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مر

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vous qu'en ce moment je n'ose et je ne puis
Nommer, comme autrefois, mes frères, mes amis,
Témoins de mon heure dernière,

Voyez où peut conduire un coupable désir
De la vertu quinze ans j'ai suivi la carrière,
Un faux pas m'en a fait sortir.

Apprenez mes forfaits. Au lever de l'aurore,

Seul auprès du grand bois, je gardais le troupeau

Un loup vient, emporte un agneau,

Et tout en fuyant le dévore

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Je cours, j'atteins le loup, qui, laissant son festin, poi
Vient m'attaquer je le terrasse,

Et je l'étrangle sur le place.

C'était bien jusque-là mais, pressé par la faím,
De l'agneau dévoré je regarde le reste,
J'hésite, je balance. A la fin, cependant,
J'y porte une coupable dent :

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La brebis vient dans cet instant,
Elle jette des cris de mère...

La tête m'a tourné, j'ai craint que la brebis
Ne m'accusât d'avoir assassiné son fils;
Et, pour la forcer à se taire,
Je l'égorge dans ma colère.

Le berger accourait armé de son bâton.
N'espérant plus aucun pardon,

Je me jette sur lui: mais bientôt on m'enchaino,
Et me voici prêt à subir

De mes crimes la juste peine.

Apprenez tous du moins, en me voyant mourir,

Que la plus légère injustice

Aux forfaits les plus grands peut conduire d'abord;

Et que, dans le chemin du vice,

On est au fond du précipice,

Dès qu'on met un pied sur le bord.

FLORIAN. ket

FABLE XLVI.

FANFAN ET COLAS.

Fanfan, gras et vermeil, et marchant sans lisière,
Voyait son troisième printemps.

D'un nouveau nourrisson, Pérette, toute fière,
S'en allait à Paris le rendre à ses parents.
Pérette avait, sur sa bourrique,

Dans deux paniers mis Colas et Fanfan.
De la riche Chloé celui-ci fils unique,
Allait changer d'état, de nom, d'habillement,
Et peut-être de caractère.

Colas, lui, n'était que Colas,

Fils de Pérette et de son mari Pierre.
Il aimait tant Fanfan, qu'il ne le quittait pas
Fanfan le chérissait de même.

Ils arrivent. Chloé prend son fils dans ses bras
Son étonnement est extrême,

Tant il lui paraît fort, bien nourri, gros et gras.
Pérette de ses soins est largement payée.
Voilà Pérette renvoyée;

Voilà Colas que Fanfan voit partir.
Trio de pleurs. Fanfan se désespère :

Il aimait Colas comme un frère;

Sans Pérette et sans lui, que va-t-il devenir }
Il fallut se quitter. On dit à la nourrice :

1 Quand de votre hameau vous viendrez à Paris, N'oubliez pas d'amener votre fils;

Entendez-vous, Pérette? on lui rendra service.
Pérette, le cœur gros, mais plein d'un doux espoir,
De son Colas déjà eroit la fortune faite.

De Fanfan, cependant, Chloé fait la toilette.
Le voilà décrassé, beau, blanc, il fallait voir !
Habit moiré, toque d'or, riche aigrette.

On dit que le fripon, se voyant au miroir,
Oublia Colas et Pérette.

- Je voudrais à Fanfan porter cette galette,
Dit la nourrice un jour; Pierre, qu'en penses-tu ?
Voilà tantôt six mois que nous ne l'avons vu.

VRAIS ORN

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Pierre y consent; Colas est du voyage.
Fanfan trouva (l'orgueil est de tout âge)
Pour son ami, Colas trop mal vêtu :

Sans la galette il l'aurait méconnu.

Pérette accompagna ce gâteau d'un fromage,
De fruits et de raisin, doux trésors de Bacchus.1
Les présents furent bien reçus ;

Ce fut tout, et tandis qu'elle n'est occupée
Qu'à faire éclater son amour,

Le marmot, lui, bat le tambour,
Traine son chariot, fait donner sa poupée.
Quand il a bien joué, Colas dit : C'est mon tour.
Mais Fanfan n'était plus son frère ;
Fanfan le trouva téméraire ;

Fanfan le repoussa d'un air fier et hautain.
Pérette alors prend Colas par la main.

Viens, lui dit-elle avec tristesse :
Voilà Fanfan devenu grand seigneur;

Viens, mon fils, tu n'as plus son cœur.
L'amitié disparaît où l'égalité cesse.

FABLE XLVII.

LE VIEILLARD ET SES TROIS FILS.

Un bon vieillard, sentant sa dernière heure,
Fit le partage, à ses trois fils,

De quelques biens avec grand'peine acquis.
Les trois lots arrangés : Un joyau me demeure,

Leur dit-il, et je veux qu'il devienne le prix

De l'action la meilleure

Que fera l'un de vous; dans huit jours, si je vis,
Auprès de moi rendez-vous tous ensemble,
Je jugerai sur vos récits.

Allez, partez, mes chers amis ;

Puisse le Ciel, qui nous rassemble,

Nous voir encore réunis!

Déjà les enfants sont partis;

(1) Dieu de la vigne et du vin, selon les palens.

Ensuite, au rendez-vous, le jour dit, chacun vole

Et, les embrassements finis,

Les pleurs séchés, le père assis,
L'aîné des fils prend la parole,
Et dit :

D'un grand trésor j'étais dépositaire ;
Il me fut confié sans témoin, sans écrit,
J'aurais pu le garder; l'honneur parle, il suffit;
Et je rends le trésor à son propriétaire;
Cette action n'est-elle pas, mon père,
La plus belle, sans contredit,

Qu'un honnête homme puisse faire ?

On ne fait rien de trop en faisant son devoir, Répondit le vieillard; ne pas commettre un crime, N'est rien moins qu'un acte sublime.

Tu fus juste, mon fils, rien de plus; va t'asseoir Le second des enfants conte alors la manière

Dont il a retiré du fond d'une rivière

Un marmot prêt à s'y noyer.

Tout ce qu'il a pu déployer

D'adresse et de courage, en cette circonstance, Est mis par le conteur au rang de ces hauts faits, Pour lesquels on ne peut jamais

Avoir trop grande récompense.

Le prix qui te convient est dans ta conscience,
Lui dit le bon vieillard en lui prenant la main :
Il n'est pas d'héroïsme à se montrer humain ;
Contente-toi, mon fils, de la reconnaissance;
Et quelquefois encor l'espère-t-on en vain!
Lors le plus jeune des trois frères,
En rougissant s'exprime ainsi :

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Rien n'est plus beau que de faire du bien à nos ennemis.

FABLE XLVIII.

LE LABOUREUR ACCUSÉ DE MAGIE.

Sur les bords que le Tibre' arrose de ses eaux,
Vivait jadis un laboureur habile,

Dont le champ, quoiqu'il fût de son fonds peu fertile,
Récompensait toujours ses pénibles travaux;
Vainement les saisons paraissaient déréglées;
Vents, grêle, chaleur ou gelées,

Tout semblait respecter ses fruits et ses moissons;
Et tandis que les champs de tous les environs
Trompaient des possesseurs les vœux et l'espérance,
Le sien était pour lui la corne d'abondance.

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Ses voisins en furent témoins ;

Et loin d'attribuer son bonheur à ses soins,
Aveuglés par la jalousie

(On sait qu'elle est de tout métier),
Ils vous l'accusent de magie,

Et le citent comme sorcier.

Le laboureur paraît; et pour toute défense,
Dans la salle de l'audience

Il introduit ses fils avec ses deux taureaux,
Ses bêches avec ses rateaux ;
Et, parlant avec assurance :

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