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X. On se convaincra de plus en plus en touchant aux diverses questions économiques qui divisent les esprits, que c'est presque toujours un parti pris d'avance en faveur de tel ou tel système, qui dicte pour chacune la solution. S'agit-il, par exemple, en économie rurale, de la grande ou petite propriété, de la grande ou petite culture, on se prononce d'abord, selon l'opinion politique à laquelle on appartient. L'aristocratie est d'un côté, la démocratie de l'autre, et les faits mal observés ou dénaturés se groupent derrière les combattants pour les besoins de la cause. Comment arriverait-on ainsi à la vérité? Aussi le doute subsiste-t-il. Nous ne le verrons cesser que le

jour où, au lieu de se contenter d'assertions générales et vagues, on se livrera à une étude tout expérimentale; où mettant en parallèle certains districts de différentes contrées, on les comparera minutieusement, on en énumérera les produits à l'aide d'une statistique exacte. Alors seront constatés les résultats évidents de l'agglomération ou de la dissémination du sol, aussi bien que l'influence de l'une ou de l'autre sur le bien-être des individus, sur la moralité des familles, sur la prospérité générale. La question, à la suite de semblables études répétées avec soin, se trouvera irrévocablement résolue.

XI. Combien s'éclaireront de même toutes les questions relatives à l'impôt qui a été récemment l'objet d'un beau travail où la théorie s'appuie toujours sur l'expérience de la part d'un des membres les plus éminents du Conseil d'État ', et au crédit, cette puissance mystérieuse inconnue des anciens et qui est appelée à exercer chez les modernes une action de plus en plus étendue et décisive sur les affaires de ce monde! Telle, par exemple, celle qui a été soulevée en ces derniers temps relativement à l'unité et

1. M. de Parieu, Traité des impôts considérés sous le rapport historique, économique et politique, en France et dans l'étranger, 5 vol. in-8°.

à la multiplicité des banques. On discuterait sans fin sur la véritable nature du billet de banque, et jusqu'à quel point on peut le confondre avec le billet à ordre. M. Wolowski, dans son beau travail relatif à cet objet', s'est placé nettement sur le terrain des faits antérieurs. Il consulte l'histoire, «qui est, dit avec justesse un autre habile économiste 2, la pierre de touche des théories. Ses arrêts ne sont pas sans doute irrévocables, mais ils sont la voix de l'expérience, et l'économiste ou le politique qui se bouchent les oreilles et se ferment les yeux pour ne pas entendre le passé et ne pas voir le présent, risquent à chaque instant de s'égarer dans les rêves de l'imagination ou dans les abstractions de la logique. » Invoquant ce témoignage, M. Wolowski montre que les gouvernements sont presque toujours intervenus pour limiter ou réglementer l'émission des billets de banque, et sur ce point encore le principe de la liberté absolue rencontre une résistance dont le temps ne fera plus, selon toute apparence, que confirmer la solidité.

XII. Il en est de mème de la question du prêt à

intérêt, dont on s'est vivement préoccupé en dernier lieu dans notre pays. L'école théologique et l'école so

1. La Question des Banques, in-8°, 1861.

2. M. Levasseur, Revue contemporaine, juillet 1864.

cialiste se sont trouvées d'accord pour préconiser la gratuité du prêt; mais proscrire l'intérêt à un taux quelconque, c'est en définitive proscrire le prêt luimême, car sauf en de certains cas où l'on veut être bienfaisant, pourquoi prêterait-on, puisque ce serait perdre le prix qu'on aurait de son capital en l'employant dans un placement, par exemple, dans une maison ou dans quelque établissement qui rapportera un loyer? Ne discutons pas les arguments par lesquels les adversaires de l'intérêt ont appuyé leur théorie; c'est ce qu'ont fait les jurisconsultes, opposant bien souvent l'argutie à l'argutie. Consultons l'expérience; en fait, la société n'a jamais eu égard aux règles qui ont interdit l'intérêt. Elle a toujours considéré que quand nous prêtons, par exemple, à quelqu'un une somme avec laquelle il achètera un cheval, il nous devra un prix de location comme si nous lui avions loué le cheval directement, ce qui aurait pu se faire et ne soulève pas de difficulté.

L'intérêt admis, il faut le régler; mais en fait encore la société, se plaçant dans la vérité économique, s'est toujours jouée des règles ayant pour objet de fixer une limite immuable à l'intérêt. Il s'agit en effet pour elle d'une marchandise soumise à la loi de l'offre et de la demande, et dont le loyer hausse ou baisse suivant les circonstances. Voilà ce qui a tou

jours eu lieu en dépit de la loi limitative. C'est donc celle-ci qui est dans le faux et doit ici faire place au principe de liberté, laissant aux tribunaux à apprécier les abus auxquels peut donner lieu le prêt d'argent, et s'en remettant surtout pour les prévenir à l'action du crédit, à mesure qu'il pénétrera dans la région sociale où il est à peu près inconnu encore et où se trouvent particulièrement les victimes de l'usure.

XIII. Ainsi devra-t-on procéder enfin à l'égard de la question du paupérisme qu'agitent avec anxiété les sociétés modernes. Entre les économistes, plusieurs ne s'en occupent que pour condamner absolument la bienfaisance publique ou privée, pour l'accuser d'agrandir encore la plaie qu'elle veut fermer. Mais la matière a-t-elle été assez complétement étudiée pour qu'il soit possible de poser ici encore une doctrine générale et absolue? Que l'instinct naturel qui nous porte à secourir nos semblables, à avoir pitié de celui qui souffre, s'égare parfois; qu'il contribue, en quelque cas, à alimenter la paresse, à susciter un coupable abandon de soi-même, il n'en faut assurément pas douter; la charité qui est le complément de cet instinct a ses abus qu'on a pu constater et qui ont donné lieu à d'intéressants travaux. Mais de la part de ses adversaires, n'y a-t-il pas parfois une pré

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