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échanges, commerce, alliances et même guerres avec les hommes dont il est séparé par des distances plus ou moins considérables.

La volonté, ou la suite des déterminations produites par le sentiment, dans un être ainsi modifié, est donc une faculté ou un principe d'action tout autre que dans un être uniquement déterminé par les impressions fortuites des choses et des circonstances purement extérieures, quand même la constitution intellectuelle et l'organisation de l'un et de l'autre ne seraient pas entièrement différentes. Par conséquent, les causes qui donnent lieu à l'exercice d'une pareille faculté ne sauraient être observées ou étudiées avec trop de soin.

§ 2. Notion plus précise de la Volonté ; Facultés et Opérations qu'elle embrasse ou qu'elle suppose.

Le mot volonté s'applique particulièrement et essentiellement aux actes ou aux actions de l'homme, en tant qu'il est capable de connaître et de savoir. Car ses actions peuvent être simplement le résultat d'une impulsion intérieure, d'une affection subite et instantanée de son organisation, et alors elles sont purement instinctives; ou bien elles sont l'effet de quelques impressions, sensations ou perceptions inattendues, imprévues, et alors on les nomme spontanées. Mais une action exécutée avec pleine et entière connaissance de ses conséquences ou de ses

résultats, au moins les plus immédiats, celle qu'on a faite avec intention, dont on a préparé les moyens et désiré la fin principale, est proprement appelée volontaire*.

La volonté suppose donc le désir ou le besoin d'atteindre un but, de parvenir à une fin; elle suppose un dessein à exécuter, un projet à réaliser; et par conséquent elle embrasse ou peut embrasser une suite plus ou moins considérable de déterminations, causes d'autant d'actions particulières, exécutées par autant de volontés, ou, pour mieux dire, de volitions singulières. Le mot volonté s'applique donc à un système d'actions, aussi bien qu'à une action unique.

Souhaiter, désirer, prétendre, concevoir un projet ou un dessein, sont des expressions par lesquelles on indique les nuances ou les degrés de tendance à l'exécution d'une action volontaire que l'on accomplit soi-même, ou par ses propres moyens. Prescrire, ordonner, commander, sont des expressions relatives à l'accomplissement d'une volonté que l'on fait exécuter par d'autres êtres intelligents sur lesquels on a une autorité, un pouvoir, qui ne peut être méconnu ni contesté.

* Inde voluntas fit: neque enim facere incipit ullam
Rem quisquam, quàm mens providit quid velit, antè.
Lucret. De Nat. Rer., liv. IV, v. 884,

885.

Toute action volontaire suppose nécessairement la liberté de l'agent; et l'on entend par ce mot, non seulement l'exemption de toute contrainte, ou de tout empêchement extérieur, mais surtout la faculté ou la possibilité de résister à la force du désir ou du besoin, et, en général, de l'impulsion intérieure que reçoit la puissance d'agir; c'est ce qu'on appelle aussi libre arbitre. Cependant les sentiments et les désirs, même les plus blâmables, ne sont pas directement du ressort de la volonté, puisque ce ne sont pas des actes. Mais celui qui ne s'efforce pas de les combattre ou de s'en affranchir, qui, au contraire s'y abandonne avec quelque satisfaction, ou qui même n'y résiste qu'avec mollesse, est dit y donner son

consentement.

Les sentiments et les désirs éveillent d'abord l'attention, et la plupart du temps mettent en jeu l'imagination, dont les opérations secondées par la mémoire, et par les associations d'idées, qui sont l'un des plus remarquables effets de la mémoire, ne peuvent s'exécuter que sous l'influence de la volonté. Attention, mémoire, imagination, liberté, telles sont donc les facultés qui concourent plus spécialement aux déterminatious de la volonté, ou qui n'en sont à quelques égards que des modes, et qu'il est, par conséquent, nécessaire d'étudier avec quelque application, pour acquérir une notion plus complète de cette faculté générale. Nous ajouterons

donc ici quelques observations propres à compléter ce que nous avons dit ailleurs sur ce sujet *.

§ 3. De l'Attention.

Nous faisons un acte d'attention toutes les fois que nous avons conscience d'une idée, d'un fait quelconque de notre esprit, à l'exclusion de tout autre. Or, c'est précisément cette dernière condition qui est elle-même un fait de la volonté, laquelle précédant ou suivant tout acte d'attention, y est toujours unie. L'effet de l'attention est de fixer, en quelque sorte, les idées de différents genres dans notre entendement, de manière que non seulement il en conserve un souvenir fidèle, mais que souvent il en est, pour ainsi dire, modifié d'une manière particulière et constante. Car l'attention ne s'exerce pas seulement sur des idées ou sur des objets simples ou peu étendus; elle s'applique aussi aux sujets les plus composés, à des systèmes d'objets ou d'idées quelquefois fort compliqués, dont elle découvre la liaison ou l'enchaînement. Aussi prend-elle différents noms à raison de l'emploi que nous en faisons, et ces noms indiquent autant de modes distincts de l'exercice de cette faculté.

Ainsi, elle s'appelle contemplation, lorsqu'elle s'arrête pendant un temps sur un ensemble d'objets

Voyez sect. I, chap. IX, § 6-10.

plus ou moins considérable, ou même sur quelque objet isolé; considération, lorsqu'elle s'attache à quelque groupe d'objets ou d'idées faisant partie d'un ensemble ou d'un système plus étendu; méditation, lorsque passant d'une idée ou d'un objet à un autre, dans le même groupe, ou dans le même système, elle en reconnaît la liaison et les rapports divers. Enfin, appliquée aux objets du monde extérieur, aux faits de la nature physique, elle prend plus particulièrement le nom d'observation; comme on lui donne celui de réflexion, quand elle s'applique aux faits de l'ordre intellectuel ou moral. Sans doute nous n'observons pas constamment, soit en parlant, soit en écrivant, ces nuances délicates de la signification des mots employés à exprimer les divers modes de l'attention. Mais cela n'est pas toujours nécessaire, parce que l'acception des termes est plus souvent déterminée par leurs rapports entre eux, et par les autres accessoires du discours, que par la valeur propre de chaque mot pris isolément *.

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« On ne peut découvrir la vérité, dit un philosophe célèbre, que par le travail de l'attention, << parce qu'il n'y a que le travail de l'attention qui <«< ait la lumière pour récompense **. » Il est bien

**

*

Voyez sect. II, chap. II, § 14.

Malebranche, Traité de Morale, Ire part., chap. VI, § I. « L'attention de l'esprit, dit-il encore, est une prière

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