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676.

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CHAPITRE III

DE LA COMPOSITION

On entend par composition le travail de quiconque exprime sa pensée par l'écriture. Ce travail, comme nous le verrons bientôt (p. 265), se compose de trois opérations essentielles, qui sont :

1o La recherche des idées qu'on devra exprimer (invention); 2o la coordination de ces mêmes idées (disposition ou plan); 3o la manière de les rendre (élocution, style).

Dans l'usage ordinaire de la vie les sujets que l'on peut avoir à traiter se réduisent à cinq genres principaux : la narration, la description, la lettre, le rapport et le discours.

1° DE LA NARRATION

677. La narration est l'exposé d'un fait, réel ou imaginaire, depuis l'instant où il commence jusqu'à celui où il s'achève.

Une narration doit être claire, simple, courte, vive d'allures et intéressante.

La recommandation de Boileau :

Soyez vif et pressé dans vos narrations

ne s'adresse pas seulement aux poètes; chacun doit en faire son profit.

Il faut en composant une narration élaguer tout ce qui ne serait pas essentiel au récit; bannir les circonstances qui ne seraient d'aucun intérêt pour le lecteur; grouper autant que possible les faits dans leur ordre chronologique, ce qui contribue puissamment à la clarté; éviter le retour trop fréquent des mêmes tournures de phrases; donner du mouvement au récit, c'est-à-dire faire que le lecteur voie, en quelque sorte, l'action se dérouler sous ses yeux et qu'il croie y assister; enfin il faut écrire aussi naturellement que l'on parlerait et ne pas se préoccuper d'élever son style. Mieux vaut encore pécher par excès de simplicité et de bonhomie que par emphase.

Comme exemple de narration aussi simple qu'intéres

sante et touchante, nous citerons le récit de la mort de Turenne dû à la plume de Mme de Sévigné* (voir Morceaux choisis, p. 379).

2o DE LA DESCRIPTION

678. La description est une peinture vive et exacte des objets. Elle consiste à composer une sorte de tableau dont la lecture rende présente aux yeux la chose que l'on s'est proposé de faire connaître. Une description bien faite doit être fidèle et vraie, mais esquissée à grands traits. L'écrivain doit surtout éviter de se perdre dans des détails inutiles; la prolixité est le plus grand écueil de la description. Elle a été formellement condamnée en ces termes par Boileau :

Un auteur, quelquefois trop plein de son objet,
Jamais sans s'épuiser n'abandonne un sujet.
S'il rencontre un palais, il m'en dépeint la face;
Il me promène après de terrasse en terrasse;
Ici s'offre un perron; là règne un corridor;
Là ce balcon s'enferme en un balustre d'or.
Il compte des plafonds les ronds et les ovales;

« Ce ne sont que festons, ce ne sont qu'astragales. >>
Je saute vingt feuillets pour en trouver la fin,
Et je me sauve à peine au travers du jardin.

(BOILEAU, Art poétique.)

Nous indiquerons comme exemple du genre la description de la Bétique dans le Télémaque (voir Morceaux choisis, p. 377).

3o DE LA LETTRE

679. La lettre est une conversation par écrit entre deux personnes séparées l'une de l'autre. On peut dire que la lettre constitue le genre littéraire le plus universellement cultivé.

Tout le monde devrait savoir écrire une lettre. Il n'est pas de talent plus utile. Qui n'a pas à traiter d'affaires par correspondance? Qui ne se trouve pas quelquefois dans la nécessité d'exprimer à un parent, à un ami absent, les sentiments dont il est animé à son égard? Qui n'a pas de nouvelles à transmettre, de conseils à solliciter ou à donner, de requêtes à adresser à un supérieur?

Une lettre exige des qualités spéciales. On y réclame l'étroit enchaînement des idées, le naturel, et par-dessus tout la clarté. La lettre admet un laisser-aller qui ne messied pas

quand il n'est pas poussé trop loin. En revanche, elle demande un tact parfait. Elle prend tous les tons il faut qu'elle soit respectueuse quand elle s'adresse à un supérieur; affectueuse avec un parent, un ami; très polie toujours. Il n'y faut ni une trop grande brièveté, ni une prolixité fatigante.

A ces prescriptions littéraires, nous ne croyons pas inutile d'ajouter quelques recommandations relatives à l'exécution matérielle d'une lettre.

680. Forme de la lettre. On emploie, pour écrire une lettre, un papier dit papier à lettre. Une fois écrite, la lettre est pliée et insérée dans une enveloppe; puis on met l'adresse, on cachette et on affranchit.

L'adresse ou suscription doit mentionner le nom du destinataire, sa profession, sa résidence, le bureau de poste et le département.

S'il s'agit d'une ville de quelque importance, on ajoute le nom de la rue et le numéro de la maison.

681. De l'en-tête. Toute lettre doit porter en tête le nom de la ville où l'on est et la date du jour où l'on écrit. Au-dessous, en une ligne isolée, on met Monsieur, Madame, Mon cher ami, Mon cher père, etc., suivant la personne à laquelle on s'adresse.

Si cette personne a un titre, on doit le mentionner : Monsieur le Maire, Monsieur le Préfet, etc.

Si la lettre est destinée à une société de commerce, on écrit Messieurs : Messieurs Richard et Cie.

Le texte de la lettre commence à une certaine distance au-dessous de l'en-tête, et la première ligne est placée un peu en retrait.

Toute lettre doit avoir une marge, c'est-à-dire un espace blanc à la droite duquel on écrit.

Une lettre écrite tout d'une suite, sans alinéa, est d'un aspect désagréable on doit mettre à la ligne toutes les fois qu'on passe d'un sujet à un autre.

682.

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De la signature. La manière dont on termine une lettre n'est pas chose indifférente.

A une personne avec laquelle on est en relations d'amitié, on mettra : Bien à vous. A vous de cœur. Je vous serre cordialement la main, etc.

A une personne que l'on connaît peu ou que l'on ne connaît pas Agréez, M...., mes civilités empressées, mes salutations empressées.

A un supérieur: Veuillez, M...., agréer l'expression de mon respect, de mes sentiments respectueux, etc.

4° DU RAPPORT

683. Le rapport est un compte rendu que fait, par écrit, une personne qui a été chargée de vérifier un fait ou de constater un état de choses quelconque.

Les experts en quelque sorte d'art que ce soit, les arbitres, les juges, les médecins, les vétérinaires, les conseillers municipaux, les conseillers généraux, les fonctionnaires de tous ordres, les membres des sociétés littéraires et scientifiques, des sociétés de secours mutuels, etc., sont souvent appelés à rédiger des rapports.

Les deux qualités essentielles que doit posséder le style d'un rapport sont la clarté et la simplicité. Tout ornement purement littéraire doit être formellement banni d'un tel travail.

Tantôt un rapport n'est qu'un simple exposé de faits ou la description d'un état de choses, auquel cas il ne comporte pas de conclusion; tantôt, au contraire, un rapport se termine par des conclusions. Alors il faut que ces dernières soient motivées, c'est-à-dire que le rapporteur expose les raisons qui l'ont décidé à conclure dans tel sens plutôt que dans tel autre. Et ici une logique rigoureuse est tout à fait indispensable.

684.

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5° DU DISCOURS

On appelle discours un ensemble de paroles composé avec méthode, présentant une certaine longueur et destiné à être débité devant un auditoire plus ou moins nombreux.

Quand les discours n'ont qu'une étendue restreinte, ce sont, suivant le cas, des compliments, des allocutions, des harangues ou des proclamations. Tels sont les genres de discours qu'on est le plus souvent appelé à prononcer dans les circonstances ordinaires de la vie.

Lorsque ces morceaux sont de plus longue haleine, ceux qui les prononcent reçoivent la dénomination d'orateurs et les morceaux eux-mêmes sont qualifiés de discours proprement dits. Leur composition exige la mise en œuvre d'un art plus raffiné, qui constitue la rhétorique.

685.

CHAPITRE IV

DE LA RHETORIQUE

La rhétorique est l'ensemble des préceptes qui servent à guider l'orateur, un recueil de conseils à son usage. Ces préceptes, ces conseils n'ont été formulés que peu à peu. C'est la lecture attentive des chefs-d'œuvre oratoires qui les a suggérés.

La rhétorique comprend trois parties: l'invention, la disposition et l'élocution.

686.

1° DE L'INVENTION

L'invention est la partie de la rhétorique qui s'occupe de rechercher ce que l'on doit communiquer à l'auditoire, c'est-à-dire les idées que l'on se propose de développer et les arguments ou preuves que l'on emploiera.

Le travail de l'invention comprend: 1° l'étude approfondie du sujet; 2o le choix des preuves; 3o l'examen des moyens propres à émouvoir, ce qui constitue ce que les anciens rhéteurs appelaient les passions; 4° l'observance des procédés propres à gagner la confiance de l'auditoire, ce que, dans l'ancienne rhétorique, on appelait les mœurs. « La probité, la modestie, la bienveillance et la prudence, dit Le Batteux, voilà les mœurs que l'orateur doit certainement

montrer. >>

687.

2o DE LA DISPOSITION

La disposition est la partie de la rhétorique par laquelle on range dans le meilleur ordre que l'on peut trouver les différentes parties d'un discours.

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Un discours aussi complet que possible se compose de sept parties, savoir l'exorde, la proposition, la division, la narration, la confirmation, la réfutation et la péroraison. 688. De l'exorde. L'exorde (du lat. cxordium, commencement) n'est que le début du discours. Une loi unique en règle la composition : c'est la convenance, ou, en d'autres termes, l'adaptation des paroles du début au sujet traité et à l'auditoire (voir Morceaux choisis, p. 375).

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