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en efprit et en vérité, fans avoir fon nombril dans une Eglife.

Ceux qu'on appelait janfènistes, ne contribuèrent pas peu à déraciner infenfiblement dans l'efprit de la nation, la plupart des fauffes idées qui déshonoraient la religion chrétienne. On ceffa de croire qu'il fuffifait de réciter l'oraifon des trente jours, à la vierge Marie, pour obtenir tout ce qu'on voulait et pour pécher impunément.

Enfin, la bourgeoifie a commencé à foupçonner que ce n'était pas Ste Genevieve qui donnait ou arrêtait la pluie, mais que c'était DIEU lui-même qui difpofait des élémens. Les moines ont été étonnés que leurs faints ne fissent plus de miracles, et fi les écrivains de St François Xavier revenaient au monde, ils n'oferaient pas écrire que ce faint reffufcita neuf morts, qu'il fe trouva en même temps fur mer et fur terre, et que fon crucifix, étant tombé dans la mer, un cancre vint le lui rapporter.

Il en a été de même des excommunications. Nos hiftoriens nous difent que, lorfque le roi Robert eut été excommunié, par le pape Gregoire V, pour avoir épousé la princesse Berthe, fa commère, fes domestiques jetaient par les fenêtres les viandes qu'on avait fervies au roi, et que la reine Berthe accoucha d'une

oie, en punition de ce mariage incestueux. On doute aujourd'hui, que les maîtres-d'hôtel d'un roi de France excommunié, jetaffent fon dîner par la fenêtre, et que la reine mît au monde un oifon en pareil cas.

S'il y a quelques convulfionnaires dans un coin d'un faubourg, c'est une maladie pédiculaire, dont il n'y a que la plus vile populace qui foit attaquée. Chaque jours la raison pénètre, en France, dans les boutiques des marchands, comme dans les hôtels des feigneurs. Il faut donc cultiver les fruits de cette raison, d'autant plus qu'il eft impoffible de les empêcher d'éclore. On ne peut gouverner la France, après qu'elle a été éclairée par les Pafcal, les Nicole, les Arnaud, les Boffuet, les Defcartes, les Gaffendi, les Bayle, les Fontenelle, &c. comme on la gouvernait du temps des Garaffe et des

Menot.

Si les maîtres d'erreurs, je dis les grands maîtres, fi long-temps payés et honorés pour abrutir l'efpèce humaine, ordonnaient aujourd'hui de croire que le grain doit pourrir pour germer, que la terre eft immobile fur fes fondemens, qu'elle ne tourne point autour du foleil, que les marées ne font pas un effet naturel de la gravitation, que l'arc-en-ciel n'eft pas formé par la réfraction et la réflexion des

rayons de la lumière, &c., et, s'ils fe fondaient fur des paffages mal entendus de la fainte Ecriture, pour appuyer leurs ordonnances, comment feraient-ils regardés par tous les hommes inftruits? Le terme de bêtes ferait-il trop fort? et fi ces fages maîtres fe fervaient de la force et de la perfécution, pour faire régner leur ignorance infolente, le terme de bêtes farouches ferait-il déplacé ?

Plus les fuperftitions des moines font méprifées, plus les évêques font refpectés, et les curés confidérés; ils ne font que du bien, et les fuperftitions monacales ultramontaines, feraient beaucoup de mal. Mais de toutes les fuperftitions, la plus dangereuse, n'eft-ce pas celle de haïr fon prochain pour fes opinions? et n'eft-il pas évident qu'il ferait encore plus raifonnable d'adorer le faint nombril, le faint prépuce, le lait et la robe de la vierge Marie, que de détefter et de perfécuter fon frère ?

Vertu vaut mieux que fcience.

MOINS de dogmes, moins de disputes; et moins de difputes, moins de malheurs : fi cela n'eft pas vrai, j'ai tort.

La religion eft inftituée pour nous rendre. heureux dans cette vie et dans l'autre. Que

faut-il pour être heureux dans la vie à venir ? être jufte.

Pour être heureux dans celle-ci, autant que le permet la misère de notre nature, que faut-il être ? indulgent.

Ce ferait le comble de la folie, de prétendre amener tous les hommes à penser d'une manière uniforme fur la métaphyfique. On pourrait beaucoup plus aifément fubjuguer l'univers entier, par les armes, que fubjuguer tous les efprits d'une feule ville.

Euclide eft venu aifément à bout de perfuader à tous les hommes les vérités de la géométrie; pourquoi ? parce qu'il n'y en a pas un qui ne foit un corollaire évident de ce petit axiome: Deux et deux font quatre. Il n'en eft pas tout à fait de même dans le mélange de la métaphysique et de la théologie.

Lorsque l'évêque Alexandre et le prêtre Arios ou Arius, commencèrent à disputer fur la manière, dont le Logos était une émanation du Père, l'empereur Conftantin leur écrivit d'abord ces paroles rapportées par Eusèbe et par Socrate Vous êtes de grands fous de difputer fur des chofes que vous ne pouvez entendre. Si les deux partis avaient été affez fages pour convenir que l'empereur avait raifon, le monde chrétien n'aurait pas été enfanglanté pendant trois cents années.

:

Qu'y a-t-il en effet de plus fou et de plus horrible que de dire aux hommes: " Mes " amis, ce n'eft pas affez d'être des sujets "fideles, des enfans foumis, des pères ten,, dres, des voifins équitables, de pratiquer "toutes les vertus, de cultiver l'amitié, de , fuir l'ingratitude, d'adorer JESUS-CHRIST " en paix; il faut encore que vous fachiez " comment on eft engendré de toute éter"nité; et fi vous ne favez pas diftinguer

l'Omoufion dans l'hypoftafe, nous vous dénonçons que vous ferez brûlés à jamais; , et, en attendant nous allons commencer " par vous égorger?",

Si on avait présenté une telle décifion à un Archimède, à un Poffidonius, à un Varron, à un Caton, à un Cicéron, qu'auraient-ils répondu ?

Conftantin ne perfévéra point dans la réfolution d'impofer filence aux deux partis; il pouvait faire venir les chefs de l'ergotisme dans fon palais; il pouvait leur demander par quelle autorité ils troublaient le monde: "Avez-vous les titres de la famille divine? "Que vous importe que le Logos foit fait ou " engendré, pourvu qu'on lui foit fidèle, " pourvu qu'on prêche une bonne morale, " et qu'on la pratique fi on peut? J'ai commis › bien des fautes dans ma vie, et vous auffi:

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