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Sur les ordres impénétrables de la
Providence,

Le Poëte fait les réflexions fuivantes à l'occafion des maux qui arrivent dans cette vie, & dont nous ne pouvons comprendre la cause que par les lumieres de la Foi. Il fait voir que cet état d'obfcurité où nous fommes, eft un effet des profonds Jugemens de Dieu, qui veut que les hommes. s'humilient fous fa main. Il donne enfuite une idée très fublime de la grandeur & de la puiffance de Dieu. On- peut dire que cette image eft d'autant plus belle, qu'elle eft prife fur les propres notions que les Prophetes nous donnent de la Majesté divine.

Les faifons en défordre & les vents en courroux, Fourniflent à la mort des armes contre nous : Et toute la nature, en ce temps de fouffrance, Captive, gémiffante, attend fa délivrance (a), Au criminel foumife obéit à regret,

Se cache à nos regards, & foupire en secret.'

(a) Scimus quod omnis creatura ingemifcit & parturit uf

que adhuc. Rom 8. Expectatio creatura revelationem fis iorum Dei expectat. Ibid.

Oui, tout nous est voilé, jusqu'au moment ter

rible,

Moment inévitable, où Dieu rendu visible,
Précipitant du Ciel tous les aftres éteints,
Remplacera le jour, & fera pour les Saints
Cette unique clarté fi long-temps attendue.
Pour eux-mêmes févere, ici-bas à leur vue
Il fe montre, il fe cache, & par l'obscurité
Conduit ceux qu'autrefois perdit la vanité.
De quoi fe plaindre? Il peut nous ravir fa lu-

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Far grace il ne veut pas la couvrir toute entiere.
Qui la cherche, eft bientôt pénétré de ses traits;
Qui ne la cherche pas, ne la trouve jamais.....
Qu'ici fans murmurer la raifon s'humilie:

Dieu permet notre mort, ou nous laiffe la vie.
Ne lui demandons point compte de ses décrets.
Qui pourra d'injuftice accufer fes arrêts?
L'homme, ce vil amas de boue & de pouffiere,
Soutiendroit-il jamais l'éclat de fa lumiere ?
Ce Dieu, d'un feul regard, confond toute gran-
deur.

Des Aftres devant lui s'éclipse la fplendeur.
Profterné près du Trône où fa gloire étincelle ̧
Le Cherubin tremblant fe couvre de fon aile,
Rentrez dans le néant, mortels audacieux:
vole fur les vents, il s'aflied fur les Cieux:

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Il a dit à la mer: brise-toi fur ta rive;
Et dans fon lit étroit la mer refte captive.
Les foudres vont porter fes ordres confiés
Et les nuages font la poudre de fes pieds.
C'est ce Dieu qui d'un mot éleva nos montagnes
Sufpendit le foleil, étendit nos campagnes,
Qui pefe l'univers dans le creux de sa main.
Notre globe à ses yeux eft semblable à ce grain
Dont le poids fait à peine incliner la balance.
Il fouffle, & de la mer tarit le gouffre immense.
Nos vœux & nos encens font dus à son pouvoir,
Cependant quel honneur en peut-il recevoir ?
Quel bien lui revient-il de nos foibles hom

mages?

Lui feut il eft fa fin, il s'aime en fes ouvrages.
Qu'a-t-il befoin de nous ? D'un œil indifférent
Il regarde tranquille & l'être & le néant....
Ce qu'il veut, il l'ordonne, & son ordre suprême
N'a point d'autre raison que fa volonté même,
O fagę profondeur! & fublimes fecrets!

J'adore un Dieu caché, je tremble & je me tais,
Racine, Poëme de la Religion

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Idée de la Puiffance de Dieu.

Voici ce que dit Mardochée à Efther pour l'engager à parler au Roi Affuerus en faveur du Peuple Juif.

B

Que peuvent contre lui tous les Rois de la terres
En vain ils s'uniroient pour lui faire la guerre :
Pour diffiper leur ligue il n'a qu'à fe montrer ;
Il parle, & dans la poudre il les fait tous rentrer,
Au feul fon de fa voix la Mer fuit, le Ciel trem-
ble:

Il voit comme un néant tout l'univers enfemble;
Et les foibles mortels, vains jouets du trépas',
Sont tous devant les yeux comme s'ils n'étoient .

pas,

Trag. d'Efther, de Racine.

Joad ou Joiada, Grand Prêtre des Juifs, parle ainsi à Abner, un des principaux Officiers du Roi de Juda. C'étoit pour lui faire comprendre qu'il ne devoit pas craindre les mauvais deffeins de la cruelle Athalie.

Celui qui met un frein à la fureur des flots,
Sait auffi des méchans arrêter les complots.
Soumis avec refpect à fa volonté fainte,

Je crains Dieu, cher Abner, & n'ai point d'autre

crainte,

Athalie, de Racing.

Nous ne pouvons placer plus à propos qu'à la fuite de ce fujet, ce que dit M. Rouffeau contre les prétendus efprits forts dans une Epître à M. Racine, l'illuftre

Auteur du Poëme fur la Religion. On verra avec quelle énergie il jette un ridicule fur leurs difcours audacieux.

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Mais dans ce fiecle à la révolte ouvert
L'impiété marche à front découvert:

Rien ne l'étonne, & le crime rebelle
N'a point d'appui plus intrépide qu'elle.
Sous les drapeaux, fous fes fiers étendards;
L'œil affuré, courent de toutes parts,
Ces légions, ces bruyantes armées
D'efprits fubtils, d'ingénieux Pygmées,
Qui fur des monts d'argumens entaffés,
Contre le Ciel burlesquement hauffés,
De jour en jour, fuperbes Encelades,
Vont redoublant leurs folles efcalades ;
Jufques au fein de la Divinité

Portent la guerre avec impunité ;

Viendront bientôt, fans fcrupule & fans honte
De fes arrêts lui faire rendre compte ;
Et déja même Arbitres de fa Loi,
Tiennent en main, pour écrafer la Foi,
De leur raison les foudres toutes prêtes.
Y penfez-vous, infenfés que vous êtes?

M. Racine déplore pareillement l'abus que les prétendus efprits forts font de leur raison, & il fait voir dans les vers fuivans

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