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les catégories de la productivité et de l'improductivité; le principe affecte bien entendu le capital, la dépense, la consommation, etc. Où nous mène tout ceci? Le lecteur le comprend et ne s'étonne pas d'entendre Say, qui pourtant croit être arrivé à la démonstration, avouer naïvement que pour défendre contre toutes les critiques dont ont été l'objet les principes établis dans son premier livre (production des richesses), il lui eût fallu en doubler le volume (t. I, p. 37).

II. Mais si, laissant un instant à l'écart cet être de raison qu'on appelle la richesse, nous nous référons à l'observation des faits, nous voyons que l'examen de la société à son berceau nous présente l'homme appliquant de prime abord son intelligence et ses bras au sol qu'il habite, aux objets qui l'entourent pour les approprier à ses besoins. Voilà le travail; les résultats du travail sont des produits; ces produits, quand ils existent, se combinent, se décomposent, se transforment, se distribuent, s'échangent, se transportent, s'immobilisent et s'absorbent tour à tour; la science qui révèle les lois d'après lesquelles s'effectue cette évolution des produits du travail pour accroître la puissance de l'État et le bien-être individuel, c'est l'économie politique. En de moindres termes, elle est la science du travail, définition déjà

adoptée par quelques autres économistes, notamment par M. Frédéric Passy dans ses remarquables leçons d'économie politique faites à Montpellier en 1860. Voilà une donnée simple et claire, de nature à être, ce nous semble, généralement acceptée. Nous trompons-nous, ou ne serait-il pas vrai qu'on sort ainsi du domaine de l'abstraction pour entrer sur le terrain de la réalité où les difficultés s'aplanissent?

III. La question de la valeur, par exemple, sur laquelle on a tant écrit et dont Rossi a dit : « qu'à cet égard les auteurs se contredisent, émettent des propositions vagues, complexes et mal définies, qui jettent de l'obscurité dans les déductions et de l'incertitude dans les résultats pratiques '. » Cette question, disons-nous, s'éclaircit. D'où vient l'embarras, en effet? C'est qu'on a voulu voir une conception métaphysique où il n'y a, dans le fait, que l'expression du rapport des produits à l'emploi qui en est fait. La valeur n'est rien qui existe par soi-même, en dehors des objets, et l'on voit ainsi la vanité des recherches qui ont pour but d'en trouver l'essence et la mesure.

IV.- Le luxe, autre texte de dissertations sans fin, s'expliquera aussi sans difficulté. Que montrent les faits? 1. Ibid., liv. I.

C'est qu'une certaine nature de produits qui résultent du génie même de l'homme existent forcément et se placent au rang des plus grands intérêts de l'association. A quoi bon subtiliser pour savoir si ces produits sont de la richesse ou n'en sont pas. Ils existent, ils ajoutent à la splendeur des États; ils font la gloire de leurs auteurs; ils forment des valeurs considérables qui s'échangent plus rarement, plus difficilement à la vérité, qui circulent moins bien que les autres, et c'est en ce point-là qu'elles different, qu'elles sont, pourrait-on dire, inférieures sous le rapport économique; mais rien ne les distingue à tous autres égards. Ajoutons que ces produits contribuent à amener la diffusion des capitaux que la marche de la société tend à concentrer dans les mêmes mains. Il ne s'agit pas d'examiner l'influence du luxe sur les mœurs; autre question qui n'a que faire ici et que nous laissons à la philosophie morale. Nous disons simplement que des meubles, des bijoux de prix, des objets d'art recherchés, font sortir du trésor des riches des sommes qui se versent et se répandent parmi les masses, comme l'eau du ciel sur les champs et les prés, pour y féconder le travail, créer des salaires et des profits, augmenter le bien-être général. Assurément c'est là un fait économique que nul ne saurait contester.

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V.- Un patient examen de toutes les autres questions que présente la science, produira toujours ce même résultat, à savoir que le dissentiment a essentiellement son origine dans ce point de vue exclusif où l'on se pose pour les examiner. On s'entendrait bientôt si l'on s'en tenait à l'observation des faits; mais l'on procède d'un principe absolu, et le désaccord commence. Ainsi est-il arrivé relativement à ce libre échange, devenu en ces derniers temps l'objet d'une controverse active et animée à laquelle se sont mêlés plusieurs écrivains, et où notamment Bastiat a apporté tant de verve et d'esprit. Indubitablement, à l'origine de la société, l'homme choisit, comme il

lui plaît, les objets de son travail, et en échange sans aucune gêne les simples produits. Voilà le fait fondamental. Ainsi, tandis que nous avons débuté dans la formation de la société politique par l'autorité, ici nous débutons par la liberté. C'est l'inverse de ce qui s'est passé, il importe au plus haut degré de le remarquer. Mais de même qu'on voyait alors la liberté se présenter immédiatement pour tempérer l'autorité, de même on voit ici la liberté bientôt tempérée par l'autorité, de telle sorte qu'un régime absolu n'a pas plus de réalité dans un cas que dans l'autre. En effet, on reconnaît qu'à mesure que la société se développe, il se manifeste des circonstances de diverse nature, qui l'amènent à gêner cette liberté primitive des transactions. Ce sont des restrictions ou des prohibitions en faveur du travail intérieur contre la concurrence que vient lui faire le travail étranger. Ces faits se présentent partout, et il n'est guère d'État qui n'ait passé par là. Mais une étude attentive montre que cette action restrictive ou prohibitive s'accomplit parfois sans règle et sans mesure comme une pratique que n'éclaire point la science, et qui subsiste alors que les faits ont changé et qu'elle n'a plus de raison d'être; avec le temps la lumière se fait; on trouve qu'il y a ici deux intérêts en présence, intérêt de production, intérêt de consommation. Quand le

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