CHOISIES, MISES EN VERS PAR J. DE LA FONTAINE, ➜000000000000000000000000004 TOME PREMIER. A BOUILLON, M. D C C. LXXV I. 254.345-B 1 DE LA FABLE ET DES FABULISTES EN GÉNÉRAL ET DE LA FONTAINE EN PARTICULIER. C'est à la tyrannie que l'allégorie doit fà naiffa Un célebre philofophe de nos jours, en parlant de l'efclavage des Orientaux, a dit que chez les peuples qui ont perdu leur liberté, qui n'ofent aborder, qu'en tremblant, leur maître, qui favent qu'on ne lui peut exposer ouvertement les befoins & les fouffrances de fes fujets; la Vérité n'ofant heurter de front l'oreille du defpote, cherche des détours pour fe faire entendre, & le a u revêt du voile de la Fiction. On voit, par là, que l'origine de l'Apologue fe perd dans la nuit des temps; en effet, dès les premiers jours du monde, pour ainfi dire, il y a eu des tyrans & des efclaves. On convient généralement que ce genre a été inventé en Afic car cette belle partie de la terre eft le berceau de toutes les fciences dont les autres s'honorent. Religion, mythologie, art d'écrire, typographie, géométrie, aftronomie, &c, nous renons tout des Afiatiques. Ce qui étonne, c'est qu'avec autant de génie, d'imagination & de talents, les habitants de ce vaste continent n'aient jamais élevé leurs regards jufqu'à la liberté; on fait que, de temps immémorial, tout y eft esclave: ce qui étonne plus encore, lorfqu'on confidere le fort des empires Afiatiques, c'eft que dans cette immenfe férie de révolutions, qui ne nous préfente par-tout que des rois détrônés par des rebelles, on n'en trouve aucune dont le chef ait eu l'intérêt des peuples pour objet; on voit toujours un tyran fuccéder à un autre tyran, & le defpotifme s'af |