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à peine applicables à un Néron, à un malfaiteur notoire, à un filou vulgaire !...

L'histoire politique offre partout des circonstances où la liberté de la presse a exercé son action puissante sur les destinées des États, et est devenue un agent efficace de renversement; il n'y aurait aucune bonne foi à nier ceci. C'est à elle surtout que Châteaubriand songeait quand il disait de l'acte additionnel aux constitutions de l'empire de 1815, qu'il renfermait assez de liberté pour qu'on pût se promettre de renverser bientôt avec cette aide le gouvernement impérial 1.

On voit ainsi comment les pouvoirs publics peuvent être amenés, non-seulement à punir, mais aussi à empêcher, si faire se peut, ces excès de la presse qui deviennent parfois l'origine d'un immense danger pour la société. On l'a bien vu après 1848; qui doute que les diatribes socialistes de la presse populaire de cette époque, ces absurdités qui n'eussent ému personne à Londres ou à New-York, n'aient puissamment contribué à mettre les armes aux mains des ouvriers des faubourgs, à livrer Paris à une longue et sanglante émeute? Sans doute on détruisit cette presse à la suite de ces épouvantables événements, mais le mal était fait.

1. La Monarchie selon la Charte, in-8°.

Il n'y a donc là rien d'absolu. Il faut étudier avec attention les faits existants et en tenir compte. On peut être assuré qu'à un moment donné le pouvoir quel qu'il soit, monarchique ou républicain, agira absolument de même, c'est-à-dire qu'il s'efforcera de prévenir, de façon ou d'autre, les excès compromettants de la presse, qu'il tâchera de la comprimer, de l'intimider pour un temps, jusqu'au retour de ces situations de l'opinion où la liberté d'écrire s'assimile à la liberté de parler et ne saurait avoir de pires effets (LXII).

En définitive, la liberté de la presse et les autres deviennent en certaines circonstances pour les partis un levier puissant. Il faut s'en défier. Souvent, situation étrange! on est parfaitement d'accord au fond, sur les questions. Ainsi, en France, par exemple, quels esprits n'ont des tendances libérales? Qui ne veut, depuis le souverain jusqu'au plus infime de ses sujets, le complément de cette existence sagement, pacifiquement libre dont jouit l'Angleterre? Nul dissentiment au fond; ce qui divise, c'est l'opportunité des changements à opérer. Les uns craignent en les concédant de donner des armes à l'esprit de renversement qui n'est que trop bien représenté dans notre pays, tandis que d'autres pensent au contraire qu'on lui fournit un aliment en les refusant. Tel est le pro

blème; l'histoire du passé peut seule aider à le résoudre. Ce qu'elle montre clairement, c'est que la liberté ressemble fort à la voile d'une barque voguant sur l'onde agitée. Enflée à propos, elle fait marcher rapidement l'esquif. Mais les vents contraignent parfois le nautonnier à la replier, car il n'est point de gouvernail qui pût tenir contre leur fureur et l'empêcher de chavirer.

RIVE

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I. -Née ou tout au moins définitivement fondée au dix-huitième siècle, l'économie politique devait dès le début adopter une marche plus conforme à la véritable méthode. C'est en effet l'observation de la société qu'elle a pour base dans ses premiers travaux, notamment dans ce livre resté classique et qui a valu à son auteur, Adam Smith une si haute renommée. Ceux qui sont venus après l'illustre Anglais se sont attachés à suivre ses errements et sont arrivés à d'importantes solutions. Peut-on dire toutefois que la science se soit complétement soustraite à l'esprit de

1. Inquiry into the nature and causes of the Wealth of nations, 1776.

système, qu'elle n'ait pas, elle aussi, incliné parfois vers les thèses abstraites, vers les discussions oiseuses? Non certes, et de là sans doute ces dissentiments profonds qui subsistent sur divers points entre les maîtres. Les traités d'économie politique se succèdent; le nombre en est aujourd'hui considérable; tous sont discordants entre eux à certains égards. Il y a quarante ans, un écrivain qu'on peut consulter encore avec fruit, Ganilh, disait' en général des écrits spéciaux sur l'économie politique : « Si quelques-uns sont d'accord sur quelques points, ils sont contraires sur d'autres, et presque tous diffèrent sur le plus grand nombre, tellement qu'on ferait de vains efforts pour les concilier, les ramener à des points communs, et en déduire une doctrine générale. » Depuis cette époque, d'autres écrivains sont entrés en lice; J.-B, Say, Rossi, Mac-Culloch, Storch, Mill, etc., ont publié leurs traités. Les choses ont-elles notablement changé? L'accord est-il enfin rétabli? Il est facile de voir qu'il n'en est rien, et l'on sait combien ces dissidences ont été fatales en jetant dans l'esprit de nombre de personnes du discrédit sur la science elle-même, néanmoins si importante et si utile, et assurément trop peu cultivée dans notre pays.

« L'économie politique a ses doutes, ses mécomp

1. Des Systèmes d'économie politique, t. I, x1x.

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