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Empereur,

pape.

les fchifmes qui furent depuis caufés par ce qu'on appelle en Italie la rabbia papale. L'élection d'un pape fut long-temps accompagnée d'une guerre civile. Les horreurs des fucceffeurs de Néron jusqu'à Vefpafien, n'enfanglantèrent l'Italie que pendant quatre ans ; & la rage du pontificat enfanglanta l'Europe pendant deux fiècles.

CHAPITRE XLIX.

LA

De l'empereur Henri VI, & de Rome.

A querelle de Rome & de l'Empire, plus ou moins envenimée, fubfiftait toujours. On a écrit que Henri VI, fils de l'empereur Frederic Barberouffe, ayant reçu à genoux la couronne impériale de Céleftin III, ce pape, âgé de plus de quatre-vingtquatre ans, la fit tomber d'un coup de pied de la tête de l'empereur. Ce fait n'eft pas vraisemblable; mais c'eft affez qu'on l'ait cru pour faire voir jufqu'où l'animofité était pouffée. Si le pape en eût ufé ainfi, cette indécence n'eût été qu'un trait de faibleffe.

Ce couronnement de Henri VI présente un plus vaffal du grand objet & de plus grands intérêts. Il voulait régner dans les deux Siciles; il fe foumettait quoiqu'empereur, à recevoir l'inveftiture du pape pour des Etats dont on avait fait d'abord hommage à l'Empire, & dont il fe croyait à la fois le fuzerain & le propriétaire. Il demande à être le vaffal lige du

pape, & le pape le refuse. Les Romains ne voulaient point de Henri VI pour voifin, Naples n'en voulait point pour maître; mais il le fut malgré eux.

Il femble qu'il y ait des peuples faits pour fervir toujours, & pour attendre quel fera l'étranger qui voudra les fubjuguer. Il ne reftait de la race légitime des conquérants normands que la princeffe Conflance, fille du roi Roger I, mariée à Henri VI. Tancrede bâtard de cette race, avait été reconnu roi par le peuple & par le Saint-Siége. Qui devait l'emporter, ou ce Tancrède qui avait le droit de l'élection, ou Henri qui avait le droit de fa femme? les armes devaient décider. En vain après la mort de Tancrede les deux Siciles proclamèrent fon jeune fils: il fallait que Henri prévalût.

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Henri VI, très-cruel.

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Une des plus grandes lâchetés qu'un fouverain puisse commettre, fervit à fes conquêtes. L'intrépide Empereur roi d'Angleterre, Richard cœur de lion, en revenant d'une de ces croifades dont nous parlerons, fait naufrage près de la Dalmatie; il paffe fur les terres d'un duc d'Autriche. Ce duc viole l'hofpitalité, charge de fers le roi d'Angleterre, le vend à l'empereur Henri VI, comme les Arabes vendent leurs efclaves. Henri en tire une groffe rançon, & avec cet argent va conquérir les deux Siciles. Il fait exhumer le corps du roi Tancrède; & par une barbarie auffi atroce qu'inutile, le bourreau coupe la tête au cadavre. On crève les yeux au jeune roi fon fils, on le fait eunuque, on le confine dans une prifon à Coire chez les Grifons. On enferme fes fœurs en Alface avec leur mère. Les partifans de cette famille infortunée, foit barons, foit évêques, périffent dans

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les fupplices. Tous les tréfors font enlevés & portés en Allemagne.

Ainfi pafferent Naples & Sicile aux Allemands, après avoir été conquis par des Français. Ainfi vingt provinces ont été fous la domination de fouverains que la nature a placés à trois cents lieues d'elles éternel fujet de difcorde, & preuve de la fageffe d'une loi telle que la Salique; loi qui ferait encore plus utile à un petit Etat qu'à un grand. Henri VI alors fut beaucoup plus puiffant que Frederic Barberouffe. Prefque defpote en Allemagne, fouverain en Lombardie, à Naples, en Sicile, fuzerain de Rome, tout tremblait fous lui. Sa cruauté le perdit; fa propre femme Conftance, dont il avait exterminé la famille, conspira contre ce tyran, & enfin, dit-on, le fit empoifonner.

A la mort de Henri VI, l'empire d'Allemagne eft divifé. La France ne l'était pas; c'eft que les rois de France avaient été affez prudents ou affez heureux pour établir l'ordre de la fucceffion. Mais ce titre d'empire, que l'Allemagne affectait, fervait à rendre la couronne élective. Tout évêque & tout grand feigneur donnait fa voix. Ce droit d'élire, & d'être élu, flattait l'ambition des princes, & fit quelquefois les malheurs de l'Etat.

Le jeune Frédéric II, fils de Henri VI, fortait du berceau. Une faction l'élit empereur, & donne à fon oncle Philippe le titre de roi des Romains. Un autre parti couronne Othon de Saxe fon neveu. (a) Les papes tirèrent bien un autre fruit des divifions de

(a) C'eft cet empereur Philippe qui érigea la Bohème en royaume. Il fut affaffiné par un seigneur de Vittelsbac en 1208.

l'Allemagne,

l'Allemagne, que les empereurs n'avaient fait de celles d'Italie.

Innocent III, fils d'un gentilhomme d'Agnani près Innocent!!1, de Rome, bâtit enfin l'édifice de la puiffance tem- pape puifporelle, dont fes prédéceffeurs avaient amaffé les matériaux pendant quatre cents ans. Excommunier Philippe, vouloir détrôner le jeune Frederic, prétendre exclure à jamais du trône d'Allemagne & d'Italie cette maifon de Suabe fi odieufe aux papes, fe conftituer juge des rois, c'était le ftyle devenu ordinaire depuis Grégoire VII. Mais Innocent III ne s'en tint pas à ces formules. L'occafion était trop belle, il obtint ce qu'on appelle le patrimoine de St Pierre, fi long-temps contefté. C'était une partie de l'héritage de la fameufe comteffe Mathilde.

La Romagne, l'Ombrie, la Marche d'Ancone, Orbitello, Viterbe reconnurent le pape pour fouverain. Il domina en effet d'une mer à l'autre. La république romaine n'en avait pas tant conquis dans fes quatre premiers fiècles; & ces pays ne lui valaient pas ce qu'ils valaient aux papes. Innocent III conquit même Rome : le nouveau fénat plia fous lui il fut le fénat du pape, & non des Romains. Le titre de conful fut aboli. Les pontifes de Rome commencèrent alors à être rois en effet ; & la religion les rendait, fuivant les occurrences, les maîtres des rois. Cette grande puiffance temporelle en Italie ne fut pas de durée.

C'était un fpectacle intéreffant que ce qui fe paffait alors entre les chefs de l'Eglife, la France, l'Allemagne & l'Angleterre. Rome donnait toujours le mouvement à toutes les affaires de l'Europe. Effai fur les mœurs, &c. Tome II. E

Gouverne

Vous avez vu les querelles du facerdoce & de l'Empire jufqu'au pape Innocent III, & jufqu'aux empereurs Philippe, Henri, & Othon, pendant que Frédéric II était jeune encore. Il faut jeter les yeux fur la France, fur l'Angleterre, & fur les intérêts que ces royaumes avaient à démêler avec l'Allemagne.

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Etat de la France & de l'Angleterre, pendant le douzième fiècle, jufqu'au règne de St Louis, de Jean-fans-terre & de Henri III. Grand changement dans l'adminiftration publique en Angleterre &en France. Meurtre de Thomas Becquet, archevêque de Cantorbéri. L'Angleterre devenue province du domaine de Rome, &c. Le pape Innocent III joue les rois de France & d'Angleterre.

LE gouvernement féodal était en vigueur dans

ment féodal. prefque toute l'Europe, & les lois de la chevalerie par-tout à-peu-près les mêmes. Il était furtout établi dans l'Empire, en France, en Angleterre, en Espagne, par les lois des fiefs, que fi le seigneur d'un fief difait à fon homme-lige : Venez-vous- en avec ,, moi, car je veux guerroyer le roi mon feigneur, , qui me dénie juftice : l'homme-lige devait d'abord aller trouver le roi, & lui demander s'il était vrai qu'il eût refufé juftice à ce feigneur. En cas de refus, l'homme-lige devait marcher contre le roi au fervice de ce feigneur, le nombre de jours prefcrits,

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