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Lui ravir de les biens la pénible récolte.
Contre fon Souverain` l'animal se révolte ;
Le Maître de la Terre appréhende les vers ;
L'infecte le fait craindre au Roi de l'Univers.
L'homme à la femme uni, met au jour des cou
pables,

D'un pere malheureux héritiers déplorables.
Aux folides avis l'enfant toujours rétif,
Par la feule menace y devient attentif;
De l'âge & des leçons fa raison secondée,
A peine du vrai Dieu lui retrace l'idée.
Hélas! à ces malheurs, par fa femme féduit,
Adam, le foible Adam, avec nous s'eft réduit:
Son crime fut le nôtre, & ce pere infidele
Rendit toute fa race à jamais criminelle.
Ainfi le tronc qui meurt, voit mourir fes rameaux,
Et la fource infectée, infecte fes ruiffeaux...
Mais malgré cette nuit fur l'homme répandue,
On découvre un rayon de la gloire perdue.
C'eft du haut de fon trône un Roi précipité
Qui garde fur fon front un trait de majesté.
Une fecrete voix à toute heure lui crie
Que la Terre n'eft point fon heureuse patrie,
Qu'au Ciel il doit attendre un état plus parfait.
Et lui même ici bas quand eft-il fatisfait ?
Digne de poéder un bonheur plus folide,
Plein de biens & d'honneurs, il refte toujours

vuide;

Il forme encor des vœux dans le fein du plaifir, Il n'eft jamais enfin qu'un éternel defir.

D'où lui vient fa grandeur ? d'où lui vient sa baffefle

Et pourquoi tant de force avec tant de foibleffe? Réveillez-vous, mortels, dans la nuit abforbés Et connoiffez du moins d'où vous êtes tombés. Racine le fils

REMARQUES.

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On doit convenir que toute cette mafiere est traitée avec la dignité qu'elle de mandoit. Les réflexions dont elle est variée font également ingénieufes & folides. Le portrait des maux qui furent les fuites de la défobéiffance de notre premier pere, eft d'un détail que le Poëte a fa rendre intéreffant, quoique nous foyons convaincus de ces vérités. Mais il ne faut pas paffer cet endroit fans remarquer la noble & jufte idée qu'il donne de l'homme après le péché : C'eft du haut de fon trone un Roi précipité. Il en eft de même de la peinture qu'il fait du cœur humain, & de ce compofé inexplicable de grandeur & de foiblefle qu'on y apperçoit.

On ne fera pas fâché de voir ici comment le célebre Boileau a traité une partie du même fujet, c'est-à-dire, l'état d'in

nocence du premier homme, & les fuites de fon péché. Le morceau eft beaucoup plus court, mais il a ses beautés.

Hélas! avant ce jour qui perdit fes neveux, Tous les plaifirs couroient au - devant de fes

vœux.

La faim aux animaux ne faifoit point la guerre. Le bled, pour se donner, fans peine ouvrant la

terre,

N'attendoit pas qu'un bœuf preffé de l'aiguillon Traçât à pas tardifs un pénible fillon.

La vigne offroit par-tout des grappes toujours: pleines,

Et des ruiffeaux de lair ferpentoient dans les plaines.

Mais dès ce jour Adam, déchu de fon état,
D'un tribut de douleur paya fon 'attentat.

Il fallut qu'au travail fon corps rendu docile,
Forçât la Terre avare à devenir fertile. -
Le chardon importun hériffa les guérets;
Le ferpent venimeux rampa dans les forêts;
La canicule en feu défola les campagnes;
L'aquilon en fureur gronda fur les montagnes,
Alors pour fe couvrir durant l'âpre faifon,..
Il fallut aux brebis dérober leur toifon.

La pefte, en même temps, la guerre & la famine
Des malheureux. humains jurerent la ruine.

REMARQUES.

Ce qui doit frapper le plus dans ce morceau, c'eft la beauté des tours & des expreffions poétiques. Les perfonnes de goût ne manqueront pas de faire attention à celles-ci: Traçât à pas tardifs un pénible fillon, &c. Un tribut de douleur, &c. Heriffa les guérets, &c. Aux brebis dérober leur toifon. Il ne faut avoir pour Icela que du fentiment: & ces remarques feroient inutiles, fi elles n'étoient destinées pour les jeunes gens à qui elles font néceffaires pour leur former le goût.

Sur l'immortalité de l'Ame.

M. Racine, dans les vers fuivans, fait comprendre à tous les efprits raifonnables que notre ame doit être immortelle.

Quand je penfe, chargé de cet emploi sublime, Plus noble que mon corps, un autre être m'anime.

Je trouve donc qu'en moi, par d'admirables

nœuds,

Deux êtres oppofés font réunis entre eux. . .. Mais fur l'ame la mort ne trouve point de prife: Un être fimple & pur n'a rien qui fe divife

Comment périroit-il ? Le coup fatal au corps, Ne rompt que les liens, dérange les refforts. Qu'eft-ce donc que l'inftant où l'on ceffe de vivre? L'instant ou de fes fers une ame fe délivre.

avare.

Le corps, né de la poudre, à la poudre eft rendu :
L'efprit retourne au ciel dont il est descendu...'
D'où nous vient du néant cette crainte bizarre ?
Rien n'y rentre; en cela la nature eft
Si du fel ou du fable un grain ne peut périr,
L'être qui pense en moi craindra-t-il de mourir ?
O mort! eft-il donc vrai que nos ames heureufes
N'ont rien à redouter de tes fureurs affreuses,
Et qu'au moment cruel qui nous ravit le jour,
Tes victimes ne font que changer de féjour ?
Quoi! même après l'inftant où tes ailes funebres
M'auront enseveli dans de noires ténebres,

Je vivrois! Doux efpoir! que j'aime à m'y li

vrer!. ..

Des fiecles à venir je m'occupe fans cèffe:
Ce qu'ils diront de moi m'agite & m'intéreffe.
Je veux m'éternifer, & dans ma vanité
J'apprends que je fuis fait pour l'immortalité.
Mais des biens d'ici-bas mon ame eft mécon-

tente:

Grand Dieu ! c'est donc à toi de remplir mon at

tente...

Quand fur la terre enfin je vois avec douleur

Gémir l'humble vertu qu'accable le malheur,

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