non, J'ordonne qu'à mes frais elle soit réparée ; Je veux que nos neveux, en la considérant, En voyant la chaumière ils diront: Il fut juste. La grandeur consiste à ne pas abuser de la force pour opprime lus faibles. FLORIAN. FABLE XVII. LE LION DEVENU VIEUX. Le lion, terreur des forêts, Devenus fort par sa faiblesse. Le cheval s'approchant lui donne un coup de pié ; Il attend son destin sans faire aucunes plaintes, L'injure est plus pénible à supporter quand elle vient d'un homme qui devrait nous respecter, et qui est habitué à nous craindre. LA FONTAINE FABLE XVIII. LE CHAT ET LE VIEUX RAT. J'ai lu chez un conteur de fables, Qu'un second Rodilard, l'Alexandre3 des chats, Rendait ces derniers misérables : J'ai lu, dis-je, en certain auteur, Que ce chat exterminateur, Vrai Cerbère, était craint une lieue à la ronde. (1) Son ancienne force. (2) Phèdre dit de plus que l'ane frappa le lion. C'est de là que nous vient l'expression proverbiale dont l'application est si commune Le coup de pied de l'âne. (3) Roi de Macédoine, un des plus grands héros de l'antiquité. (4) Roi des Huns, qui se faisait appeler le fléau de Dieu. (5) Chien à trois têtes, qui gardait l'entrée des enfers, suivant les palens. |