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Trois ans après, Commynes fut nommé sénéchal de Poitou, et remplit en tous points les vues de son maître, dont il sut conserver la faveur, malgré les nuages passagers que des intrigues rivales parvinrent à faire passer, de temps à autre, sur leur intimité. Allié aux plus grandes familles de la province, possesseur de biens considérables situés sur son territoire, il parvint à y endormir l'esprit de révolte, et à en faire le foyer d'une surveillance active, dirigée, par terre et par mer, du côté de voisins qu'on avait besoin de contenir dans l'obéissance. Gouverneur en outre de Chinon et gardien des Ponts-de-Cé, il eut toutes les facilités désirables pour accomplir cette mission délicate. La propriété de la seigneurie d'Argenton causa plus tard de longs débats, dont on trouvera la narration détaillée à la p. cxxiv de la notice biographique placée en tête de l'édition des Mémoires de Philippe de Commynes, donnée par Mile Dupont. La plupart des pièces originales du procès font partie de notre dossier. Une réaction terrible se faisait alors contre les anciens serviteurs de Louis XI. Les la Trémoille avaient ouvert la brèche par laquelle passèrent d'autres réclamants.

Frossay (Loire-Inférieure), 10 octobre 1856.

Benjamin FILLON.

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DÉCRET IMPÉRIAL TRANSFÉRANT LE CHEF-LIEU DU DÉPARTEMENT DE LA VENDÉE DE FONTENAY A LA ROCHE-sur-Yon.

Au palais de Saint-Cloud, le 5 prairial an XII (25 mai 1804).

NAPOLÉON, empereur des Français, sur le rapport du ministre de l'intérieur, décrète ce qui suit :

ART. 1er. Le chef-lieu du département de la Vendée sera tranféré à la Roche-sur-Yon le premier fructidor prochain.

ART. 2. Un ingénieur des ponts et chaussées et un officier du génie militaire seront envoyés à la Roche-sur-Yon.

Ils détermineront sur les lieux l'emplacement de la préfecture, du tribunal, de la prison, de casernes propres à contenir deux bataillons d'infanterie et les officiers, d'un hôpital militaire pour 300 lits, d'une manutention des vivres, d'un magasin de subsistances et d'un lycée. Ils traceront l'ouverture et l'alignement des rues, dont le terrain serait concédé, à la charge de bâtir des maisons. Leurs plans et

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projets seront dressés dans les proportions nécessaires à une ville de 12 à 15,000 âmes.

Ils reconnaîtront le cours de l'Yon, et détermineront l'espèce de navigation dont cette rivière est susceptible.

Ces opérations seront dirigées et suivies de manière que les mémoires détaillés et tous les plans à l'appui soient présentés, par le ministre de l'intérieur, au premier travail de messidor prochain.

ART. 3. - Des routes seront ouvertes entre la Roche-sur-Yon, les Sables d'Olonne, Montaigu et Sainte-Hermine, et dirigées de manière que la communication soit établie entre Fontenay, Nantes, les Sables et la Roche-sur-Yon.

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ART. 4. Un mémoire et des projets seront dressés pour faire connaître 1° les améliorations nécessaires au port des Sables pour qu'il devienne le port d'entrepôt de toute la Vendée; 2o les manufactures qui peuvent être établies à la Roche-sur-Yon, et les encouragements qu'il convient d'accorder.

ART. 5. La construction des bâtiments de la préfecture, du tribunal et de la prison, commencera dès cette année.

A cet effet, un fonds de 50,000 fr. est mis à la disposition du ministre de l'intérieur.

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ART. 6. La construction des casernes, de l'hôpital militaire, de la manutention des vivres et du magasin des subsistances, commencera dès cette année.

A cet effet, un fonds de 50,000 fr. est mis à la disposition du ministre de la guerre.

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ART. 7. Les travaux pour les communications de la Roche-surYon aux Sables d'Olonne, à Montaigu et à Sainte-Hermine, commenceront sans aucun délai et seront poursuivis avec activité.

A cet effet, un fonds de 300,000 fr. est mis à la disposition du ministre de l'intérieur.

--

ART. 8. Les ministres de l'intérieur, de la guerre et du trésor public sont chargés de l'exécution du présent décret.

Signe NAPOLEON.

Par l'Empereur,

Le secrétaire d'État, signé: H.-B. MARET.

II

LETTRE DE BOURon (1), président du tribunal criminel de la VeNDÉE, A VINCENT CHAPELAIN, ANCIEN DÉPUTÉ AUX CINQ-CENTS (2).

MONSIEUR ET AMI,

Fontenay, le 3 thermidor an XII (22 juillet 1804).

Fontenay jouissait avec la plus entière sécurité des grands avantages que lui avait procurés la Révolution, lorsque, vers la mi-prairial, il apprend tout à coup qu'un décret impérial fixe le chef-lieu de la Vendée à la Roche-sur-Yon, et ordonne qu'au 1er fructidor la préfecture y sera en activité. On s'étonne, on crie à l'impossible :

(1) François-Anne-Jacques Bouron, né à Fontenay en 1752, fut d'abord avocat du roi au siége royal de cette ville. Au moment de la convocation des États-généraux, ses concitoyens le choisirent pour l'un des députés du tiersétat de la province. Il fut ensuite juré à la haute cour de Versailles, pour la Vendée, puis procureur général syndic de ce département en 1793; nommé plus tard président du tribunal criminel, il passa, en dernier lieu, en qualité de conseiller, à la cour d'appel de Poitiers. A l'époque de sa mort, arrivée à Velaudin, commune de Bazoges-en-Pareds, le 1er mai 1832, il était conseiller honoraire depuis plusieurs années.

Bourou était un homme intelligent, ardent patriote, qui sut se concilier l'estime générale dans l'exercice des divers emplois dont il fut successivement investi. — Madame Des Nouhes, de Velaudin, sa nièce et son héritière, possède un portrait peint de lui, qu'on dit fort ressemblant.

(2) Vincent Chapelain, fils d'un chirurgien des Épesses (Vendée), où il naquit le 22 décembre 1757, exerçait la médecine dans ce bourg lorsque éclata le soulèvement du 10 mars 93. Forcé bientôt de se réfugier à Fontenay, il y fut chargé de plusieurs missions, soit par les administrateurs du département, soit par les représentants du peuple. Au mois de mars 1794, il fut, par exemple, envoyé à Paris afin de faire connaître au Comité de salut public l'état désastreux du pays insurgé et de demander des secours de toute nature. La manière dont il se conduisit dans cette circonstance délicate, attira sur lui l'attention publique et le fit élire, deux ans après, membre du conseil des Cinq-Cents. A l'expiration de son mandat, il alla habiter pendant quelques années sa maison de la Pinelais, commune de Couëron (Loire-Inférieure), et rentra ensuite dans la Vendée, pour y reprendre de nouveau sa profession. Il finit ses jours à Fontenay, le 27 juillet

1818.

Chapelain a fait imprimer un mémoire intitulé: Le citoyen Chapelain, membre du conseil des Cinq-Cens, à ses collègues (65 pp. in-8o). Il a laissé en outre un manuscrit sur l'histoire des guerres de la Vendée, qui faisait partie de la collection de M. La Fontenelle. On a un portrait de lui gravé par Gonord.

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cependant, après quelques observations sur le caractère, le génie du chef de l'État et son amour de la célébrité, on devient crédule, et le conseil général de la ville, qui est forcé de voir dans le plan un grand avantage pour le département en général, rédige une adresse d'applaudissement et ne fait des doléances que pour obtenir, en dédommagement de la perte de ses établissements publics, la navigation de la Vendée et une grande route de Fontenay à Bressuire par la Châteigneraye. Des ingénieurs et des architectes arrivent de Paris; ils annoncent la plus grande activité dans les bureaux du Gouvernement, et les ordres les plus précis pour commencer les opérations préliminaires et indispensables. Ils se réunissent à la Roche là, sans aucun relâche, on parcourt le rocher de prédilection, on observe tous ses alentours, et, dans une quinzaine, on trace et l'on dessine une charmante cité capable de contenir quinze mille habitants, avec une place au milieu, où se réunissent quatre grandes routes. Le plan part, le ministre de l'intérieur doit le présenter dans son premier rapport du mois. Les ingénieurs restent sur les lieux et attendent l'approbation: on dit que l'aperçu présenté des dépenses s'élève à trente et quelques millions. J'avoue, mon ami, que si, pendant l'Assemblée constituante, ou tandis que j'étais procureur général syndic de la Vendée, j'avais pu croire qu'on eût voulu faire d'aussi grands sacrifices d'argent, j'aurais de tout mon cœur sollicité le placement du chef-lieu à la Roche, comme point central. C'est le général Gouvion (1) qui a conçu le projet, et qui, jouissant de toute la confiance, l'a fait adopter comme un sûr moyen de contenir la Vendée et d'y maintenir la tranquillité. On ne peut, en effet, se dissimuler qu'avec des agents dévoués au Gouvernement et de bonnes

(1) Gouvion, inspecteur général de la gendarmerie nationale, avait été envoyé dans l'Ouest en qualité de commandant des quatre compagnies d'éclaireurs formées pour surveiller les royalistes, qui avaient tenté, en brumaire an XII, de soule ver le pays aux environs de Châtillon-sur-Sèvre, sous prétexte de s'opposer au tirage. Les autres départements voisins étaient travaillés en même temps par des menées semblables. Gouvion établit son quartier général à Châtillon, et le transporta successivement, en pluviôse, à la Roche-sur-Yon et à Challans. C'est alors qu'il engagea le Gouvernement à mettre à exécution le projet présenté à la Constituante, par un certain nombre d'habitants du bas Poitou, au moment du partage de la France en nouvelles circonscriptions, et de transporter dans le premier de ces bourgs le chef-lieu du département de la Vendée, projet que Bouron, en sa qualité de Fontenaisien, avait empêché plus que personne de réaliser en janvier 1790.

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