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A

Qu'en une voix, ce soir, tous nos cœurs réunis,
Chantent mon bienfaiteur, le chantent, le bénissent.
Il se lève à ces mots. Prompt à le devancer,
A travers les buissons je cours dans la prairie,
Et m'assieds en un lieu qu'il devait traverser.
Il m'aperçoit.

Mon fils, viens, dis-moi, je te prie,

Aurais tu vu quelqu'un passer?

-

-Non, dis-je, bon vieillard Mais d'où viens-tu? sans doute Tu t'es égaré dans ta route.

- Oui, mon ami, j'allais au village prochain.

Etranger dans ces lieux, je ne les puis connaître.
Je croyais par ce bois abréger mon chemin,
Mais il est si désert, que sans un Dieu peut-être,
J'y serais déjà mort et de soif et de faim.

Eh bien! à ce village allons que je te mène,
Lui dis-je, sur mon bras appuie un peu ta main,
Pour me suivre avec moins de peine.

Si j'étais assez fort, je prendrais ton fardeau.
Et je le conduisis jusqu'au prochain hameau.
Tu l'as voulu savoir Eh bien! voilà, mon père,
Ce qui de joie encor me fait tout tressaillir.

Ce que j'ai fait ne coûtait rien à faire,
Si tu savais pourtant combien j'ai de plaisir
D'avoir de ce pauvre homme adouci la misère !
Si je suis si content pour si peu, Dieux! combien
Doit être heureux celui qui fait beaucoup de bien !
Le sort peut maintenant me ravir la lumière,
Dit Lycas, sur son cœur pressant son petit-fils;

Lorsque mes jours seront finis,

La bienfaisance encor vivra dans ma chaumière.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.

NOTIONS

D'ANALYSE LITTÉRAIRE

INTRODUCTION A LA DEUXIÈME PARTIE.

I.

RÈGLES DE L'ANALYSE LITTÉRAIRE.

1. Le mot analyse veut dire séparation, décomposition. Le mot littéraire désigne ce qui a rapport à la littérature, au style. L'analyse littéraire consiste à décomposer un morceau, c'est-à-dire à chercher les pensées qui en forment comme le fonds, le résumé ; puis à séparer les différentes parties et à les partager presque phrase par phrase, pour considérer une à une toutes les beautés du style. (Afin de bien comprendre ce qui vient d'être dit, il faut voir un modèle d'analyse littéraire).1

2. On ne doit pas seulement s'occuper des mots, des expressions, de l'arrangement et de l'harmonie des

(1) Lisez, avant d'aller plus loin, l'analyse littéraire, p. 133, 134, etc.

phrases, mais il faut remarquer surtout ce qui concerne les pensées : voir si elles sont justes, en rapport avec le sujet, bien liées ensemble.

3. Comme l'analyse littéraire a pour but de montrer qu'on a compris, ou de faire comprendre aux autres les beautés de l'auteur, il faut bien expliquer en quoi consistent ces beautés. Il ne suffit donc pas de dire Que cela est beau! Qui ne comprend tout ce qu'il y a d'admirable dans ce passage! Les exclamations de ce genre n'apprennent rien à ceux qui ne voient pas d'eux-mêmes les beautés, et elles ne prouvent pas non plus que celui qui les emploie ait bien compris le secret de ces beautés qu'il prétend signaler aux autres.

4. Il faut, si on loue une pensée, montrer qu'elle est noble et fine, ou énergique, ou délicate, ou qu'elle a le mérite de se lier parfaitement avec ce qui précède, etc.; en un mot, il faut dire pourquoi on loue cette pensée. Par exemple, si on veut analyser ces vers de Racine :

Celui qui met un frein à la fureur des flots,
Sait aussi des méchants arrêter les complots,

il faudra dire que la pensée est noble par son objet, parce qu'elle présente à l'esprit l'idée de la Divinité, et faire remarquer que l'expression relève encore la noblesse de la pensée, parce que le mot frein nous porte à songer à un coursier que le cavalier a rendu docile; notre esprit conçoit alors cette idée : que Dieu commande à la mer en furie avec autant de facilité qu'un cavalier dirige un coursier à l'aide du frein. Cette image donne de la force à la pensée, car on comprend qu'un Dieu assez puissant pour commander à la mer et apaiser les plus furieuses tempê

tes, peut, à bien plus forte raison, empêcher quelques hommes d'exécuter leurs mauvais desseins.

5. Pour les expressions, pour les mots aussi, on doit expliquer de la même manière ce qui les fait admirer ou critiquer; par exemple, dans l'analyse de la fable la Cigale et la Fourmi, on ne se contente pas de dire que le mot bise est bon; mais on explique pourquoi dans la fable citée ce mot a tant de mérite : c'est que ce mot bise a une harmonie imitative, c'està-dire un son qui imite l'objet représenté; en prononçant le mot bise, on croit entendre le sifflement du vent. De plus, ce mot bise rappelle à l'esprit les journées les plus froides de l'hiver, celles par conséquent où il était le plus difficile à la cigale de trouver les insectes dont elle se nourrit. Voilà comment il faut expliquer les beautés des morceaux qu'on analyse.

6. On s'y prend de la même manière pour faire ressortir les défauts. Tout n'est pas à louer, même dans les meilleurs écrivains; il peut se rencontrer des passages qui soient faibles, même défectueux par la pensée ou par l'expression. Voici, par exemple, une pensée très-juste: L'or est comme le fumier qui ne profite que lorsqu'on le répand; mais elle est mauvaise pour l'expression, parce que dans les comparaisons, on doit éviter de choisir ainsi des choses basses et viles, ou du moins il faut les voiler en quelque Horte par des périphrases élégantes. Ici le mot fumier blesse l'esprit autant que la chose qu'il représente offense la vue et l'odorat.

7. Il est bon de commencer une analyse littéraire par une appréciation, un jugement sur l'ensemble du morceau qu'on examine. Pour une fable, par exemple, on dit en résumé le fait raconté dans la fable, puis on considère si la morale tirée de ce fait est bonne et si elle est bien la réflexion naturelle, la conséquence

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