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Quoi qu'il en soit, et en admettant que le Ratiatum ait été une ville du pays de Rais, voyons quelles ont été les raisons de ceux qui lui ont assigné, dans ce territoire, un point précis.

Commençons par Hadrien de Valois. Nous avons vu que la charte de 839 qui porte don, par Louis le Débonnaire, à l'abbé du monastère de Deas, de la villa Scobrit et de l'église de St-Vital ou Viault, in pago Pictavo, in vicaria Racinse, est la seule autorité sur laquelle le savant auteur de la Notitia Galliæ a placé, près de St-Viault, le Ratiatum. L'endroit précis qu'il désigne est un lieu qu'il nomme le Restail, que personne ne connaît, et que nous avons vainement cherché sur la carte de Cassini. Mais nous répéterons la demande que nous avons déjà faite : Qu'a de commun le Restail avec Ratiatum? Qu'a de commun la vicaria Racensis avec Ratiatum ? De ce que St-Viault se trouve situé dans le pays de Rais, in vicaria Racinse, doit-on conclure que le Ratiatum soit placé à St-Viault ou dans son voisinage? Un pareil raisonnement me semble choquer toutes les règles de la logique et même du simple bon sens. Nous ne pouvons donc admettre le sentiment d'Hadrien de Valois, adopté pourtant par Baillet.

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L'abbé Belley et d'Anville, qui l'a suivi, placent le Ratiatum à St-Père-en-Rais, en s'appuyant sur ce passage de la charte de fondation du prieuré du Pellerin, au XIe siècle, que nous avons déjà cité: Ecclesia sancti Petri de Radesio juxtà castrum quæ vocatur ad sanctam Opportunam. Mais c'est encore ici, comme dans l'article précédent, une simple addition topographique indiquant que l'église de St-Père ou St-Pierre était situé dans le pays de Rais, de Radesio. Rien ici qui rappelle Ratiatum, et moins encore sa position. Nous avons cité plusieurs exemples analogues pour des localités du pays de Rais, dans lesquelles, en raisonnant comme l'abbé Belley, on pourrait placer Ratiatum tout aussi bien qu'à St-Père-en-Rais. La même analogie nominale qui a amené Ratiatum dans le pays, joue encore ici son rôle, mais d'une manière peu digne des deux savants auteurs, puisqu'ils prennent comme nom principal le complétif de Radesio, pour l'appliquer à Ratiatum, et en tirer une fausse identité. L'abbé Travers n'est pas tout à fait tombé dans la même faute en choisissant à Rezay l'emplacement de Ratiatum. Nous avons vu qu'au XIIe siècle, époque la plus reculée où il soit fait mention du bourg, de la paroisse ou de la seigneurie de Rezay, ce nom était écrit: Portus Raciacus. Rezaium. Rezeium.

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Rezay. Dans

le même temps, et dès le XIe siècle, le pays de Rais était nommé Radesium. Radiensis terrà. Radesiæ. Radesia. Ce nom

latinisé se traduit pour la première fois en français dans la signature de Garsire de Raies apposée à l'acte de fondation de Saint-Aubin-duCormier en 1225. En 1275, c'est encore Rayes; en 1308, Raix, en 1371, Rais, et cette dernière manière d'écrire ce nom s'est prolongée jusqu'à nos jours, concurremment avec celle de Retz, qui est assez moderne, et que j'ai trouvée, pour la première fois, dans une lettre écrite par Henri IV au parlement de Paris, le 6 avril 1598, dans laquelle est nommé le maréchal de Retz. Elle est contre-signée Potier. Ainsi, c'est une orthographe de chancellerie qui prévaut aujourd'hui, et dont on ne peut rien conclure en fait d'étymologie. En effet, ceux qui voudraient trouver quelque analogie entre Rezay et le Retz moderne, me sembleraient dans l'erreur; car il me paraît, étymologiquement parlant, qu'il existe une assez notable différence entre Rezaium et Radesium, que nous rencontrons les premiers en date, et à une mème époque, dans les chartes bretonnes. Si cette différence n'eût pas existé, pourquoi deux noms différents? Nous avons vu, d'ailleurs, que les seigneurs de Rezay et ceux de Rais n'avaient et n'ont eu depuis aucun rapport, même féodal.

Quoi qu'il en soit, et pour en revenir à l'opinion de l'abbé Travers, on conçoit qu'il ait cru découvrir entre Ratiatum et Rezay une analogie quelconque : on n'était pas difficile de son temps, et il l'était moins qu'un autre. Cette analogie admise, il en a dédnit l'identité de Ratiatum et de Rezaium, et n'en a pas apporté une seule autre preuve; car, comme nous l'avons déjà fait observer, toutes les diverses notions historiques qu'il réunit, à ce sujet, comme preuves de l'identité supposée, ont elles-mêmes besoin d'être prouvées, comme nous le verrons bientôt. Or, on conviendra facilement qu'il faut autre chose qu'une fausse analogie pour décider sérieusement une pareille question. J'ai déjà dit que ceux qui ont suivi le sentiment de l'abbé Travers n'avaient rien ajouté à ce qu'il avait avancé, et s'étaient contentés de rapporter, comme lui, ces faits ou ces conjectures, que je me suis proposé d'examiner et à la discussion desquels je vais passer.

BIZEUL (de Blain).

(La suite prochainement.)

BIOGRAPHIE

DE

GICQUEL DES TOUCHES.

GICQUEL DES TOUCHES (Auguste-Marie), capitaine de vaisseau, chevalier de Saint-Louis, commandeur de la légion d'honneur, né à Rennes le 26 août 1784, mort à Brest le 16 janvier 1855, n'avait pas encore onze ans lorsqu'il fut embarqué comme mousse, le 4 juin 1794, sur la frégate la Gentille, d'où il passa sur la flûte la Ferme, qu'une division anglaise captura dans la baie de Saint-François (Guadeloupe). Sur le Nestor, le Jean-Bart et le Desaix, où il servit de 1799 à 1801, il participa à quatre combats. Après celui d'Algésiras, le capitaine Christy-Pallière, commandant du Desaix, demanda pour lui le grade d'enseigne de vaisseau, quoiqu'il n'eût pas encore dix-sept ans. Il se fit encore remarquer sur ce vaisseau, lorsqu'en février 1802, il fut jeté sur les récifs de Picoltet (Saint-Domingue). Il parvint à en maintenir la mâture, dont la chute sur le pont aurait infailliblement causé de grands malheurs. Nommé enseigne en 1803, à son retour d'une nouvelle campagne, puis chevalier de la Légion d'honneur, le 5 février 1804, il soutint, sur l'Intrepide, les combats du cap Finistère et de Trafalgar. Le plus ancien des officiers restés à bord après la désastreuse journée de Trafalgar, il déploya autant d'activité que de tact et d'énergie pendant les trois jours qui suivirent, et parvint à se faire respecter, non-seulement de l'équipage français, mais encore des deux cents Anglais qui avaient amariné l'Intrepide. Tout en faisant ses efforts pour diriger ce vaisseau vers la côte de Cadix, il sut le maintenir à flot pendant la tempête qui succéda à la bataille, et sauver ainsi les trois cents Français restant à bord. Son habile et courageuse conduite, en cette circonstance, lui valut, plus tard, une lettre de félicitations que les officiers de l'Intrépide, prisonniers à bord

du Britannia, lui adressèrent en Angleterre. Rendu à la liberté, et devenu lieutenant de vaisseau, il prit part, comme second de la frégate la Dryade, capitaine Baudin, au combat dit du Romulus (13 février 1814).

Gicquel continua de naviguer depuis 1814; mais ses services eurent désormais un caractère tout différent de ceux qu'il avait rendus sous l'Empire: le marin combattant fit place à l'officier recherchant et appliquant les moyens de perfectionner les diverses parties du service qui lui était confié. Commandant, en 1817, la gabare la Loire, expédiée au Sénégal, il prit sur lui de rester dans cette colonie, pour y recueillir les malheureux naufragés de la Méduse, bien que ses instructions lui prescrivissent de retourner immédiatement en France. Le ministre approuva sa généreuse désobéissance. A son retour, il proposa et fit adopter, à bord des bâtiments de l'État, un mode d'installation du magasin général qui, depuis longtemps, y est devenu réglementaire. Employé à terre pendant les trois années suivantes, il consacra ses loisirs à l'étude, traduisit de l'anglais plusieurs instructions nautiques sur les côtes de la Manche et de la mer du Nord, composa un long mémoire sur les courants de l'Atlantique, compléta le Manœuvrier de Bourdé de Villehuet, et inséra dans les Annales maritimes et coloniales les travaux suivants: 1° Lettre sur des bancs, des vigies et des courants inconnus (t. VIII); 2o Rentrée des bâtiments de guerre (Ibid.). M. Tupinier ayant répondu à cet article par trois lettres signées Pontophile, et insérées dans les t. X et XII de ce recueil, Gicquel répliqua dans ce dernier volume. 3° Observations sur diverses ameliorations à faire dans l'accastillage et l'emménagement des bâtiments du Roi (t. VIII). 4° Observations sur le système actuel de mâture et sur la nécessite de rendre le système de mâture supérieure plus marin qu'il n'est (t. X). 5° Lettre sur le plan d'un vaisseau de 80 canons, proposé par M. Lair, directeur des constructions navales à Brest (t. X). Plusieurs des vues exposées dans ces divers écrits ont, plus ou moins promptement, été mises en pratique et sont aujourd'hui réglementaires. Promu capitaine de frégate le 17 septembre 1819, il fut chargé d'armer et d'installer la frégate la Jeanne-d'Arc, construite sur des plans nouveaux, et il fit, comme second de cette frégate, en 1821, une campagne dans le Levant, suivie d'une autre, de 1822 à 1824, aux côtes d'Espagne, sur le Cuirassier, dont il était commandant. A son retour

d'une campagne à la mer du Sud, sur la gabare la Moselle, il fut nommé capitaine de vaisseau (1827) et chargé presque aussitôt de faire à bord du vaisseau rasé la Guerrière, dont le commandement devait lui être confié plus tard, l'application d'un plan d'arrimage d'après lequel les vaisseaux rasés, qui faisaient constamment de graves avaries à la mer, pouvaient, étant convenablement arrimés, acquérir les meilleures qualités nautiques. Gicquel à exposé son système dans le t. XLV des Annales maritimes et coloniales, sous ce titre : Plan d'arrimage pour les vaisseaux rasés, appliqué à bord de la fregate la Guerrière (en vertu de la dépêche du 24 janvier 1828), avec une planche. Armé et commandé par lui en 1831, ce vaisseau se trouva posséder les qualités qu'il lui avait présagées. La guerre ne semblant pas devoir éclater, la Guerrière fut désarmée, et son commandant nommé au poste de directeur des mouvements du port de Brest, qu'il n'accepta que pour deux ou trois ans au plus, en disant qu'il ne voulait pas renoncer à la navigation, et que, si la guerre devait avoir lieu, il préférerait conserver le commandement de la Guerrière. Quoi qu'il en soit de cette déclaration et de la demande d'un commandement à la mer, par lui réitérée quinze fois de 1832 à 1841, il fut maintenu dans ce poste, par la raison, très-fondée du reste, que, par son habile, active et intègre direction du service complexe dont il était chargé, il se rendait aussi utile que s'il eût été embarqué; et, quand il invoqua ces services pour justifier ses droits à une position hiérarchique plus élevée, le défaut de service à la mer lui fut réglementairement opposé comme obstacle à l'admission de sa demande. Lorsqu'il fut admis à la retraite en 1845, il comptait cinquante années de service, dont quatorze à la direction du port de Brest, où il avait marqué son passage par l'organisation des gabiers de port, des pompiers et du matériel d'incendie. Dans l'exercice de ces fonctions, il rédigea en outre un travail déterminant la force de toutes les parties du gréement, et un autre équivalent pour la voilure. Le premier a servi de base au règlement actuel sur cette partie de l'armement des bâtiments de la flotte, jusqu'alors exécutée différemment dans chaque port; par le second, il a fait supprimer l'échancrure sur le côté des voiles qui s'orientent infiniment mieux et ne font plus le sac. Il fit aussi régler d'une manière uniforme les dimensions, variables selon les ports, des pavillons nationaux et étrangers, et il parvint, non sans peine, à obtenir de grandes améliorations dans l'épuration du chanvre

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