Page images
PDF
EPUB

plus de trente ans par M. Tristan Martin, père de l'honorable M. Tristan Martin, notre confrère, zélé et heureux explorateur des antiquités du pays de Mauges, qu'il habite. M. Martin découvrit dans la commune du Fief-Sauvin, près de la métairie de la Ségourie, à une lieue ouest de la ville de Beaupreau, une enceinte fortifiée, placée sur la rive très-abrupte de la rivière d'Evre; puis, dans tous les environs, une telle quantité de débris romains, répandus sur une si grande surface, qu'il ne douta nullement que là avait dû exister un vaste établissement romain. Il fit part de sa découverte à M. Bodin, qui s'occupait alors de ses recherches sur l'Anjou. Celui-ci vit dans la Ségourie, la station de Segora, mentionnée par la carte de Peutinger, après l'emplacement de laquelle les savants couraient depuis longtemps, sans s'accorder le moins du monde.... Suivant l'usage, M. Bodin lui-même avait placé Segora à Montreuil-Bellay. Il se rétracta à peu près dans les notes de sa première édition, et parla de la Ségourie, des antiquités qui y abondent, et enfin «< des << vestiges d'un chemin pavé, dans la direction de l'est à l'ouest, qui << probablement conduisait à Nantes. » C'était en 1821. Je m'occupais déjà de la géographie ancienne de notre pays. Je rappelai, dans les journaux de Nantes, Segora et le chemin pavé tendant de la Ségourie vers Nantes. L'article éveilla l'attention d'un ancien maire de Vallet, M. Paimparay, qui adressa à M. Athénas, à Nantes, une note dans laquelle il donnait, pour la traverse de Vallet, le parcours très-exact et minutieusement expliqné de la voie sur un développement de 2,600 toises. Il ajoutait qu'elle avait 18 pieds de largeur, et était composée de trois couches, dont la première, ou summa crusta, était de cailloux roulés; la seconde, de grosses pierres reposant sur un lit de sable. M. Paimparay s'était, comme on le voit, borné à reconnaître la voie dans la commune de Vallet. M. Martin a comblé la lacune entre le territoire de cette commune et la Ségourie, avec tout autant d'exactitude que M. Paimparay. En sorte que nous sommes assurés de 20 kilomètres de voie bien reconnue depuis la Ségourie jusqu'à la grande route entre Vallet et la Chapelle-Heulin, à peu près à égale distance de ces deux bourgs. Mais de ce point jusqu'au pont de Pirmil, c'est-à-dire pendant 16 kilomètres, aucun vestige de la même voie ne nous a été signalé, et nous ne pouvons que supposer que la grande route moderne de Nantes à Vallet a été construite sur la chaussée antique, dont elle conserve

parfaitement la direction, tandis qu'au point intermédiaire que nous avons indiqué entre la Chapelle-Heulin et Vallet, la grande route, pour atteindre ce dernier bourg, incline assez fortement au sud-est.

Malgré tout l'intérêt qu'offrent les découvertes d'antiquités faites par M. Martin à la Ségourie, nous sommes forcés de les passer sous silence, puisqu'elles ne dépendent pas du diocèse de Nantes, nous réservant de leur consacrer un travail particulier. Mais nous devons dire que la voie qui, de Nantes, se dirige sur ce grand établissement romain, rencontre là plusieurs autres voies qui en sortent, et une, entre autres, allant à Doué, qui continue exactement la ligne de Nantes à la Ségourie, et qui en est très-probablement la prolongation.

Des études plus approfondies, quelques explorations de la partie de voie parcourant notre département, peut-être un heureux hasard, amèneront sans doute la découverte de monuments ou au moins de débris romains dans son voisinage, et qui seront en rapport avec elle. Tout ce que nous pouvons faire aujourd'hui se borne à mentionner ici, pour mémoire, deux localités du nom de Chastelier : l'une sur la limite du Loroux et de la Boissière-du-Doré, à 2 kilomètres au nord de la voie; l'autre dans la commune de la Chapelle-Heulin, pareillement au nord de la voie, dont elle n'est éloignée que d'un peu plus d'un kilomètre. On sait que le nom de Chastelier annonce presque toujours un ouvrage quelconque de fortification; c'est ce qu'il est facile de vérifier.

[blocks in formation]

Ogée, à l'article Nantes, dit que « de cette ville les Romains << avaient tracé une route jusqu'à Poitiers, alors appelé Limonum. << On croit que ce chemin passait par Clisson, ou aux environs, par << Tiffauges et Bressuire; c'est au moins la direction la plus naturelle « qu'on puisse lui assigner. »

M. Lemot, dans sa Notice sur Clisson, 1817, cite le passage d'Ogée en en supprimant tout ce qui s'y trouvait de dubitatif. C'est une affirmation formelle.

Richer (Voyage pittoresque à Clisson) affirme aussi. « Cette route << allait de Poitiers à Brest. Indiquée sur la carte de Peutinger, elle << est la plus considérable des cinq itinéraires qui concernaient l'Ar« morique. Elle allait de Nantes à Tiffauges, et, vraisemblablement, << traversait Clisson, situé sur le chemin de ces deux villes. »

Je ne cite ces trois autorités, en qui j'ai une fort médiocre confiance, que pour faire voir que je n'ai point invente cette ligne romaine honneur qu'on a bien voulu me faire quelquefois.

:

Ogée est le seul qui, dans la question, doive être compté pour quelque chose. Lemot n'est que son copiste inexact. Richer disserte et entasse presque autant de fautes que de mots.

La carte de Peutinger donne en effet une route allant de Lemuno (Limonum, Poitiers) à Portus Nannetum (Nantes). En cherchant la direction de cette route, Ogée a naturellement pris la ligne droite de l'une à l'autre de ces deux villes romaines, et cette ligne passe à peu près par les localités qu'il indique. C'est une conjecture assez plausible, et ce n'est pas autre chose. Du reste, sur toute cette ligne pas un indice de débris romains, et, ce qu'il y a de plus fâcheux, pas le plus petit tronçon de voie. Je croirais volontiers que la cause de cette pénurie pourrait provenir de ce que les recherches n'ont guère porté que sur la route actuelle de Clisson à Nantes, qui ne me paraît point avoir été tracée sur l'ancienne voie ni même dans la direction de celle-ci. Il faut remarquer que le vieux Clisson, comme son château, était placé sur la rive gauche de la Sèvre; et j'ai toujours pensé que si la chaussée antique venait de Tiffauges, ce devait être aussi par la même rive, et que, pour gagner Nantes, elle devait se diriger par le plateau séparant les eaux de la Maine et de la Sèvre, entre les bourgs de Gorges et de Saint-Lumine; de Monnières et de Maisdon; passer assez près du bourg de Saint-Fiacre; puis traverser la Sèvre au très-ancien passage de la Ramée, et, de là, laissant à une faible distance, à l'ouest, l'abbaye de Vertou, arriver à Pirmil, en se réunissant peut-être, un peu auparavant, à la grande route actuelle. C'est encore une vérification à faire. J'ajoute que la voie pourrait bien se trouver sur la limite précise de Saint-Hilaire-du-Bois et de Clisson; de Saint-Lumine et de Gorges, et sur une partie de celle de Maisdon et de Monnières. Je noterai enfin que sur la paroisse de Maisdon, à 12 ou 1500 mètres à l'est du bourg, et presque sur la limite de Monnières, se trouve le manoir du Chastelier.

BIZEUL (de Blain).

(La suite prochainement.)

UNE PETITE VILLE DE PROVINCE.

Un spirituel chansonnier, mort, il y a quelques années, juge de paix de Fontenay-le-Comte (1), a tracé un piquant portrait de cette ville sous la Restauration. Peut-être l'a-t-il un peu chargé; mais, si nous sommes bien renseigné, les compatriotes de l'auteur lui pardonneront volontiers cette pochade jetée sur le papier dans un moment de verve satirique, la plupart des légers travers flagellés par lui ayant à peu près disparu, et le Fontenay d'aujourd'hui rappelant à peine son aîné, par quelques traits lointains de physionomie. Le tableau, exhibé aux yeux du public, n'est donc plus qu'un portrait de famille, et cette publicité ne peut blesser personne, pas même les parents et amis du défunt.

AIR: de la Catacoua.

Mes chers amis, de notre ville
Vous me demandez le portrait;
La chose m'est assez facile,
Vous allez l'avoir trait pour trait.

De la peindre d'après nature
Ici tout m'offre le moyen;

Sans être ancien,

Ni praticien,

Je peux fort bien

Me faire historien;

Mais, si parfois j'ai la dent dure,

Écoutez et ne dites rien.

Mauvais pavés, vilaines rues,

Maisons basses, vieux magasins,

Deux auberges un peu courues,
Dix cafés sales et mesquins;

X.

(1) C.-E. Mignet, avocat, mort le 3 mars 1840. La Revue donnera prochainement une notice biographique sur ce poète.

Par ci, par là, des réverbères;
Mais à quoi sert-il d'en avoir?
Il fait si noir,

Que, chaque soir,

Sur le trottoir

On court risque de choir.
Ah! dans le siècle des lumières,
Ne devrait-on pas mieux y voir?

Sur une petite esplanade (1),
Un troupeau d'honnêtes oisifs
Débitant dans leur promenade
Quelques cancans inoffensifs;
Maint croquant allant à la chasse
Sur les terres de ses voisins;
De jolis teints,

Des airs mutins,
Peu de gens fins,
Beaucoup de libertins,

Et des marmots allant en classe
Au vieux couvent des Jacobins (2).

Chez les grisettes, le dimanche,
Et chez les dames de grand ton,
OEil vif, taille fine, peau blanche,
Et toilette à prétention;

Mais en tout lieu du caquetage,
Une noire méchanceté.

Sans vérité

Tout est conté,

Mal ajusté,

Fortement augmenté.

Pourquoi?.... C'est que le commérage
Est le fruit de l'oisiveté.

Un clocher en forme de flèche,
Qui de très-loin est apparent,
Un ruisseau que le soleil sèche

Et qui l'hiver est un torrent (5),

(1) La place Royale.

(2) Excellent pensionnat, tenu par A. Mignet, frère de l'auteur.

(3) La Vendée.

« PreviousContinue »