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LES ARCHITECTES DE CHAMBORD

Les documents relatifs à Jacques Coqueau, successeur de Pierre Nepveu Trinqueau dans la direction de l'œuvre de Chambord, et aux autres maitres ouvriers employés à ce travail, sont extrêmement rares. Nous les devons à André Félibien, qui, dans un manuscrit cité par M. de la Saussaye, nous a laissé les noms et le taux des salaires des maîtres maçons du château, d'après les comptes des travaux, et à André Salmon, qui a publié un marché passé, en 1544, avec six maçons tailleurs de pierre pour la construction de l'escalier à jour de la cour de François ler. A ce premier fonds, j'ai ajouté d'assez nombreux renseignements sur la famille Coqueau, tirés des archives communales d'Amboise, et j'ai montré Jacques Coqueau lui-même travaillant, en 1524, aux ponts de cette ville, au prix de 4 sols et 2 deniers par journée. De tous les documents allégués, j'ai cru pouvoir conclure, que les deux premiers architectes de Chambord étaient d'origine amboisienne.

Voici une nouvelle pièce intéressante relative à la construction de Chambord, achetée par Mme Pelouze à une vente d'autographes faite par la maison Charavay le 31 mai 1882. Il s'agit des feuillets 188, 189, 208 et 209, provenant du compte original des travaux.

Le feuillet 188 est consacré aux dépenses du mois de décembre 1540. Le premier article concerne messire Marin Chellot, prêtre, recevant 4 livres 13 sols tournois pour 31 messes dites et célébrées par lui à Chambord, tant pour la bonne prospérité et santé du roi, que pour subvenir aux nécessités des pauvres ouvriers qui besognent audit Chambord, éloigné d'églises et de paroisse d'une lieue environ. Viennent ensuite: Estienne Rufault, chargé de tenir le compte des pierres de Saint-Aignan, Lye, Bourré, Chilly et Fouchault, délivrées à l'atelier, au prix de 15 sols tournois par jour ; Raymond Soret, chargé de tenir le compte des maçons et manoeuvres, au même prix; et Mery Gérit, surveillant des maçons et maneuvres employés à la journée, au prix de 6 sols 3 deniers.

Au feuillet 189, sous la rubrique Maitre maçon, apparait seul Jacques Coqueau, qualifié maltre maçon, « employé au faict et conduicte de la maçonnerye desdictz éditlices »,

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à raison de 27 sols 6 deniers par jour. L'appareilleur principal, Guillaume Le Heurteulx, ne gagne que 12 sols 6 deniers, et les deux autres appareilleurs, Mathurin Poullet et Alexandre Godin, 10 sols tournois. Les simples maçons sont taxés à 6 sols. Le feuillet, malheureusement interrompu, ne donne le nom que de trois d'entre eux, Jeban Brisson, Christin Péan et Jehan Vacher.

Les feuillets 208 et 209, qui étaient les derniers du registre, contiennent la taxe de la façon et écriture du compte, et l'emploi d'une somme de 12 livres 10 sols tournois pavée à maitre Nicolas Pinon, receveur et payeur des gages et droits de nosseigneurs des comptes, pour leurs droits d'épices de ce présent compte. Le registre est enfin clos et arrêté, après apurement, à la date du 19 janvier 1538 (1559), en présence des présidents et mailres de la chambre des comptes, et sigoé de Lefèvre, auditeur rapporteur.

Félibien a, sans aucun doute, eu ce registre en communication, car les indications qu'il donne sur les salaires des ouvriers sont conformes à celles que j'ai consignées plus baut. Il est bien regrettable que ce registre ait été détruit, ou tout au moins qu'il se trouve dispersé peut-être par feuillets délachés, car il nous eùt apporté les renseignements les plus détaillés et les plus précieux sur la construction de Chambord et sur les artistes employés à ce grand travail. Les qualre feuillets qui viennent d'être arrachés à l'oubli, seront conservés désormais avec soin dans le chartrier de Chenonceau, comme intéressant un monument contemporain, et l'un des meilleurs architectes d'Amboise. C. CHEVALIER.

INSCRIPTION TROUVÉE A HONFLEUR

L'église Saint-Étienne-des-Près, située sur le quai SaintÉtienne, à l'est du vieux bassin de Hoofleur, a, depuis long temps, perdu sa destination première. Elle est devenue le dépôt de la douane. Elle ne présente, du reste, rien de remarquable; elle est petite, enserrée entre des maisons et deux rues étroites. Elle ne présente que sa façade au quai.

Elle remonte au XIV° siècle et fut båtie avec les matériaux de la primitive église de Saint-Étienne-des Près, qui avait été d'abord élevée au milieu des prairies qui formaient alors la partie sud du faubourg Sainte-Catherine.

On sait que Honfleur était ville fortifiée : outre les bastions Saint-Léonard, Saint-André, des Vases et les tours appelées: l'une la Tour ronde ou la Tour frileuse, et l'autre la Tour carrée, on avait bâti le fort Bourbon ou du Dauphin, sur l'emplacement de Saint-Étienne-des-Près, et l'église avait été reportée dans l'enceinte de la ville là où nous en voyons les restes (1).

Plus tard, le fort Bourbon disparut comme toutes les défenses de Honfleur, et deux maisons furent bâties au lieu qu'il occupait. En faisant des travaux à l'une de ces deux maisons, il y a quarante et quelques années, on reļrouva un bénitier provenant de l'église primitive (2).

La porte d'entrée sur le quai est carrée, petite et basse. Au-dessus, existait une fenètre de forme ogivale, qui devait laisser pénétrer le jour dans l'intérieur assez sombre de cette petite église, et qui a été cntièrement bouchée depuis.

(1) Catherine Histoire de la ville et du canton de Honfleur.

(2) A. Labulte Essai hislorique sur Honfleur et l'arrondissement de Pont-l'Évêque.

Afin de donner plus d'espace au magasin qu'on y installait, on établit un plancher s'appuyant sur le chambranle intérieur de la porte et allant jusqu'au mur de l'abside, avec un grossier escalier de bois, à l'entrée, à droite, pour arriver à l'étage supérieur.

Le sol a été complètement dépavé et ne se compose actuellement que de terre battue.

C'est gràce à l'obligeance du préposé de la douane que j'ai pu pénétrer dans ce magasin, car c'était un jour de fèle et la douane était fermée.

Après avoir jeté un regard sur les ouvertures (veuves de leurs vitraux) qui existent sur un des bas côtés et donnent sur une petite rue, après avoir inspecté le sol, j'allais sortir, lorsque mes yeux se portèrent sur le côté sombre, et j'aperçus alors l'inscription suivante remontant au xvile siècle et relative à une fondation faite par un Tourangeau et sa femme dans cette petite église Saint-Étienne.

C'était un sieur Louis Bodet de Heurtebize, natif de Champigny-sur-Veude (1), païs de Touraine et frontière du Poictou et Marie Lebigre, sa femme, native de la paroisse de Saint-Pierre du-Chastel (2).

J'ai pensé que cette inscription pouvait intéresser la Société archéologique de Touraine, et je suis très heureux de la lui transmettre.

La pierre supérieure, qui porte la première fondation, est d'une ornementation fort simple; elle consiste en deux consoles contrariées qui l'accostent des deux côtés et qui reposent sur la saillie de l'encadrement.

La pierre de la seconde fondation, placée immédiatement au-dessous, est de forme hémisphérique. Au bas de l'inscrip

(1) Champigny-sur-Veude, canton de Richelieu, arrondissement de Chinou (Indre-et-Loire). On connait la Sainte-Chapelle de Champigny, reste du magnifique château des ducs de Montpensier, et ses splendides vitraux de Pinaignier.

(2) Saint-Pierre-du-Châtel, section de la commune de Saint-Pierre-du-Val. sur-la-Vilaine, canlon de Beuzeville, arrondissement de Pont-Audemer(Eure).

tion sont gravés des os en croix chargés d'une tête de mort. Un petit pendentif orne le bas de la pierre.

On remarquera la libéralité faite par le fondateur : le droit de banc et de terrage. On sait que le droit de terrage était le droit que percevait le seigneur sur les marchandises étalées à terre aux foires et marchés. On le confondait souvent avec le champart, qui consistait en ce que le seigneur prenait des gerbes sur le champ, avant que le laboureur enlevåt son blé. Ce dernier était accompagné de certaines servitudes qui n'existaient pas pour le terrage.

Patrice SALIN.

Bulletin archéologique, t. y.

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