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CHAPITRE XXVII

(SUITE)

XIV. LA MONARCHIE.-XV. LE GOUVERNEMENT PARLEMENTAIRE.

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XIV. La forme monarchique a pour elle une longue et générale consécration. Elle est, par les raisons qui viennent d'être exposées, la forme normale et primitive de la société politique; qu'elle ait des abus, des vices inhérents à l'institution même, nul ne le conteste; mais la société n'est pas parfaite et le gouvernement qui la régit ne saurait jamais être parfait non plus. Malgré ses défectuosités radicales, amendée comme elle l'a été par les modernes, il faut reconnaître qu'elle remplit plus facilement et mieux que la forme républicaine le double but que poursuit la société, à savoir une sage combinaison d'ordre et de liberté, qui la fait vivre et prospérer. Ses adversaires

veulent voir son unique fondement dans la violence, et l'usurpation dans la conquête; mais il n'en est rien; il s'en faut assurément que le premier roi ait toujours été un soldat heureux. L'étude attentive des premiers temps historiques montre que bien souvent l'institution de la royauté fut librement adoptée, parce qu'on en avait besoin. Écoutons Hérodote1. «Il y avait chez les Mèdes, selon le père de l'histoire, un homme appelé Déjocès, qui s'était fait une grande réputation par la manière équitable dont il prononçait sur les différends volontairement déférés à son jugement. Les clients accouraient de toutes parts; mais quand Déjocès vit qu'il supportait tout le poids des affaires publiques, alléguant qu'il faisait tort aux siennes propres, il renonça à ces fonctions de juge suprême qu'on lui avait conférées. Alors les brigandages et l'anarchie régnèrent dans les bourgades avec plus de violence que jamais. Les Mèdes s'assemblèrent et tinrent conseil sur l'état des choses. Les amis de Déjocès y parlèrent, comme je le pense, à peu près en ces termes « Puisque la vie que nous menons ne nous << permet plus d'habiter ce pays, choisissons un roi; <<< alors la Médie sera gouvernée par de bonnes lois «<et nous pourrons cultiver en paix nos campagnes, << sans craindre d'en être chassés par l'injustice et la

1. Hist, liv. 1.

<< violence. » Ce discours persuada les Mèdes de se donner un roi. Aussitôt on délibéra sur le choix : toutes les louanges, tous les suffrages se réunirent en faveur de Déjocès. Il fut élu roi d'un consentement

unanime.»

Voilà comment les choses se sont fréquemment passées. C'est qu'on ne remplacera jamais dans la pensée publique cet incomparable élément de stabilité que présente la monarchie; de là vient qu'on la préfère, qu'on y revient après avoir essayé de s'en passer. La société le peut, comme nous l'avons vu plus haut, quand il existe des classes supérieures puissantes et dont l'influence est prédominante; mais alors il arrive que les classes inférieures, qui ont d'ordinaire sous ce régime à supporter un joug oppressif, tendent à amener la royauté, si elle n'existe pas, à la fortifier, à l'étendre aux dépens de cette domination aristocratique ou oligarchique qui pèse sur elles, si elle existe mais faible encore. C'est ainsi qu'on voit en Europe, depuis les siècles du moyen âge, le peuple presque toujours uni à la royauté restreinte par l'organisation féodale, viser à la grandir et parvenir enfin à la rendre entièrement victorieuse de son adversaire; et de la sorte s'introduit l'élément représentatif qui en fait un gouvernement entièrement nouveau que les anciens avaient pressenti, comme on le voit, par quelques passages de

leurs écrivains. « Le plus parfait des gouvernements, dit le grand historien Polybe', ne serait-il pas celui dont les parties intégrantes se serviraient mutuellement de contre-poids; où l'autorité du peuple réprimerait la trop grande puissance des rois, et où un sénat élu et nullement dans la dépendance du prince, mettrait un frein à la licence du peuple. ›

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Voilà bien les éléments de cette monarchie tempérée dont l'abbé Sieyes, pourtant destiné à concourir plus tard à l'élaboration de trois constitutions républicaines, disait en 1791: « Il m'est démontré qu'il y a plus de liberté pour le citoyen dans la monarchie que dans la république. » (Moniteur du 6 juillet.)

Les anciens ne connurent jamais, en effet, rien de pareil. Dans les républiques de l'antiquité, les droits étaient directement exercés par ceux qui les possédaient, et l'on n'y voit nulle trace de ces corps électifs qui jouent parmi nous un si grand rôle; mais dans notre Europe centrale et occidentale, il faudrait remonter loin pour retrouver les origines de ces institutions représentatives en général annexées à l'ordre monarchique. Leurs phases diverses forment un des plus intéressants chapitres de nos annales. Nous y rencontrons une série d'établissements célèbres, ces diètes, ces

1. Liv. VI.

cortès, ces états généraux, auxquels doit tant la liberté et qui forment l'intermédiaire jusqu'aux assemblées de ces derniers temps.

L'élément représentatif repose sur la délégation. Ne nous arrêtons pas à la discussion du principe. Les partisans des théories absolues l'ont nié. Rousseau n'admet pas que le droit puisse être délégué. Il veut qu'il soit directement exercé comme à Athènes et à Rome. Ses disciples, les auteurs de la constitution de 1793, en statuant que la souveraineté réside dans le peuple, renvoyaient pour appliquer le principe, les projets de loi à toutes les communes de la République qui avaient à en délibérer (art. 58 et 59). Cela était conséquent, mais, on en conviendra, bien absurde. Conçoit-on ce qu'il y aurait d'extravagant aujourd'hui à vouloir que les lois quelconques, celles qui ont pour objet un chemin de fer, un tarif, une levée d'hommes, etc., fussent soumises à la discussion dans les trente-sept mille communes de l'empire? Aussi faut-il dire qu'on n'a jamais essayé de mettre à exécution cet acte insensé.

XV. Parmi les formes diverses que peut prendre le gouvernement représentatif, nulle n'a donné lieu de nos jours à une plus vive et intéressante controverse que celle qu'on désigne plus particulièrement

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