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les deux espèces de vers, un masculin après un féminin ou deux masculins de même rime entre deux féminins qui riment ensemble, ou vice versa, on a ce que l'on appelle des rimes croisées.

Le chêne un jour dit au roseau :
Vous avez bien sujet d'accuser la nature.
Un roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent qui d'aventure
Fait rider la face de l'eau

Vous oblige à baisser la tête;
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d'arrêter les rayons du soleil,
Brave l'effort de la tempête.

715.

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Un vers féminin alternant avec un

vers masculin.

Deux vers masculins de même rime séparant deux féminins qui riment ensemble.

(LA FONTAINE, Fables.)

On appelle rimes redoublées un certain nombre de rimes semblables qui se suivent sans interruption :

716.

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Dans cette retraite chérie

De la sagesse et du plaisir,
Avec quel goût je vais cueillir
La première épine fleurie!
Avec les fleurs dont la prairie
A chaque instant va s'embellir,
Mon âme trop longtemps flétrie
Va de nouveau s'épanouir,
Et, loin de toute rêverie,
Voltiger avec le zéphir.

(GRESSET, Épître sur sa convalescence.)

On appelle rimes mêlées celles qui ne se suc

cèdent pas dans un ordre uniforme.

La Fontaine en offre beaucoup d'exemples dans ses fables.

Une hirondelle en ses voyages

Rimes

Avait beaucoup appris. Quiconque a beaucoup vu

croisées.

Celle-ci prévoyait jusqu'aux moindres orages,

717.

Peut avoir beaucoup retenu.

Et, devant qu'ils fussent éclos,

Les annonçait aux matelots.

Rimes

plates.

A propos de la rime, il faut observer les règles suivantes :

1o Les deux hémistiches d'un même vers ne doivent pas rimer ensemble.

2o La fin d'un vers ne doit pas rimer avec le premier hémistiche du vers suivant.

3o Les deux premiers hémistiches de deux vers consécu tifs ne doivent pas rimer entre eux.

718. De la lecture des vers. Lorsqu'on lit des vers à haute voix, on doit éviter de marquer la césure et la rime. On doit s'appliquer souvent au contraire à les faire disparaître, sous peine de rendre la lecture d'une pièce de vers monotone et fastidieuse.

De l'Hiatus.

719. On appelle hiatus la consonance résultant de la rencontre d'une voyelle finale sonore qui termine un mot, avec la voyelle initiale du mot suivant.

Exemple: Il a été irrité. La voyelle a et l'é initial de été forment un hiatus. L'é final de été et l'i initial de irrité en forment un autre.

L'hiatus est complètement banni des vers français.

Gardez qu'une voyelle à courir trop hâtée
Ne soit d'une voyelle en son chemin heurtée.

(BOILEAU, Art poétique.)

De l'Enjambement.

720. On appelle emjambement ou rejet la construction grammaticale qui consiste à couper une proposition en deux parties, dont la première termine un vers, et dont la seconde, commençant le vers suivant, est indispensable pour l'intelligence du sens de la première.

Et fait si bien qu'il déracine

Celui de qui la tête au ciel était voisine.

(LA FONTAINE, Le Chêne et le Roseau.)

Le rejet au second vers du mot celui, complément direct de déracine, constitue un enjambement.

Malherbe et Boileau* ont proscrit l'enjambement. A propos de cette réforme, Boileau dit dans son Art poétique :

Et le vers sur le vers n'osa plus enjamber.

De nos jours on en est revenu à tolérer l'enjambement, pourvu qu'il ne soit pas trop fréquent.

Exercice.

On fera rendre compte aux élèves de la versification dans différents passages des auteurs classiques. Collection BOITEL, pour les écoles primaires supérieures, éditions de Racine, Molière, etc., chaque volume, 2 fr.

CHAPITRE III

DE LA POÉSIE

721. Il y a six principaux genres de poésie, savoir: la poésie lyrique, la poésie épique, la poésie dramatique, la poésie didactique et descriptive, la poésie pastorale, enfin les poésies fugitives.

Chez les peuples dont la civilisation s'est développée spontanément, c'est-à-dire sans l'intervention d'une civilisation étrangère et plus ancienne, ces six genres de poésie sont apparus successivement et à peu près dans l'ordre où nous les avons énumérés.

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1o POÉSIE LYRIQUE

722. On range dans le domaine de la poésie lyrique toute composition poétique qui, par l'arrangement et la mesure des vers, est propre à être chantée.

Aujourd'hui les poètes lyriques se bornent à écrire leurs œuvres; mais chez les anciens ils les chantaient réellement en s'accompagnant de la lyre : de là le nom de lyrique donné à ce genre de poésie.

Une poésie lyrique est le plus souvent divisée en parties égales et de peu d'étendue qu'on nomme stances, strophes ou couplets.

On appelle stance un nombre déterminé de vers formant un sens complet, et assujettis, pour le genre de vers et pour la rime, à un ordre constant qui se répète dans toute la pièce.

Aujourd'hui le mot strophe désigne tout à fait la même chose que stance; mais dans l'antiquité la strophe différait de la stance en ce qu'elle ne formait pas nécessairement un sens complet.

Le nombre des vers d'une stance peut varier de trois à douze.

723. La poésie lyrique comprend l'ode, l'élégie, la cantate, les choeurs des tragédies et la chanson.

724.

Ode vient du grec ôdé (chant).

L'ode est une pièce de vers qui, dans l'origine, était destinée à être chantée et qui, chez les modernes, a pour

caractéristiques l'élévation, la sublimité des pensées et l'enthousiasme.

L'ode, avec plus d'éclat et non moins d'énergie,
Elevant jusqu'au ciel son vol ambitieux,

Entretient dans ses vers commerce avec les Dieux :
Aux athlètes dans Pise elle ouvre la barrière,
Chante un vainqueur poudreux au bout de la carrière;
Mène Achille sanglant aux bords du Simoïs,
Ou fait fléchir l'Escaut sous le joug de Louis.
Tantôt, comme une abeille ardente à son ouvrage,
Elle s'en va de fleurs dépouiller le rivage.

Son style impétueux souvent marche au hasard;
Chez elle un beau désordre est en effet de l'art.

725.

(Boileau*, Art poétique.)

Sous le rapport de la forme, l'ode se distingue en ode proprement dite et en dithyrambe.

L'ode proprement dite est une poésie toujours divisée en strophes semblables par le nombre et par la mesure des vers (voir Morceaux choisis, p. 382).

Le dithyrambe est une poésie qui n'est pas partagée en strophes uniformes.

726. — Eu égard à la nature des sujets traités, on distingue plusieurs espèces d'odes, savoir:

1° L'ode sacrée ou hymne qui célèbre la Divinité. Les hymnes du roi David se nomment psaumes. Les hymnes religieux modernes sont appelés cantiques.

2o L'ode héroïque, encore appelée pindarique*, du nom du poète grec qui y excella, chante les héros, les grands hommes, le dévouement à la patrie, etc.

3o L'ode philosophique ou morale, écrite d'un style plus tempéré quoique noble, et dont Horace *, chez les Latins, nous a donné de beaux modèles, expose une thèse philosophique ou un principe de morale.

4° L'ode badine, encore appelée anacréontique*, du nom du poète grec qui s'y distingua, traite, d'un style léger et gracieux, des sujets également gracieux et légers.

727. Élégie signifie plainte, gémissement.

On appelle élégie une sorte d'ode dont le sujet est triste ou tendre (voir Morceaux choisis, p. 385).

La plaintive élégie en longs habits de deuil,
Sait, les cheveux épars, gémir sur un cercueil.

(BOILEAU, Art poétique.)

Par extension on a appliqué le nom d'élégie à toute poésie destinée à peindre des sentiments mélancoliques.

728. Cantate. On appelle cantate un petit poème lyrique destiné à être mis en musique, écrit alternativement en vers mélés pour les récitatifs et en vers croisés pour les airs.

C'est Jean-Baptiste Rousseau* qui, de l'Italie, a introduit la cantate dans notre littérature.

729. Choeurs. Chœur signifie littéralement danse.

En littérature on appelle choeurs des morceaux lyriques chantés ou déclamés par une troupe de personnes qui sont censées représenter le public intervenant dans la tragédie et la comédie antiques. Racine a introduit les chœurs sur la scène française dans les pièces d'Esther et d'Athalie (voir Morceaux choisis, p. 367).

Le mot chœur s'est appliqué par la suite à toute poésie destinée à être chantée simultanément par un groupe de personnages.

De la Chanson.

730. On appelle chanson une sorte d'ode populaire destinée à être chantée.

Les stances de la chanson se nomment couplets.

Les vers que l'on répète à la fin de chaque couplet constituent le refrain.

La chanson française, qui était déjà née au treizième siècle, a pour caractères essentiels la gaieté et le mordant. Elle est éminemment frondeuse et satirique*.

2o POÉSIE ÉPIQUE

731. La poésie épique comprend : l'épopée héroïque, le poème héroïque, l'épopée badine, l'épopée héroï-comique et l'épopée burlesque ou travestie.

Épopée vient de deux mots grecs qui signifient je fais un poème. (Voir Exercices de 3e année, p. 359.)

732. Épopée héroïque. On appelle épopée héroïque ou poème épique le récit en vers, légendaire ou systématiquement embelli, d'un grand événement historique.

L'un des principaux moyens d'embellissement consiste dans l'emploi du merveilleux, c'est-à-dire dans l'intervention d'êtres appartenant au monde surnaturel, tels que dieux, génies, démons, etc. Pour que le merveilleux contribue véritablement à la beauté de l'épopée, il est préférable qu'il trouve créance chez les contemporains du poète.

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