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POLYBIBLION

REVUE BIBLIOGRAPHIQUE UNIVERSELLE

ROMANS, CONTES ET NOUVELLES

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La Dame noire de
Ameline

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du

Jeanne

La grande Vestale, par M ALLARA-NIGRA. Paris, Dentu, 1875, in-18 j. de 288 p. 3 fr. Le Chariot d'or, par HENRY CAUVAIN. Paris, Lecoffre, 1875, in-18 j. de 344 p. 2 fr. Le capitaine Gueule-d'Acier, par CHARLES BUET. Paris, Téqui (Euvre de Saint-Michel), 1875, in-18 j. de 350 p. 2 fr. 50. Myans, par LE MÈME. Paris, Olmer, 1875, in-18 j. de 280 p. 3 fr. Bourg, par ALFRED FRANKLIN. Paris, Sandoz & Fischbacher, 1875, in-12 de 297 p. 3 fr. Un drame sous Catherine II, par le prince JOSEPH LUBOMIRSKI. Paris, Didier, 1875, in-12 de 315 p. 3 fr. Maitre Olivier, épisode du temps de la Terreur en Alsace, par CHARLES DUBOIS. Paris, A. Le Clère, 1875, in-18 j. de 325 p. 2 fr. Les Mille et une Nuits parisiennes, par ARSENE HOUSSAYE, Paris, Dentu. 1875, 4 vol. in-8 illustrés, de 396, 382, 380 et 384 p. 20 fr. Renée Mauperin, par EDMOND & JULES DE GONCOURT. Paris, A. Lemerre, 1875, in-12 de 278 p. (édition elzévirienne), 6 fr. Silex, par HENRY DE LA MADELEINE. Paris, Charpentier, in-12 de 300 p. 3 fr. 50. Flamarande, par GEORGE SAND. Paris, Michel Lévy, 1875, in-18 j. de 323 p. 3 fr. 50. Le Bleuet, par GUSTAVE HALLER, Paris, Michel Lévy, 1875, in-18 j. de 233 p. 3 fr. 50. Carmela, par la princesse OLGA CANTACUZÈNE. Paris, E. Paul, 1875, 2 vol. in-12 de 344 et 368 p. 6 fr. La Loi qui tue, par CAMILLE DELAVILLE. Paris, Amyot, 1875, in-18 j. de 497 p. 3 fr. Benedicte, par S. BLANDY. Paris, Didier, 1875, in-12 de 340 p. 3 fr. et Germaine, par Mae la comtesse DE MIRABEAU. Paris, Didier, 1875, in-12 de 320 p. 3 fr. Mademoiselle de Petit-Vallon, par MATHIEU WITCHE Paris, Dillet, 1875, in-18 j. de 250 p. 2 fr. La Bande Cadet, par PAUL FÉVAL. Paris, Dentu, 1875, 2 vol. in-18 j. de 372 et 355 p. 6 fr. Le Chevalier Ténèbre, par LE MÊME. Paris, Dentu, in-18 j. de 374 p. 3 fr. Mannequin, par H. ESCOFFIER. Paris, Dentu, 1875, in-18 j. de 332 p. 3 fr. La Piste du crime, par WILKIE COLLINS, traduit de l'anglais par CAMILLE DE CENDREY. Paris, Hachette, 1875, 2 vol. in-18 j., de 280 et 288 p. 2 fr. 50. - Patira, par RAOUL DE NAVERY. Paris, Ch. Blériot, 1875, in-18 de 415 p. 3 fr. Les Convoitises, par TONY RÉVILLON. Paris, Dentu, 1875, in-18 j. de 426 p. 3 fr. Docteur Or, par JULES VERNE. Paris, Hetzel, 1875, in-18 j. de 304 p. 3 fr. Borgnesse de la Guillotière, par LOUIS THIABAUD. Paris, Degorce-Cadot, 1875, in-18 j. de 230 p. 1 fr. 50. Une semaine au château de Kernoz, par la marquise DE LONGUERUE. Paris, A. Ghio, 1875, in-18 de 202 p. 3 fr. Jeux de plume, par JULES D'ARGIS. Paris, Librairie de la Société des gens de lettres, 1875, in-32 de 212 p. Le Roi d'une ile déserte, par A. CHALLAMEL, Paris, même librairie, 1875, in-32 de 200 p. 75 cent. - Contes du printemps, par EMILE RICHEBOURG. Paris, E. Plon, 3 vol. in-32 de chacun 188 p. à 75 cent. Contes d'été, par LE MÊME. Paris, même librairie, 1875, 3 vol. in-32 de chacun 188 p. de 75 cent.

75 cent.

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Comme d'habitude, nous commençons notre revue semestriellepar les romans historiques.

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Le

Le

La

Voici la Grande-Vestale de Mme Allara-Nigra, œuvre à prétentions, que l'auteur a dédiée à M. Jules Sandeau, de l'Académie française. Le sujet n'est pas neuf, et il a été traité, l'an dernier, d'une façon magistrale, dans les Juifs de la porte Capène, par M. Quinton (d'Orléans). La grande vestale est cette célèbre Cornélia qui fut condamnée à être enterrée vive pour avoir violé ses vœux de chasteté.

M Allara-Nigra suppose, au contraire, que Cornélia resta vierge et qu'elle fut condamnée à l'horrible supplice précisément pour avoir résisté à la passion sacrilége de l'empereur Domitien. Ce qui n'empêchait pas la prêtresse de Vesta de brûler, d'un feu pur il est vrai, mais ardent et incandescent pour le patricien Lucinianus, tribun du peuple. Cette lutte entre Lucinianus et Domitien donne au roman une certaine vie. Sans cela, il serait froid, ennuyeux; d'autant que Mme AllaraNigra, probablement très-ferrée sur l'histoire ancienne, n'a pas épargné les expressions latines, afin de faire mieux comprendre les mœurs de l'époque. En ceci, elle prouve son érudition, mais elle déroute souvent le lecteur. Nonobstant, Cornélia est une grande figure, chaste et passionnée, fière et tendre, une vraie Romaine. Dans ce roman, M Allara-Nigra ne souffle mot des chrétiens. On dirait qu'ils n'existaient pas, et, déjà pourtant, le christianisme avait des adhérents dans la maison même des Césars. Mais pas de chicane : le silence vaut encore mieux que des impiétés ou des blasphèmes.

- Le Chariot d'or nous transporte en plein quinzième siècle. Les Anglais occupent encore une partie de la Normandie et de la Bretagne. Charles VII est rempli de bonne volonté. Il ne demanderait pas mieux que de compléter l'œuvre patriotique commencée par Jeanne d'Arc. Mais, s'il est vrai que l'argent est le nerf de l'intrigue, il n'en est pas moins certain que l'argent est aussi le nerf de la guerre. Le connétable de Richemont écrit au roi que les troupes, faute de solde, ont beaucoup à souffrir de la campagne entreprise contre les Anglais. Comment les payer? Où prendre l'argent? L'argent ne manquera point. Jacques Coeur, le grand patriote, sous la robe bourgeoise duquel bat une âme de gentilhomme, fournit au roi les sommes nécessaires, et elles sont considérables. Comment transporter cet argent de Bourges en Normandie, par ces temps de tuchins et de routiers? On le met dans un chariot couvert de foin, de planches et de bois de chauffage. C'est le Chariot d'or. La direction du convoi est confiée à Didier de Malforest. Il se déguise en paysan, et à la garde de Dieu! Hélas! il ne tarde pas à être attaqué, et par son propre père, Guillaume de Malforest, le chef des Écorcheurs. Celui-ci est à la dévotion d'un chevalier félon, le sire Raoul de Maubraye, qui veut accaparer à son profit l'argent prêté par Jacques Cœur à la France. Le jeune Didier est laissé pour mort par les truands. Et le chariot d'or? Il est perdu? Non, grâce au dévouement d'une jeune égyptienne, Aïda, qui joue, dans le roman de M. Cauvain, le rôle d'une nouvelle bergère de Domremy. Bientôt, le Chariot d'or se retrouve; il arrive intact au camp du connétable, et le traître Maubraye, démasqué, reconnu, est tué en duel par Didier de Malforest. M. Cauvain ressuscite avec bonheur l'histoire du spectre de la forêt du Mans, qui

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provoqua la folie de Charles VI. Il décrit aussi avec beaucoup de vérité les Mystères et les Sotties des confrères de la Passion. Jamais, non plus, il ne sacrifie la vérité historique à la fantasque imagination. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y ait pas d'imagination dans le Chariot d'or.

- Ces précieuses qualités sont, à un degré plus éminent encore, l'apanage de M. Charles Buet. L'auteur des Gentilshommes de la Cuiller poursuit, avec un succès toujours croissant, ses narrations historiques. Cette fois, il nous donne le Capitaine Gueule-d'Acier et la Dame noire de Myans. Le Capitaine Gueule-d'Acier fait suite aux Gentilshommes de la Cuiller, et nous initie aux tristes mystères de l'établissement du protestantisme à Genève. L'auteur nous montre, dans leur déshabillé, et l'implacable Calvin, et l'envieux Farel, et l'onctueux Viret. Quels vilains hommes! Quelle froide hypocrisie! Quelle abominable astuce ! Évidemment, Audin a ici beaucoup servi à M. Buet. Mais celui-ci a eu le talent d'encadrer les documents historiques de l'érudit dans un drame des plus émouvants. Ce capitaine Gueule-d'Acier, qui répand partout l'épouvante, que l'on croit être un corsaire barbaresque, le fantôme de quelque huguenot qui se venge, le diable en personne, n'est autre qu'Urbain Talichet, le chef de ces protestants de Savoie, qui lutta si longtemps contre le brave Maudrant, le bras droit catholique des Gentilshommes de la Cuiller. Gueule-d'Acier se venge, lui aussi; il se venge de tout et de tous, même de sa famille et de sa mère, la vieille Gudule, une mégère fanatisée par Calvin, laquelle, pourtant, sur ses derniers jours, revient à la vraie foi. Miracle dest miracles, accompli par un ange de vertus et de grâces, Marcelle Bernard! Ce nouveau livre de M. Charles Buet a une valeur réelle. Il y a des tableaux à la Salvator Rosa et des situations exceptionnellement attachantes. Nous le préférons, comme conception et comme exécution, à la Dame noire de Myans. Ce n'est pas, certes, que la Dame noire soit sans mérite. Mais elle est moins fouillée, moins travaillée. Signalons toutefois une belle page : c'est l'écroulement du mont Granier sous les incantations d'un affreux sorcier, Haroun -bel-Adel. Le mont Granier se coupe en deux, et la vierge éthiopienne, la vierge noire, œuvre de saint Luc l'évangéliste, reste intacte dans sa niche au-dessus de l'immense précipice. M. Buet, dans ce récit légendaire, a fait trèsingénieusement intervenir la magie, la sorcellerie et les autres sciences occultes. Inutile d'ajouter que M. Buet est un romancier absolument catholique, et qu'il n'est pas tendre pour le protestantisme quand il le rencontre sur son passage.

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Tout autre est le cas de M. Alfred Franklin. Très-modérée dans la forme, son Ameline Du Bourg est, au fond, un violent pamphlet contre le culte et les croyances catholiques. Cette Ame

line est la fille du célèbre Anne Du Bourg, conseiller au Parlement, dont la conduite fut si équivoque. M. Franklin en fait un martyr, victime de l'Inquisition, représentée à Paris dans la personne d'un certain Antoine de Mouchy, cafard et cruel. Le livre s'ouvre par la grillade de deux hérétiques en place de Grève, et c'est le cardinal de Lorraine qui allume le bûcher. Ab uno disce omnes. Tous les catholiques mis en scène dans Ameline Dubourg ne valent pas cher: tous les protestants, au contraire, sont de petits saints. Du milieu de ces antithèses injustifiées, émerge la figure rabelaisienne de « l'escholier »> François Morel, amoureux de la belle Ameline. Morel (et encore pas jusqu'à la fin) est le personnage vraiment sympathique du roman. M. Franklin a publié un grand nombre d'ouvrages d'érudition sur le vieux Paris et ses anciennes bibliothèques. Nous préférons l'érudit au romancier.

Passons au dix-huitième siècle. Dans Un drame sous Catherine 11, le prince Joseph Lubomirski évoque devant nous la société russe sous le règne d'une femme qu'on a trop légèrement qualifiée de Grande, car elle fut l'esclave de ses passions et se laissa constamment dominer par ce que Michelet appelle, dans son langage terriblement réaliste, « la fatalité du ventre. » Et, à ce propos, nous estimons que le prince Lubomirski a peint un peu trop crûment certains épisodes de la cour dissolue où brillaient les Orloff et les Potemkin. Le drame, en luimême, est l'histoire d'une mystérieuse et vaillante aventurière qui, sous le nom de princesse Tarakanoff et en se présentant comme la fille de l'impératrice Élisabeth, faillit ébranler le trône de Catherine. Celle-ci tint bon cependant, et, quand sa rivale tomba entre ses mains, la Goule du Nord la brisa comme verre. La princesse Tarakanof fut noyée dans le cachot de la forteresse de Saint-Pétersbourg, sous les flots de la Néva débordée. Était-elle réellement une aventurière ? ou le fruit d'un mariage clandestin entre Élisabeth et le feld-maréchal Razomowski? L'auteur d'Un drame ne se prononce pas. Il se contente de broder, sur ce canevas, un roman fort curieux, toutes réserves faites.

- Maître Olivier, de M. Charles Dubois, a des visées moins hautes. Il s'agit tout simplement ici d'un fermier que l'amour de l'or rend malhonnête et que le retour à la foi ramène au bien, à la probité, à la passion de la justice. Nous sommes en pleine Révolution, en Alsace, dans cette Alsace qui fut alors, comme elle l'est encore aujourd'hui, malgré tout, si française et si chrétienne. Le comte d'Apremont a été forcé d'émigrer. Maître Olivier, son fermier, achète à vil prix le château d'Apremont et ses dépendances. Tout d'abord, on suppose en lui une grande générosité. On croit qu'il a acheté pour restituer plus tard aux vrais propriétaires. Il n'en est rien. Influencé par son fils, le Rougeaud, mau

vais drôle, gangrené par les nouvelles doctrines, maître Olivier a bel et bien acheté pour lui le domaine d'Apremont. Heureusement, la fatale influence du Rougeaud est neutralisée par la céleste influence de Jeanne, fille d'un second lit du fermier ambitieux et coupable. L'ange l'emporte sur le démon, et maître Olivier répare noblement sa faute. Ce que la Révolution fut en Alsace, elle le fut partout. Aussi ne saurait-on trop répandre l'excellent roman de M. Charles Dubois. Il a sa place marquée dans les bibliothèques paroissiales, à côté des consciencieuses et utiles productions d'Edmond Lafond, de M. de Melun, d'Antonin Rondelet, et de Jean Loyseau. Maître Olivier est un livre de propagande, de nature à inspirer une horreur profonde pour l'époque révolutionnaire.

-Abordons maintenant les romans de moeurs, lesquels mentent quelquefois à leur titre. Par exemple, il faut bien se garder de mettre entre toutes les mains les Mille et une nuits parisiennes, de M. Arsène Houssaye. On y nage en plein dans le demi-monde et même dans le quart de monde. M. Arsène Houssaye est une sorte de Pétrone moderne qui, avec les meilleures intentions (il le dit du moins), fouille, farfouille et s'arrête plus qu'il ne convient dans les boudoirs et les alcoves. Les sous-titres seuls des Mille et une nuits parisiennes sont des indications suffisantes. En voici quelques-uns: Le marquis de Satanas, le Péché de Jeanne, la Confession de Caroline, la Princesse aux grains de beauté, la Dame au diamants, Un ange sur terre. Par exemple, je proteste contre ce dernier titre. Il faudrait dire : Un diable sur terre. Il est vrai que l'héroïne est blonde, qu'elle possède une figure angélique, et qu'elle a les yeux des madones de Raphael. Mais elle a une âme de diablesse rougie à tous les feux d'enfer. C'est un séraphin de corruption et de perdition. Elle enlace dans ses filets perfides le brave capitaine Fleuriot, qui la prend pour femme. Une fois mariée, le masque séraphique tombe. L'ange-démon ruine son mari, ruine sa fa mille, se livre ostensiblement à la galanterie folle. Fleuriot apprend tout, et meurt des infidélités de Dalila. Celle-ci contemple son agonie avec un sourire démoniaque. Rien de poignant comme la lutte entre cet homme de droiture et cette femme, vipère au masque de vierge. Evidemment, en ce cas, la moralité est dans l'horreur qu'inspirent les faits eux-mêmes. Mais il n'en est pas ainsi du Péché de Jeanne et de la Confession de Caroline, pas plus que des autres Nuits parisiennes dont M. Arsène Houssaye nous raconte les mystères. Le mundus muliebris y est pris sans doute sur le vif de ses vices, de ses vanités, de ses passions stériles et vénales. On y voit de grandes dames (des grandes dames à la façon de celles de la Tour de Nesle) y disputer leurs soupirants à des courtisanes. On y rencontre de prétendues princesses, Danaés peu mythologiques, se faisant enlever par

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