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Vous emportez,
Coulange,

De nos États bretons,

• Pistoles et louange,

Et nous laissez

(Que maudit soit l'échange !)

De mauvaises chansons.

Mais, baste! Coulanges ne s'en porte pas plus mal, et se moque à son tour des États, très coulants au fond, accordant d'innombrables dotations qui font gémir la marquise de Sévigné. Épicurien raffiné, il fait au duc de Chaulnes l'aveu de sa gourmandise :

COUPLET FAIT EN CARÊME

Sept jours de la semaine
Je viens dîner chez vous.
L'appétit qui m'amène
Me chasse de chez nous.
Carpette,

Perchette,
Solette,

Je fuis ces avortons

Qu'introduit la disette

Dans nos pauvres maisons:
Je cours aux gros poissons.

Le marquis de Coulanges accompagne le cardinal de Bouillon dans ses abbayes, Mme de Louvois dans ses châteaux : « Voici un mois que je me promène dans les États de Mme de Louvois, écrit-il en 1691; en vérité ce sont des États au pied de la lettre ; et c'en sont de plaisants en comparaison de ceux de Mantoue, de Parme et de Modène. Dès qu'il fait beau, nous sommes à Ancyle-Franc; dès qu'il fait vilain, nous revenons à Tonnerre; nous tenons partout cour plénière, et partout, Dieu merci, nous sommes adorés. Nous allons, quand le beau temps nous y invite, faire des voyages au long cours

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pour connaître la grandeur de nos États, et quand la curiosité nous porte à demander le nom du premier village, à qui est-il? on nous répond: c'est à Madame; à qui celui-ci qui est plus éloigné? C'est à Madame; mais là-bas, là-bas, un autre que je vois? C'est à Madame; et ces forêts ? elles sont à Madame. Voilà une plaine d'une grande longueur; elle est à Madame; mais j'aperçois un beau château: c'est Nicey, qui est à Madame. Quel est cet autre château sur un haut ? c'est Pacy, qui est à Madame. En un mot, tout le pays est à Madame.... Je fais dans sa cour le principal personnage........ »

Il suit le duc de Chaulnes à Rome (1689), et tout en griffonnant un récit agréablement sceptique des conclaves d'Alexandre VIII et d'Innocent VI, il ne néglige pas une occasion de se distraire, tantôt chez l'abbé de Polignac, tantôt avec le prince de Turenne et le duc d'Albret, puis chez le duc et la duchesse de Nevers, dont il réussit à forcer la porte et qu'il apprivoise comme il fait les autres, au point de passer près d'eux une bonne partie de ses journées, de souper tout seul avec la duchesse. Une maison de gourmets, faite pour un gourmet comme Coulanges; un amphitryon qui, non content d'avoir la cave la mieux montée de Rome, allait lui-même s'approvisionner à la halle, faisait son garde-manger de sa chambre, employait quatre cuisiniers, chacun spécialement affecté à un service, ròti, ragoûts, entremets! Quel rève! Et puis notre marquis coudoie de bons originaux, dignes de cet abbé du xvIe siècle qui, interrogé par le pape, répondit avec candeur qu'il avait tout vu à Rome, sauf un conclave qu'il aurait bien voulu voir. Lorsque Coulanges revint à Paris, après deux ans

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d'absence, Louvois venait de mourir, la marquise, qui n'était plus jeune, commençait mème à se convertir, et allait consoler Mme de Louvois, bien qu'elle eût fort peu à se louer du mari. « Il faut pleurer avec les malheureux, écrivait-elle, sans avoir ri avec eux pendant leur bonheur. >> Malgré sa légèreté, elle est, elle aussi, l'amie des mauvais jours.

M. et Mme de Coulanges moururent à l'âge de quatrevingt-cinq ans ; leurs amis ne s'aperçurent point qu'ils eussent vieilli, ou ne s'aperçurent de leur âge qu'aux rides de leurs contemporains: quant à eux, ils s'en doutèrent à peine. Goethe dit quelque part qu'on ne meurt que par distraction; de même reste-t-on jeune quand on y prend garde, mais alors il faut avoir l'art de sa volonté, et c'est pour cela que les Parisiennes meurent quelquefois, mais ne vieillissent presque jamais.

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HUITIÈME CONFÉRENCE

MODES ET COSTUMES

MESDAMES, MESSIEURS,

Qu'est-ce que la mode? C'est, en certain sens, le sobriquet de la fortune, un sourire du destin, une vérité d'opinion, un charme de la beauté, du costume, de l'esprit, de la puissance 1. C'est Protée, c'est l'imprévu, c'est

1. J. Quicherat: Histoire du costume en France, depuis les temps les plus reculés jusqu'à la fin du XVIII siècle, 1 vol., 1875. Paul Lacroix : XVII° siècle; Institutions, usages et costumes, 1 vol., Firmin-Didot. Challemel Histoire de la mode en France, 1 vol., Hennuyer. — A. Coffignon : Les Coulisses de la mode, 1 vol. Octave Uzanne La Française du siècle, la femme et la mode, 1 vol., Quantin. Ary Renan Le costume en France, 1 vol., Quantin. J.-B. Pujaulx : Paris à la fin du XVIIIe siècle, 1 vol., 1801. Les lois de la galanterie française, 1644. —- Tableau général du goût, an VII. De Maulde Les femmes de la Renaissance, p. 272, 288, 296, 299, 300, 301, 348, 502, 503, I vol., Perrin. Charles Louandre : Le costume et le luxe dans l'ancienne France, dans Revue des Deux Mondes du 15 mai 1876. Louis Bourdeau : Fards, cosmétiques et teintures, dans Recue de Paris, 15 décembre 1895. De Lagrèze Henri IV, 1 vol., Firmin-Didot. Historiettes de Tallemant des Réaux. Mémoires de Me d'Oberkirch, de Mme de Chastenay. Caractères de la Bruyère, chapitre de la Mode. Lettres du maréchal de Tessé, publiées par le comte de Rambuteau. Jusserand: Les sports dans l'ancienne France, dans Revue de Paris, 1899-1900.

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un phare à feux changeants, ce qui plaît aujourd'hui, ce qui déplaira demain, le caprice magicien qui fait et défait les réputations, sphinx éternel qui sans cesse livre son secret et sans cesse le reprend, un dieu qui ne compte guère d'athées parmi les femmes, fleur de l'imagination,

Discours sur la mode, 1613. Véron: Mémoires d'un bourgeois de Paris. A. Karr: Les Guêpes. T.VI, p. 204, 205. La mode, comédie de Me de Staal-Delaunay.- Journal des Goncourt, t. VI, VII et IX. Eugène Rimmel : Le livre des parfums. Blondel: Histoire des éven. tails, 1 vol. in-8, Renouard. Charles Blanc : L'art dans la parure et dans le vêtement, 1 vol. in-8, Renouard. Delaborde: Le département des Estampes, Plon, 1874. - Henri Bouchot: Le luxe français, l'Empire, in-4. M Carette: Souvenirs intimes sur la cour des Tuileries, t. I, p. 166. La Bédollière Histoire de la mode en France, I vol., 1858. Montaillé Le costume féminin depuis l'époque gauloise jusqu'à nos jours, Paris, 1894. Emile Lamé : Le costume au théâtre, Paris, 1886. A. Racinet: Le costume historique, 6 vol. in-4, Paris. - G. Demay : Le costume au moyen âge d'après les Sceaux. Jacob von Falke: Histoire du costume des peuples civilisés, Stuttgart, in-4.-J.-H. von Hefner-Alteneck: Costumes, œuvres d'art et ustensiles du haut moyen âge à la fin du XVIIIe siècle, d'après des documents contemporains, 2° édition, Francfort-sur-le-Mein. Frédéric Hottenroth: Le costume, les armes, ustensiles, outils des peuples anciens et modernes, Paris, 1885.- Albert Kretschmer, Carl Rohrbach : Les costumes des peuples depuis les origines de l'histoire jusqu'au XIXe siècle, 2o édition, Leipzig, 1882. Hermann Weiss: Histoire du costume et du mobilier, Stuttgart. Hill Georgiana: A history of english dress, from the saxon period to the present day, London, 1893, 2 vol. in-8. Wingfield Lewis: Notes on civil costume in England, London, 1884, in-4. August von Heyden Le costume des peuples civilisés depuis l'époque d'Homère jusqu'au commencement du XIXe siècle, Leipzig, 1889, in-8. Félix Regnault : L'évolution du costume, dans Revue scientifique, 26 janvier 1901. Charles Blanc : Préface aux Costumes historiques du XII° au XVIe siècle, par Mercuri. — Viollet-le-Duc : Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance. Albert Gayet : Le costume en Égypte du IIIe au XIIIe siècle, Leroux, 1900. Glasson : Les origines du costume de la magistrature, 1884, in-8. — Rapports de M. Auguste Mortier sur la ganterie, la chaussure, la chapellerie et la bonneterie, à l'Exposition universelle de 1900.

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