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les ai placées que dans les endroits où j'ai cru qu'on seroit bien aise de les trouver; j'en ai mis la plus grande partie dans les commencemens de l'ouvrage, parce qu'alors l'esprit n'est pas encore assez accoutumé aux idées principales que je lui offre; enfin, je les ai prises dans mon sujet même, ou assez proche de mon sujet.

Je n'ai rien voulu imaginer sur les habitans des mondes, qui fût entièrement im possible et chimérique. J'ai tâché de dire tom ce qu'on en pouvoit penser raisonnablement, et les visions même que j'ai ajoutées à cela, ont quelque fondement réel. Le vrai et le faux sont mêlés ici; mais ils y sont toujours aisés à distinguer. Je n'en treprends point de justifier un composé si bizarre; c'est-là le point le plus important de cet ouvrage, et c'est cela justement dont je ne puis rendre raison.

Il ne me reste plus, dans cette Préface; qu'à parler à une sorte de personnes; mais

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ce seront peut-être les plus difficiles à contenter, non que l'on n'ait à leur donner de fort bonnes raisons, mais parce qu'ils ont le privilége de ne se payer pas, s'ils ne veulent, de toutes les raisons qui sont bonnes. Ce sont les gens scrupuleux qui pourront s'imaginer qu'il y a du danger, par rapport à la religion, à mettre des habitans ailleurs que sur la terre. Je respecte jusqu'aux délicatesses excessives que l'on a sur le fait de la religion; et celle-là même, je l'aurois respectée au point de ne la vouloir pas choquer dans cet ouvrage, si elle étoit contraire à mon sentiment. Mais ce qui va peut-être vous paroître surprenant, elle ne regarde pas seulement ce systême, où je remplis d'habitans une infinité de mondes. Il ne faut que démêler une petite erreur d'imagination. Quand on vous dit que la lune est habitée, vous vous y re

présentez aussi-tôt des hommes faits nous; et puis, si vous êtes un peu théolo

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gien, vous voilà plein de difficultés. La postérité d'Adam n'a pas pu s'étendre jusques dans la lune, ni envoyer des colonies en ce pays-là. Les hommes qui sont dans la lune ne sont donc pas fils d'Adam. Or, il seroit embarrassant, dans la théologie, qu'il y eût des hommes qui ne descendissent pas de lui. Il n'est pas besoin d'en dire davantage; toutes les difficultés imaginables se réduisent à cela, et les termes qu'il faudroit employer dans une plus longue explication, sont trop dignes de respect pour être mis dans un livre aussi peu grave que celui-ci. L'objection roule donc toute entière sur les hommes de la lune; mais ce sont ceux qui la font, à qui il plaît de mettre des hommes dans la lune. Moi, je n'y en mets point; j'y mets des habitans qui ne sont point du tout des hommes. Que sont-ils donc ? Je ne les ai point yus, ce n'est pas pour les avoir vus que j'en parle; et ne soupçonnez pas que

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ce soit une défaite dont je me serve pour éluder votre objection, que de dire qu'il n'y a point d'hommes dans la lune : vous verrez qu'il est impossible qu'il y en ait, selon l'idée que j'ai de la diversité infinie que la nature doit avoir mise dans ses ouvrages. Cette idée règne dans tout le livre, et elle ne peut être contestée d'aucun philosophe. Ainsi, je crois que je n'entendrai faire cette objection qu'à ceux qui parleront de ces Entretiens, sans les avoir lus. Mais est-ce un sujet de me rassurer? Non, c'en est un au contraire, très-légitime, de craindre que l'objection ne me soit faite de bien des endroits.

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