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nife.

La ville de Venise, bien moins ancienne que Commence. Gènes, affectait le frivole honneur d'une plus anciennements de Veliberté, & jouiffait de la gloire folide d'une puiffance bien fupérieure. Ce ne fut d'abord qu'une retraite de pêcheurs & de quelques fugitifs, qui s'y réfugièrent au commencement du cinquième fiècle, quand les Huns & les Goths ravageaient l'Italie. Il n'y avait pour toute ville que des cabanes fur le Rialto. Le nom de Venise n'était point encore connu. Ce Rialto, bien loin d'être libre, fut pendant trente années une fimple bourgade appartenante à la ville de Padoue, qui la gouvernait par des confuls. La viciffitude des choses a mis depuis Padoue fous le joug de Venife.

Il n'y a aucune preuve que fous les rois lombards Venise ait eu une liberté reconnue. Il eft plus vraifemblable que fes habitants furent oubliés dans leurs marais.

Le Rialto & les petites îles voifines ne commencèrent qu'en 709 à fe gouverner par leurs magiftrats. Ils furent alors indépendants de Padoue, & se regardèrent comme une république.

C'eft en 709 qu'ils eurent leur premier doge, qui ne fut qu'un tribun du peuple élu par des bourgeois. Plufieurs familles, qui donnèrent leurs voix à ce premier doge, fubfiftent encore. Elles font les plus anciens nobles de l'Europe, fans en excepter aucune maison, & prouvent que la nobleffe peut s'acquérir autrement qu'en poffédant un château, ou en payant des patentes à un fouverain.

doge.

Premier

Héraclée fut le premier fiége de cette république Heraclée, jusqu'à la mort de fon troifième doge. Ce ne fut capitale de que vers la fin du neuvième fiècle que ces infulaires, tien.

l'Etat véni

retirés plus avant dans leurs langues, donnèrent à cet affemblage de petites îles, qui formèrent une ville, le nom de Venise, du nom de cette côte qu'on appelait terra Venetorum. Les habitants de ces marais ne pouvaient fubfifter que par leur commerce. La nécesfité fut l'origine de leur puiffance. Il n'eft pas affurément bien décidé que cette république fût alors 950. indépendante. On voit que Bérenger, reconnu quelque temps empereur en Italie, accorda au doge le privilége de battre monnaie. Ces doges mêmes étaient obligés d'envoyer aux empereurs en redevance un manteau de drap d'or tous les ans ; & Othon III leur remit en 998 cette espèce de petit tribut. Mais ces légères marques de vaffalité n'ôtaient rien à la véritable puiffance de Venife; car tandis que les Vénitiens payaient un manteau d'étoffe d'or aux empereurs, ils acquirent par leur argent & par leurs armes toute la province d'Iftrie, & prefque toutes les côtes de Dalmatie, Spalatro, Raguse, Narenza. Leur doge prenait vers le milieu du dixième fiècle le titre de duc de Dalmatie; mais ces conquêtes enrichiffaient moins Venife que le commerce, dans lequel elle furpaffait encore les Génois; car tandis que les barons d'Allemagne & de France bâtiffaient des donjons & opprimaient les peuples, Venise attirait leur argent, en leur fourniffant toutes les denrées de l'Orient. La Méditerranée était déjà couverte de leurs vaiffeaux ; & elle s'enrichiffait de l'ignorance, & de la barbarie des nations feptentrionales de l'Europe.

CHAPITRE

X LIV.

De l'Espagne & des Mahometans de ce royaume, jufqu'au commencement du douzième fiècle.

L'ESPAGNE était toujours partagée entre les

mahométans & les chrétiens; mais les chrétiens n'en avaient pas la quatrième partie, & ce coin de terre était la contrée, la plus ftérile. L'Afturie, dont les princes prenaient le titre de roi de Léon; une partie de la vieille Caftille, gouvernée par des comtes; Barcelone & la moitié de la Catalogne, auffi sous un comte; la Navarre, qui avait un roi; une partie de l'Arragon, unie quelque temps à la Navarre ; voilà ce qui compofait les Etats des chrétiens. Les Maures poffedaient le Portugal, la Murcie, l'Andaloufie, Valence, Grenade, Tortofe, & s'étendaient au milieu des terres par-delà les montagnes de la Caftille & de Sarragoffe. Le féjour des rois mahométans était toujours à Cordoue. Ils y avaient bâti cette grande mofquée, dont la voûte eft foutenue de trois cents foixante-cinq colonnes de marbre précieux, & qui porte encore parmi les chrétiens le nom de la Mesquita, mosquée, quoiqu'elle foit devenue cathédrale.

Maures cn

Les arts y fleuriffaient, les plaifirs recherchés, Politeffe des la magnificence, la galanterie, régnaient à la cour Espagne. des rois maures. Les tournois, les combats à la barrière font peut-être de l'invention de ces arabes. Ils avaient des fpectacles, des théâtres qui, tout

groffiers qu'ils étaient, montraient du moins que les autres peuples étaient moins polis que ces mahométans. Cordoue était le feul pays de l'Occident où la géométrie, l'aftronomie, la chimie, la médecine, fuffent cultivées. Sanche le gros, roi de Léon, fut 956. obligé de s'aller mettre à Cordoue entre les mains d'un fameux médecin arabe, qui, invité par le roi, voulut que le roi vînt à lui.

Cordoue eft. un pays de délices, arrofé par le Guadalquivir, où des forêts de citronniers, d'orangers, de grenadiers, parfument l'air; & où tout invite à la molleffe. Le luxe & le plaifir corrompirent enfin les rois mufulmans. Leur domination fut au dixième fiècle, comme celle de prefque tous les princes chrétiens, partagée en petits Etats. Tolède, Murcie, Valence, Huefca même, eurent leurs rois. C'était le temps d'accabler cette puiffance divifée ; mais les chrétiens d'Espagne étaient plus divifés Mariage des encore. Ils fe fefaient une guerre continuelle, fe tans avec des réuniffaient pour fe trahir, & s'alliaient fouvent avec chrétiennes. les mufulmans. Alfonfe V, roi de Léon, donna même 1000. fa fœur Thérèse en mariage au fultan Abdala, roi de Tolède.

mahomé

Les jaloufies produifent plus de crimes entre les petits princes qu'entre les grands fouverains. La guerre feule peut décider du fort des vafstes Etats; mais les surprises, les perfidies, les affaffinats, les empoisonnements, font plus communs entre des rivaux voifins, qui, ayant beaucoup d'ambition peu de reffources, mettent en œuvre tout ce qui peut fuppléer à la force. C'eft ainfi qu'un Sanche Garcie, comte de Caftille, empoifonna fa mère à la

&

fin du dixième siècle, & que fon fils dom Garcie fut poignardé par trois feigneurs du pays, dans le temps qu'il allait fe marier.

Enfin Ferdinand fils de Sanche, roi de Navarre & d'Arragon, réunit fous fa puiffance la vieille Caftille, dont fa famille avait hérité par le meurtre de ce dom Garcie, & le royaume de Léon, dont il dépouilla fon beau-frère qu'il tua dans une bataille.

Alors la Caftille devint un royaume, & Léon en fut une province. Ce Ferdinand, non content d'avoir ôté la couronne de Léon & la vie à fon beau-frère, enleva auffi la Navarre à fon propre frère, qu'il fit afsaffiner dans une bataille qu'il lui livra. C'eft ce Ferdinand à qui les Efpagnols ont prodigué le nom de grand, apparemment pour déshonorer ce titre trop prodigué aux ufurpateurs.

Son père dom Sanche, furnommé auffi le grand, pour avoir fuccédé aux comtes de Caftille, & pour avoir marié un de fes fils à la princeffe des Afturies s'était fait proclamer empereur; & dom Ferdinand voulut auffi prendre ce titre. Il eft fûr qu'il n'est, ni ne peut être de titre affecté aux fouverains, que ceux qu'ils veulent prendre, & que l'ufage leur donne. Le nom d'empereur fignifiait par-tout l'héritier des Céfars & le maître de l'empire romain, ou du moins celui qui prétendait l'être. Il n'y a pas d'apparence que cette appellation pût être le titre diftinctif d'un prince mal affermi, qui gouvernait la quatrième partie de l'Espagne.

L'empereur Henri III mortifia la fierté caftillane, en demandant à Ferdinand l'hommage de fes petits Etats comme d'un fief de l'empire. Il est difficile de

1035.

1036.

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