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il est heureux. Mais nous voulons tous en sortir, croyant que nous sommes connus hors de notre village. C'est là que les échecs nons attendent; c'est là que notre vanité se heurte contre l'ignorance et l'inattention. « Je suis monsieur un tel, disons-nous d'un petit air modeste. Je ne connais pas, » répond l'interlocuteur. Quel désappointement ! Consolezvous, vanités de clochers et de salons! Cela est arrivé à M. de Lamartine: il a dit son nom, et il a trouvé que son nom n'était point connu. C'était dans le Liban, il est vrai, mais vous, c'est partout. Il n'y a qu'une différence du plus au moins. SAINT-MARC GIRARDIN1.

Le Passé.

Arrêtons-nous sur la colline

A l'heure où, partageant les jours,
L'astre du matin qui décline
Semble précipiter son cours.
En avançant dans la carrière,
Plus faible il rejette en arrière
L'ombre terrestre qui le suit,
Et de l'horizon qu'il colore
Une moitié le voit encore,
L'autre se plonge dans la nuit.

C'est l'heure où, sous l'ombre inclinée,
Le laboureur dans le vallon

Suspend un moment sa journée

Et s'assied au bord du sillon;

C'est l'heure où, près de la fontaine.
Le voyageur reprend haleine

Après sa course du matin ;

Et c'est l'heure où l'âme qui pense
Se retourne, et voit l'espérance
Qui l'abandonne en son chemin.

Ainsi notre étoile pâlie,

Jetant de mourantes lueurs

Sur le midi de notre vie,

Brille à peine à travers nos pleurs.
De notre rapide existence

1. LA FONTAINE ET LES FABULISTES. (Michel Lévy édit.)

L'ombre de la mort qui s'avance
Obscurcit déjà la moitié;

Et près de ce terme funeste,
Comme à l'aurore, il ne nous reste
Que l'espérance et l'amitié.

LAMARTINE.

La Vie et la Mort.

Irène se transporte à grands frais en Épidaure, voit Esculape dans son temple, et le consulte sur tous ses maux. D'abord elle se plaint qu'elle est lasse et recrue de fatigue; et le dieu prononce que cela lui arrive par la longueur du chemin qu'elle vient de faire : elle dit qu'elle est le soir sans appétit; l'oracle lui ordonne de dîner peu : elle ajoute qu'elle est sujette à des insomnies, et il lui prescrit de n'être au lit que pendant la nuit : elle lui demande pourquoi elle devient pesante, et quel remède ?l'oracle répond qu'elle doit se lever avant midi, et quelquefois se servir de ses jambes pour marcher elle lui déclare que le vin lui est nuisible; l'oracle lui dit de boire de l'eau : qu'elle a des indigestions, et il ajoute qu'elle fasse diète. « Ma vue s'affaiblit, dit Irène : Prenez des lunettes, dit Esculape. Je m'affaiblis moi-même, continue-t-elle, et je ne suis ni si forte ni si saine que j'ai été : — C'est, dit le dieu, que vous vieillissez. Mais quel moyen de guérir de cette langueur? -- Le plus court, Irène, c'est de mourir, comme ont fait votre mère et votre aïeule. - Fils d'Apollon, s'écrie Irène, quel conseil me donnez-vous? Est-ce là toute cette science que les hommes publient et qui vous fait révérer de toute la terre? Que m'apprenez-vous de rare et de mystérieux? et ne savais-je pas tous ces remèdes que vous m'enseignez? - Que n'en usiez-vous donc, répond le dieu, sans venir me chercher de si loin, et abréger vos jours par un long voyage! >>

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Il y n'a pour l'homme que trois événements: naître, vivre et mourir : il ne se sent pas naître, il souffre à mourir, et il oublie de vivre. LA BRUYÈRE.

L'Immatérialité de l'âme.

Plus je rentre en moi, plus je me consulte, et plus je lis ces mots écrits dans mon âme : « Sois juste, et tu seras

heureux! » Il n'en est rien pourtant, à considérer l'état présent des choses: le méchant prospère, et le juste reste opprimé. Voyez aussi quelle indignation s'allume en nous quand cette attente est frustrée! la conscience s'élève et murmure contre son auteur; elle lui crie en gémissant : « Tu m'as trompé! »

« Je t'ai trompé, téméraire! Qui te l'a dit? Ton âme estelle anéantie? as-tu cessé d'exister? O Brutus! ô mon fils! ne souille point ta noble vie en la finissant; ne laisse point ton espoir et ta glóire avec ton corps aux champs de Philippes. Pourquoi dis-tu :« La vertu n'est rien » quand tu vas jouir du prix de la tienne? Tu vas mourir, penses-tu? Non, tu vas vivre, et c'est alors que je tiendrai tout ce que je t'ai promis. >>

On dirait, aux murmures des impatients mortels, que Dieu leur doit la récompense avant le mérite, et qu'il est obligé de payer leur vertu d'avance. Oh! soyons bons premièrement, et puis nous serons heureux. N'exigeons pas le prix avant la victoire, ni le salaire avant le travail. Ce n'est pas dans la lice, disait Plutarque, que les vainqueurs de nos jeux sacrés sont couronnés, c'est après qu'ils l'ont par

courue.

Si l'âme est immatérielle, elle peut survivre au corps; et si elle lui survit, la Providence est justifiée. Quand je n'aurais d'autre preuve de l'immatérialité de l'âme que le triomphe du méchant et l'oppression du juste en ce monde, cela seul m'empêcherait d'en douter. Une si choquante dissonance dans l'harmonie universelle me ferait chercher à la résoudre. Je me dirais : « Tout ne finit pas pour moi avec la vie; tout rentre dans l'ordre à la mort. » J.-J. ROUSSEAU.

Immortalité de l'âme.

Créature d'un jour qui t'agites une heure,
De quoi viens-tu te plaindre et qui te fait gémir?
Ton âme t'inquiète, et tu crois qu'elle pleure?
Ton âme est immortelle, et tes pleurs vont tarir.
Le regret d'un instant te trouble et te dévore;
Tu dis que le passé te voile l'avenir;
Ne te plains pas d'hier; laisse venir l'aurore :
Ton âme est immortelle et le temps va s'enfuir.
Ton corps est abattu du mal de ta pensée;

Tu sens ton front peser et tes genoux fléchir :
Tombe, agenouille-toi, créature insensée;
Ton âme est immortelle, et la mort va venir.

A. DE MUSSET.

Acte de foi et d'espérance.

Salut, principe et fin de toi-même et du monde,
Toi qui rends d'un regard l'immensité féconde;
Ame de l'univers, Dieu, père, créateur.

Sous tous ces noms divers, je crois en toi, Seigneur ;
Et, sans avoir besoin d'attendre ta parole,

Je lis au front des cieux mon glorieux symbole.
L'étendue à mes yeux révèle ta grandeur;
La terre, ta bonté; ies astres, ta splendeur :
Tu t'es produit toi-même en ton brillant ouvrage;
L'univers tout entier réfléchit ton image,
Et mon âme à son tour réfléchit l'univers,
Ma pensée, embrassant tes attributs divers,
Partout autour de toi te découvre et t'adore,
Se contemple soi-même, et t'y découvre encore.
Ainsi l'astre du jour éclate dans les cieux,

Se réfléchit dans l'onde, et se peint à mes yeux...
Oui, j'espère, Seigneur, en ta magnificence :
Partout, à pleines mains, prodiguant l'existence,
Tu n'auras pas borné le nombre de mes jours
A ces jours d'ici-bas, si troublés et si courts.
Je te vois en tous lieux conserver et produire :
Celui qui peut créer dédaigne de détruire.
Témoin de ta puissance, et sûr de ta bonté,
J'attends le jour sans fin de l'immortalité.

La mort m'entoure en vain de ses ombres funèbres,
Ma raison voit le jour à travers ces ténèbres;
C'est le dernier degré qui m'approche de toi,
C'est le voile qui tombe entre ta face et moi.
Hâte pour moi, Seigneur, ce moment que j'implore;
Ou, si dans tes secrets tu le retiens encore,
Entends du haut du ciel le cri de mes besoins:
L'atome et l'univers sont l'objet de tes soins;
Des dons de ta bonté soutiens mon indigence;
Nourris mon corps de pain, mon âme d'espéranc、,
Réchauffe d'un regard de tes yeux tout-puissants

Mon esprit éclipsé par l'ombre de mes sens;
Et, comme le soleil aspire la rosée,
Dans ton sein à jamais absorbe ma pensée.

LAMARTINE.

Profession de foi chrétienne.

J'aime la pauvreté, parce que Jésus-Christ l'a aimée. J'aime les biens, parce qu'ils donnent les moyens d'en assister les misérables. Je garde fidélité à tout le monde. Je ne rends pas le mal à ceux qui m'en font; mais je leur souhaite une condition pareille à la mienne, où l'on ne reçoit pas de mal ni de bien de la part des hommes. J'essaye d'être juste, véritable, sincère et fidèle à tous les hommes, et j'ai une tendresse de cœur pour ceux que Dieu m'a unis plus étroitement; et soit que je sois seul, ou à la vue des hommes, j'ai en toutes mes actions la vue de Dieu qui doit les juger et à qui je les ai toutes consacrées. Voilà quels sont mes sentiments, et je bénis tous les jours de ma vie mon Rédempteur qui les a mis en moi, et qui d'un homme de rien, plein de faiblesse, de misère, de concupiscence, d'orgueil et d'ambition, a fait un homme exempt de tous ces maux, par la force de sa gràce, à laquelle toute la gloire en est due, n'ayant en moi que la misère et l'erreur.

PASCAL.

La Prière pour tous.

Ma fille, va prier.

Vois, la nuit est venue.

Une planète d'or là-bas perce la nue;

La brume des coteaux fait rembler le contour,

A peine un char lointain glisse dans l'ombre... Écoute!
Tout rentre et se repose, et l'arbre de la route

Secoue au vent du soir la poussière du jour!

C'est l'heure où les enfants parlent avec les anges.
Tandis que nous courons à nos plaisirs étranges,
Tous les petits enfants, les yeux levés au ciel,
Mains jointes et pieds nus, à genoux sur la pierre,
Disant à la même heure une même prière,
Demandent pour nous grâce au Père universel!

Et puis ils dormirɔnt. Alo, épars dans l'omore,
Les rêves d'or, essaim tumutueux, sans nombre,

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