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thique aux États en général, mais surtout à l'ordre de la noblesse. La position et le rang qui furent donnés à ces commissaires, les honneurs dont ils furent environnés par des statuts et des règlements émanés directement de la couronne, quand précédemment c'étaient les États eux-mêmes qui réglaient tout ce qui leur était personnel, expliquent ces faits et la résistance dont nous parlons. Aussi la preuve en est-elle partout; et les embarras, si souvent renouvelés, qui furent cansés aux gouverneurs comme aux intendants de la province, les procès même et les attaques qui leur furent prodigués, comme aux d'Aiguillon et aux de Chaulnes, le démontrent outre

mesure.

Mais ces difficultés, ces luttes même tenaient encore plus au fond qu'à la forme, et les longues collisions qui s'élevèrent du temps des de la Melleraie et des de Chaulnes sur le don gratuit, sur les juridictions que Louis XIV voulut supprimer, sur les frais de justice qu'il essaya de réduire, sur le timbre, sur les vingtièmes, sur les étapes et les tracés de route, un peu plus tard, prouvent qu'il y avait entre eux bien autre chose que de simples questions de forme ou d'étiquette, et nous n'avons pas besoin, pour le prouver, de rappeler ici les Te Deum et les fêtes qui furent célébrés à la fin des États de 1673, ainsi que les 2 millions 500 mille livres qui furent spontanément offertes au roi quand on connut le parti que Louis XIV prit enfin de se rendre au vœu de la province sur le fait même des juridictions seigneuriales, dont la suppression avait déjà déterminé l'ouverture de plus de deux mille procès; non plus que de rappeler l'inflexible résistance de la noblesse et des États, qui allèrent, de 1756 à 1760, jusqu'à refuser les communications du gouvernement. Rien de tout cela n'est oublié ; et si la correspondance des ministres de Louis XIV nous a appris depuis peu que M. de Chaulnes, pour avoir raison des États, fut obligé de faire enlever par ses gardes quelques-uns des gentilshommes qui les troublaient, nous avons vu plus près de nous, ainsi que nous le dirons, d'autres membres du même ordre se ruer sur l'évêque, président de l'église, et exercer sur sa personne des voies de fait, pour le forcer à se prononcer contre la cour et son représentant. Avec le temps, ces luttes deviennent en quelque sorte normales; et si l'acerbe opposition du parlement breton s'éleva jusqu'aux désordres et aux actes les plus téméraires, la cour, de son côté, hasarda avec la plus imprudente irréflexion l'arrestation

des hommes les plus considérables du pays, sans prévoir tout ce qu'il en résulterait de fâcheux pour le pouvoir lui-même.

Pour le fait propre des États, la cour se montra quelquefois trèsferme, mais souvent aussi très-faible et peu résolue; ordinairement très-jalouse sur les formes, mais très-captieuse et très-souple à l'endroit des deux classes qu'elle avait intérêt de ménager et de rendre faciles par des faveurs incessamment renouvelées. C'est ainsi qu'elle se rangea constamment contre l'avis des commissions intermédiaires à l'occasion des deniers de capitation, auxquels les égailleurs des paroisses prétendaient astreindre les officiers de terre et de mer, qui, payant déjà sur leurs émoluments une capitation proportionnelle avec l'importance de leurs grades, prétendaient rester affranchis de tout autre droit pour celles de leurs propriétés qui étaient situées dans les circonscriptions diocésaines.

Les registres des commissions intermédiaires portent presqu'à chaque page la trace de cette longue lutte et de l'appui que les intendances prêtèrent aux officiers gentilshommes qui prétendaient, par le paiement d'une première capitation acquittée sur leurs appointements, être affranchis de toute autre capitation sur leurs terres et sur celles de leurs femmes.

Sur un autre point, la royauté se montra encore plus empressée à se faire bien venir de la noblesse; et, prélevant sur les abonnements et les dons gratuits que la province était dans l'habitude de lui accorder, un fond spécial qu'elle affecta à l'entretien des familles nobles qui se trouvaient placées près du besoin, elle eut chaque année ses listes de secours et d'aumônes pour tous les pauvres gentilshommes qui ne pouvaient plus tenir le rang que la naissance leur avait donné, sans oublier ceux de ses membres plus influents qui siégeaient aux États mêmes et lui rendaient dans cette assemblée des services qu'elle reconnaissait par des gratifications qu'on trouve à chaque instant inscrites dans la correspondance de ses ministres, et qu'on voit s'élever, comme en 1663, jusqu'à 60,000#, pris sur un fonds qui n'était que de deux millions. Nous avons devant nous les listes de distribution qui furent formées pour les États de 1760 et de 1762, et il en résulte qu'à cette époque le nombre des pauvres gentilshommes que l'État secourait ainsi était fort considérable.

Dans notre pensée, la création même des intendances ne fut, pour la Bretagne au moins, qu'une réponse de la couronne à la création

des commissions intermédiaires qui s'étaient constituées à la suite des guerres de la Ligue. Comment, en effet, les ministres chargés d'administrer le pays auraient-ils fait autrement que d'avoir leurs agents et leur propre administration dans chaque diocèse, quand les États provinciaux, en closant leurs sessions, nommaient une commission permanente au siége du parlement, avec d'autres commissions dans chaque diocèse, ayant mission les unes et les autres de correspondre entre elles et de faire exécuter les décisions des États, de veiller à la perception des impôts consentis, et de surveiller tous les travaux et les mesures d'utilité commune et publique. Sous peine de se suicider lui-même, le pouvoir royal dut essayer, par tous les moyens possibles, de disputer aux États mêmes, comme à leurs commissions intermédiaires, la direction des affaires publiques. Il sentit de bonne heure cette nécessité; mais ses premiers essais furent peu heureux, peut-être pas fort éclairés : nous allons en dire quelques mots.

Le premier intendant désigné par la couronne pour la province de Bretagne, aurait été, suivant don Morice, M. d'Estampes de Valençai, qui, lors de la tenue des États, en 1636, figure au nombre des commissaires du gouvernement. Il était qualifié, dans ses lettres de créance, d'intendant de justice, police et finances en Bretagne; c'était, comme on le voit, toute l'administration du pays, et ce fut avec des pouvoirs égaux que son successeur Louis de Coëtlogon, seigneur de Méjussaume, conseiller au parlement de Rennes, parut aux États de 1647. Mais le parlement était lui-même trop avisé pour accepter qu'un des siens fût ainsi pourvu à la fois de l'administration civile et judiciaire du pays; et, dès l'enregistrement de ses lettres de provision, il déclara que ni la commission, ni les qualités du seigneur de Méjussaume ne pouvaient préjudicier aux droits ou aux libertés du pays, et, tôt après, le 20 septembre 1647, il fit défense au sieur de Coëtlogon de prendre la qualité d'intendant de justice, police et finances de Bretagne, et aux sujets du roi de le reconnaître. Vainement des arrêts contradictoires du conseil d'État essayèrent-ils de maintenir l'intendant dans la plénitude de ses fonctions, le parlement, en s'appuyant sur l'incohérence d'un établissement qui tendait à distraire les habitants de leurs juges naturels, persista dans ses conclusions, et fit tant que le sieur de Coëtlogon n'eut d'autre parti à prendre que de se retirer, et la cour elle-même d'autre décision à

rendre qu'un arrêt de révocation de la nomination précédemment faite « A dire le vrai, raconte un des historiens de la Bretagne, « M. de Méjussaume s'était conduit trop vivement dans l'exercice de << sa charge, et, s'étant fait une espèce de tribunal ambulant, avait << prétendu rendre, quelque part qu'il allât, des jugements criminels << en dernière instance. >>

C'est ainsi que la cour, en voulant elle-même faire peut-être plus qu'il ne convenait, échoua dans le premier établissement d'une administration dont le besoin se faisait cependant sentir chaque jour de plus en plus. Nous verrons plus tard comment elle revint à cette première pensée d'organisation, et comment elle la modifia, pour la mettre plus en rapport avec les véritables besoins du pays.

A. DU CHATELLIER.

(La suite prochainement.)

ET DU PAYS DE RAIS.

CHAPITRE Ier.

REZAY AU MOYEN-AGE.

Rezé ou plutôt Rezay est un petit bourg du département de la Loire-Inférieure, situé à une lieue S. O. de Nantes, sur la rive gauche de la Loire, un peu an-dessous de l'embouchure de la Sèvre. Son nom paraît pour la première fois dans la charte par laquelle le roi Louis le Gros confirme, en 1123, l'église de Nantes dans tous ses biens, à la prière de Brice, son évêque. On y trouve cette mention: Portum carchedrarum (c'est cathedrarum qu'il faut lire) et portum Raciaci, cum tribus milliaribus sursùm, et totidem deorsùm. On ne peut méconnaître ici le Port-ès-chaises, entre Pirmil et Saint-Sébastien, et le port de Rezai, tous deux très-rapprochés, et sur la rive gauche de la Loire. On retrouve le même nom, mais latinisé d'une manière différente, dans la charte de fondation du prieuré des Couets, par Hoel, comte de Nantes, en 1149, K. de Rezaio y paraissait comme témoin, avec G. d'Orgeres, J. de Goulaine, M. de Machecoul, et beaucoup d'autres.

Le Chronicon Britannicum, recueilli par D. Morice, Pr., I, 101, parle, en 1154, de la défaite, à Rezai, d'Hoel, comte de Nantes, par le comte Eudon : Nocte venit comes Hoellus Rezeium cum militibus navigando.

En 1201, nous trouvons Guillaume de Rezai (G. de Rezaio) comme témoin de la fondation de l'abbaye de Villeneuve, faite par la duchesse Constance. Quatre ans après, en 1205, il reparaît, en la même qualité, dans l'acte de translation de la même abbaye, par Guy de Thouars, alors veuf de Constance. Guillaume y est nommé Willelmus de Rezay, miles. La conservation du nom français empêche

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